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lundi 12 mai 2025
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Doctrine.fr condamné pour concurrence déloyale

 

Par un arrêt du 7 mai 2025, la cour d’appel de Paris a condamné la société Forseti, qui édite le site Doctrine.fr, à payer en réparation des actes de concurrence déloyale la somme de 40 000 euros à chacune des sociétés, Lexbase, Lextenso et Lamy Liaisons, et la somme de 50 000 euros à chacune des sociétés Edition Dalloz et Lexisnexis. La cour a jugé que « l’ampleur du fonds jurisprudentiel illicitement et déloyalement constitué par la société Forseti a créé un trouble commercial pour les appelantes, et leur a causé un préjudice d’image, dans ce marché concurrentiel des éditeurs juridiques, et ce d’autant que la société Forseti a fait de l’ampleur de son fonds jurisprudentiel l’un de ses principaux arguments de vente ».
Cette affaire remonte à octobre 2018, date à laquelle les sociétés Editions Dalloz, Lexbase, LexisNexis, Lextenso et Wolters Kluwer France, ont assigné Forseti soutenant que la collecte en deux ans de 10 millions de décisions de justice avait permis l’arrivée rapide de doctrine.fr sur le marché grâce à des pratiques trompeuses, déloyales et parasitaires. Les sociétés concurrentes faisaient valoir que Forseti s’était procuré des centaines de milliers de décisions auprès des tribunaux judiciaires de première instance, des tribunaux administratifs et de commerce de façon illicite. A préciser que le décret du 29 juin 2020 relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives, n’était pas applicable au présent litige quant à la collecte et à la réutilisation des décisions de justice antérieurement au 31 décembre 2018. Les éditeurs de bases de données juridiques ont été déboutés de leurs demandes par un jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 février 2023.
La cour d’appel a cependant infirmé ce jugement sur le fondement de la concurrence déloyale. Selon la cour, il existe des présomptions graves, précises et concordantes que la société Forseti s’est procuré des centaines de milliers de décisions de justice des tribunaux judiciaire de première instance de manière illicite sans aucune autorisation des directeurs de greffe, en violation des dispositions combinées de l’article 6 de la loi informatique et libertés et de l’article R.123-5 du code de l’organisation judiciaire. La cour a considéré que Forseti s’était ainsi ménagé un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrents lesquels avaient sollicité sans succès l’autorisation des directeurs de greffe aux fins d’accès aux décisions rendues en audience publique. De même, il est reproché à Forseti de s’être procuré des centaines de milliers de décisions des tribunaux administratifs de manière illicite qu’elle avait obtenues dans le cadre d’une convention de recherche conclue avec le Conseil d’Etat qui visait à permettre le développement d’un logiciel libre d’anonymisation. Or, la réutilisation des décisions fournies et anonymisées était soumise à autorisation. Mais faute d’autorisation, la cour a estimé que Forseti s’était procuré ces centaines de milliers de jugements administratifs de manière illicite en violation des dispositions de la convention de recherche conclue avec le Conseil d’Etat.
S’agissant de la collecte des décisions des tribunaux de commerce, la cour a également jugé que Forseti s’est octroyé un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrentes, lesquelles constituaient leur base de données à partir des diffusions publiques tels que Judilibre ou Legifrance, de conventions conclues avec certains tribunaux de commerce et d’acquisitions payantes sur Infogreffe. Si Forseti avait effectivement conclu en juillet 2017 un partenariat avec le GIE Infogreffe, cette convention avait été résiliée par Infogreffe en septembre 2018. Comme Forseti a refusé de verser au débat ladite convention, la cour a estimé qu’elle ne justifie pas de la collecte licite et loyale des 3 millions de décisions des tribunaux de commerce mises à disposition sur le site doctrine.fr.
La cour d’appel a en revanche rejeté les demandes des sociétés appelantes sur les pratiques commerciales trompeuses et le parasitisme.