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Alerte professionnelle en ligne suspendue en référé
Depuis le scandale d’Enron, la loi américaine Sarbannes-Oxley impose aux sociétés cotées en bourse ainsi qu’à leurs filiales étrangères de mettre en place un dispositif d’alerte (whistleblowing) permettant aux salariés de dénoncer les fraudes et les malversations comptables ou financières dont ils auraient connaissance. En France, ces systèmes sont licites, à condition notamment de respecter la loi Informatiques et libertés. Dans une ordonnance de référé du 5 novembre 2009, le tribunal de grande instance de Caen a justement suspendu le dispositif d’alerte de la société Benoist Girard, filiale du fabricant américain de matériel médical Stryker, pour non-conformité avec la loi Informatique et libertés. Plus exactement, les juges ont considéré que Benoist Girard n’avait pas apporté d’éléments justifiant le respect de la loi de 1978, en dehors de la déclaration de conformité à l’autorisation unique du 8 décembre 2005 de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés). « Ce qui équivaut à se procurer une propre preuve », estime le tribunal.
Le comité d’entreprise ainsi que le comité d’hygiène et de sécurité de Benoist Girard ont dénoncé le caractère anonyme du système alors que la Cnil préconise, au contraire, que le lanceur d’alerte s’identifie, sous condition de confidentialité. Ils lui ont également reproché de ne pas permettre à la personne mise en cause d’en être informée, lui interdisant ainsi de mettre éventuellement en œuvre son droit d’accès et de rectification garanti par la loi Informatique et libertés. Les représentants des salariés ont aussi critiqué le fait que le dispositif rende possible la délation, avec le thème de dénonciation « Autres sujets d’inquiétude ». Si cette catégorie a été retirée en France, elle reste néanmoins accessible sur le site pour les autres pays, de sorte que cette limitation peut être très facilement contournée.
Le tribunal conclut que « ces points sont en contradiction avec le document d’orientation de la Cnil du 10 novembre 2005 qui précise que conformément au principe de proportionnalité, les catégories de personnels susceptibles de faire l’objet d’une alerte devraient être précisément définies en référence aux motifs légitimant la mise en oeuvre du dispositif d’alerte, et que la possibilité de réaliser une alerte de façon anonyme ne peut que renforcer le risque de dénonciation calomnieuse ».