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mercredi 12 octobre 2016
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Audit de logiciels : Oracle condamné pour mauvaise foi et déloyauté

 

La cour d’appel de Paris a condamné Oracle pour ses pratiques agressives en matière d’audit de licences. Statuant sur l’appel du jugement du 6 novembre 2014, du TGI de Paris, la cour a estimé que l’éditeur américain avait agi avec mauvaise foi et déloyauté envers son client l’Afpa, et son intégrateur Sopra, en exigeant indûment des régularisations de licences de logiciels soi-disant non incluses dans le périmètre contractuel. Non seulement, la cour a débouté Oracle de ses demandes en contrefaçon, mais elle a condamné l’éditeur à indemniser l’Afpa et Sopra pour « un préjudice indépendant de celui causé par les frais qu’elles ont dû exposer pour se défendre dans la présente instance, tenant pour la première tant à l’atteinte faite à son image qu’aux nombreuses perturbations dans son fonctionnement engendrées par la forte mobilisation de ses équipes détournées du champ de ses missions habituelles, et pour la seconde en portant gravement atteinte à son image, alors que la société Oracle France est encore liée à elle par un contrat de distribution ». Les sociétés Oracle Corp., Oracle International Corp. et Oracle France sont condamnées à verser 100 000 € à l’Afpa et la même somme à Sopra au titre des dommages-intérêts. Elles doivent également verser 100 000 € à chacune au titre des frais de justice engagés.

L’Afpa utilisait les programmes d’Oracle depuis 2002. L’intégrateur Sopra avait remporté l’appel d’offres avec la solution Oracle E-Business Suite. Puis à la fin du marché en 2005, Sopra s’était retiré au profit d’Oracle qui avait repris l’intégralité des contrats souscrits par l’Afpa. Au moment où l’association lançait un nouvel appel d’offres pour une solution d’achat, Oracle lui avait fait part de son intention d’organiser un audit visant à « passer en revue les droits d’utilisation de ses produits par l’Afpa afin de lui permettre d’obtenir une vision plus claire du niveau d’utilisation des produits Oracle et partant de leur optimisation ». En raison de la procédure d’appel d’offres, Oracle avait annoncé qu’elle suspendait le processus d’audit. Partie au marché, il ne l’obtiendra pas. Quelques mois plus tard, Oracle envoyait son rapport relatif aux résultats du contrôle des licences qui montrait que l’Afpa utilisait 885 licences du logiciel Purchasing, sans en avoir acquis les droits, car selon Oracle il faisait partie d’une autre gamme de logiciels. Après deux ans de négociations infructueuses, Oracle l’a assignée en contrefaçon pour utilisation non autorisée de son logiciel. Et l’Afpa a appelé en garantie Sopra pour faire jouer sa garantie contractuelle à l’égard d’Oracle.
Dans son jugement du 6 novembre 2014, le TGI de Paris n’a pas adhéré au raisonnement d’Oracle et l’a débouté de ses demandes. Pour les juges, il ne s’agissait pas d’une affaire de contrefaçon mais bien d’un litige portant sur le périmètre du contrat et sur sa bonne ou mauvaise exécution. Ils ont expliqué qu’« il n’est à aucun moment soutenu que l’Afpa aurait utilisé un logiciel cracké ou implanté seule un logiciel non fourni par la société Sopra Group, ni même que le nombre de licences ne correspondait pas au nombre d’utilisateurs ».
La cour d’appel va infirmer le jugement considérant au contraire la demande en contrefaçon recevable. Elle a donc analysé la situation pour savoir si l’Afpa et Sopra avaient manqué à leurs obligations contractuelles en installant et en utilisant le logiciel Purchasing et si elles avaient commis des actes de contrefaçon. Oracle considérait que ce logiciel ne faisait pas partie du périmètre contractuel. La cour a cependant estimé « qu’en installant et en utilisant le module PO, se rattachant pour le moins au logiciel Purchasing et inclus dans le périmètre du marché Mosaïc, lequel a été dûment payé, la société Sopra Group et l’Afpa n’ont manqué à aucune de leurs obligations contractuelles ; qu’aucun acte de contrefaçon ne peut donc leur être reproché par la société Oracle International Corportation ».

La cour a en revanche retenu les demandes reconventionnelles en dommages-intérêts de l’Afpa et de Sopra pour avoir agi avec mauvaise foi et déloyauté envers ces deux organisations. Elle a estimé qu’Oracle avait profité à deux reprises de son droit contractuel de procéder à des audits, de manière à faire pression et obtenir la souscription de nouvelles licences incluses dans l’offre personnalisées de 2001.

L’arrêt fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

 

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