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Droit d’exploitation numérique des livres « oubliés » : la CJUE invalide ReLire
Par un arrêt du 16 novembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne a remis en cause le mécanisme français permettant la diffusion numérique des livres indisponibles dans le commerce, sur autorisation de la société de gestion collective Sofia. Elle a estimé que les article 2 et 3 de la directive du 22 mai 2001 « s’opposent à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, confie à une société agréée de perception et de répartition de droits d’auteurs l’exercice du droit d’autoriser la reproduction et la communication au public, sous une forme numérique, de livres dits « indisponibles », à savoir des livres publiés en France avant le 1er janvier 2001 et ne faisant plus l’objet ni d’une diffusion commerciale ni d’une publication sous une forme imprimée ou numérique, tout en permettant aux auteurs ou ayants droit de ces livres de s’opposer ou de mettre fin à cet exercice dans les conditions que cette réglementation définit. ».
Elle commence par rappeler que le dispositif français n’entre pas dans le cadre des exceptions et limitations au monopole de l’auteur prévues par la directive. Il fallait donc déterminer si une société de gestion collective peut autoriser la reproduction numérique d’un livre indisponible, à condition que l’auteur ne s’y soit pas opposé dans un délai de six mois à compter de l’inscription de l’ouvrage dans le Registre des livres indisponibles en réédition électronique (ReLire). La Cour a estimé que le consentement de l’auteur à l’utilisation de son œuvre peut être exprimé de manière implicite, sous réserve que l’auteur soit informé de sa future utilisation, en vue de l’interdire s’il le souhaite. Or, dans le mécanisme prévu par la loi du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles, la Cour considère qu’il n’est pas exclu que les auteurs concernés n’aient pas reçu d’information sur cette future utilisation et n’aient pas été en mesure de prendre position. En effet, la réglementation française ne garantit pas l’information effective et individualisée des auteurs. Par ailleurs, il ne peut être raisonnablement présumé que les auteurs de livres « oubliés » soient favorables à leur résurrection en vue d’une exploitation commerciale sous forme numérique. « Dans ces conditions, une simple absence d’opposition de leur part ne peut pas être regardée comme l’expression de leur consentement implicite à cette utilisation », déclare la Cour.
La CJUE s’est également prononcée contre la possibilité de mettre fin à l’exploitation commerciale de leurs œuvres sous forme numérique, soit d’un commun accord avec les éditeurs, soit seuls à condition qu’ils rapportent la preuve qu’ils sont bien les titulaires des droits. Elle considère que « lorsque l’auteur d’une œuvre décide, dans le cadre de la mise en œuvre d’une réglementation telle que celle en cause au principal, de mettre fin pour l’avenir à l’exploitation de cette œuvre sous une forme numérique, ce droit doit pouvoir être exercé sans devoir dépendre, dans certains cas, de la volonté concordante de personnes autres que celles que cet auteur a préalablement autorisées à procéder à une telle exploitation numérique, et donc de l’accord de l’éditeur ne détenant, par ailleurs, que les droits d’exploitation de ladite œuvre sous une forme imprimée. ». Par ailleurs, elle rappelle qu’il doit être possible de mettre fin à l’exploitation de son œuvre, sans avoir à se soumettre à une formalité préalable.