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Annuaire électronique et liste orange – Cassation : abus de position dominante de France Télécom
La Cour de cassation a rendu définitive la condamnation de France Télécom à 10 millions de francs d’amende (1,525 millions d’euros) prononcée par la cour d’appel de Paris, le 29 juin 1999. L’opérateur public avait été condamné pour avoir abusé de position dominante sur le marché des fichiers de prospection. Dans cette affaire qui a pris naissance au temps du monopole légal de France télécom, Filetech, société spécialisée dans le marketing direct, avait refusé d’acheter ses adresses au service de France Télécom Marketis, jugeant leur prix excessif. Pour obtenir ce fichier exhaustif et mis à jour de façon permanente, Filetech avait téléchargé l’annuaire électronique accessible par le minitel. Puis, elle avait revendu les fichiers issus des données de l’annuaire, sans avoir pu expurger les adresses inscrites sur la liste orange (elle permet aux abonnés de France Télécom de s’opposer à la commercialisation de leurs données). A la suite du refus de l’opérateur public de lui communiquer sa liste d’opposition, Filetech avait saisi le Conseil de la concurrence en 1992. Et le 29 septembre 1998, l’autorité administrative indépendante avait infligé une amende de 10 millions de francs jugeant les agissements anticoncurrentiels de France Télécom caractérisés.
Cette décision a été confirmée en appel le 29 juin 1999. Et dans son arrêt de rejet du pourvoi du 4 décembre 2001, la Cour de cassation reprend les arguments développés par la cour d’appel. Elle rappelle que la liste des abonnés de France Télécom expurgée constitue une ressource essentielle pour les opérateurs intervenant sur le marché des fichiers de prospection. Compte tenu de son monopole légal, France Télécom était le seul en mesure de leur fournir un fichier d’une telle taille, exhaustif et continuellement mis à jour. Or les prix « excessifs et discriminatoires » qu’il pratiquait étaient de nature à entraver l’accès à la liste des abonnés au service téléphonique expurgée de ceux inscrits sur la liste orange. La Cour a estimé que « si le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle sur une base de données peut légitimement prétendre à une rémunération, il ne peut, lorsque cette base de données constitue une ressource essentielle pour des opérateurs exerçant une activité concurrentielle, subordonner l’accès à cette base de données au paiement d’un prix excessif ».
Le fait d’avoir pratiqué une tarification à un prix sans rapport raisonnable avec le coût de la prestation fournie constitue un abus de position dominante. Et dans la mesure où l’annuaire universel n’est toujours pas mis en place, la Cour ajoute que France Télécom doit mettre à la disposition de tout demandeur « la liste consolidée comportant, sous réserve des droits des personnes concernées, les informations contenues dans l’annuaire universel à un prix reflétant les coûts ».
Si le volet « concurrence » de cette affaire est clos, l’aspect commercial est toujours pendant en appel. Lectiel, ex-Filetech et Group’adress, locataire gérant du fonds de commerce de Lectiel, réclament à France Télécom des dommages-intérêts pour la réparation d’un préjudice d’un 1,5 milliard de francs (230 millions d’euros). Un nouvel élément vient d’intervenir. Lectiel est en redressement judiciaire et Group’adress est en liquidation judiciaire depuis le 23 janvier dernier.