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Dommages-intérêts à payer par les membres mineurs du forum Utopi-Board
Plus de 13 ans après les faits et 4 ans après le premier jugement pénal du 27 mai 2014 qui avait condamné les personnes majeures ayant pris part activement à un important forum d’échanges de fichiers illicites, le tribunal pour enfants de Béthune a finalement répondu aux demandes indemnitaires des parties civiles contre les prévenus mineurs. Par un jugement du 17 mai 2018 que le greffe a fait parvenir très tardivement, les prévenus ont été condamnés à verser plus de 160 000 € de dommages intérêts aux parties civiles : Microsoft, la Sacem, la SDRM, le SCPP et l’APP.
Entre 2005 et 2006, le forum Utopi-Board avait permis de mettre à la disposition des internautes, sans autorisation des ayants droit, plus de 36 000 fichiers ou albums de musique, 3 500 films, dont certains avant leur sortie en salle, et 750 logiciels. Les investigations ont révélé un forum très hiérarchisé avec des administrateurs, des modérateurs et des super modérateurs, avec trois zones d’accès aux fichiers (libre et gratuite, privée et super privée), plus ou moins payantes et plus ou moins riches en contenus illicites suivant les paliers. 27 membres actifs avaient été identifiés, dont le propriétaire de l’ordinateur saisi qui était en fait le fondateur et administrateur du forum.
Par un jugement du 27 mai 2014 du TGI de Béthune, une douzaine de personnes majeures ont été condamnées à des peines de prison, avec sursis, pour contrefaçon d’œuvres de l’esprit (films, musiques, jeux vidéos, logiciels) et de marques mais aussi pour fraude informatique. Et par un jugement du 5 février 2015, le TGI de Béthune s’est prononcé sur les intérêts civils. Les prévenus ont été condamnés à verser des dommages-intérêts importants, notamment 40 000 € respectivement à la SCPP, la Sacem et la SDRM.
Puis, par un jugement du 27 avril 2017, le tribunal pour enfants de Béthune a condamné à une peine d’admonestation les autres membres actifs du réseau, mineurs au moment des faits, reconnus coupables notamment de contrefaçon et d’accès frauduleux dans un système d’information. L’admonestation constitue la plus faible des sanctions pénales que peut prononcer le juge des enfants. Le 17 mai 2018, le même tribunal s’est prononcé sur les sanctions civiles.
En ce qui concerne l’Agence pour la protection des programmes (APP), le tribunal a reconnu qu’elle avait qualité à obtenir des dommages-intérêts lorsque les intérêts collectifs de la profession sont bafoués, ce qu’il admet être le cas en l’espèce. Pour le tribunal, les agissements des prévenus ont contribué à dévaloriser les éléments (jeux et logiciels) téléchargés et ainsi à limiter la rémunération de leurs créateurs et auteurs. Les prévenus concernés doivent lui verser 1 500 € de dommages-intérêts. S’agissant des demandes de la Sacem et de la SDRM pour les fichiers musicaux, le tribunal a estimé que le téléchargement et la diffusion illégale des œuvres de leur répertoire ont généré un manque à gagner dont le préjudice à réparer est évalué à 40 000 €. La Société civile des producteurs de phonogrammes obtient également 40 000 €, pour la reproduction et la communication au public de leurs enregistrements.
Microsoft est indemnisé pour les contrefaçons par reproduction établies par l’enquête, pour le préjudice tiré de l’atteinte à ses droits extra-patrimoniaux en qualité d’éditeur des logiciels qu’il distribue en France et de l’atteinte à la marque Microsoft. Le tribunal fixe l’indemnité unitaire pour un système d’exploitation à 35 €, pour un logiciel applicatif à 15 € et pour un logiciel encyclopédique ou de jeux à 10 €, soit un total de plus de 160 000 €.