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Affaire Lucent : l’employeur responsable des actes en ligne commis par des salariés
L’employeur est responsable des actes commis par ses salariés au moyen des outils qu’il met à leur disposition, a rappelé la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Dans un arrêt du 13 mars 2006, elle a ainsi confirmé le jugement du TGI de Marseille du 11 juin 2003 qui s’était fondé sur la responsabilité du fait du commettant (article 1384 alinéa 5 du code civil) pour condamner la société Lucent Technologies.
Dans cette affaire, un salarié de Lucent, constructeur d’équipements de télécommunications, avait créé à son domicile un site internet satirique, escroca.com, dénonçant les abus supposés de la société Escota, concessionnaire des autoroutes du sud-est de la France, vis-à-vis des usagers. Il avait ensuite procédé à des mises en ligne de contenu depuis son poste de travail. Escota avait alors assigné l’auteur du site, l’employeur de ce dernier et l’hébergeur. Dans un jugement du 11 juin 2003, le TGI de Marseille avait condamné le salarié pour contrefaçon de marques et son employeur du fait des fautes commises par son salarié. La responsabilité de l’hébergeur n’avait pas été retenue. L’arrêt 13 mars 2006 de la cour d’appel a confirmé le jugement, en ajoutant la publication judiciaire de l’arrêt dans deux quotidiens aux frais des deux parties.
Pour retenir la responsabilité de l’employeur, les juges ont pris en considération le fait qu’il avait mis à la disposition de ses salariés et notamment à celle de l’auteur du site incriminé, un ordinateur connecté à internet. L’usage quotidien de cet outil entrait dans le cadre des fonctions de ce technicien de tests. La cour a, par ailleurs, constaté que Lucent avait autorisé son personnel, par une note de service, à utiliser ses équipements informatiques, pour un usage personnel, à condition que ce soit en dehors des heures de travail.
Cet arrêt illustre bien la délicate situation dans laquelle se trouve l’employeur. D’un côté, la jurisprudence a admis un usage privé mais raisonnable par le personnel du téléphone, du minitel et de l’accès à internet de l’entreprise. De l’autre, l’employeur reste responsable de l’utilisation qui est faite de ces outils. Comment trouver un équilibre entre la confiance vis-à-vis des salariés qui expose l’employeur à d’éventuelles condamnations et un contrôle efficace du personnel qui risque de porter atteinte aux libertés individuelles des salariés ?