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Droit d’usage du nom de domaine : redressement fiscal d’eBay France confirmé par le Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat a validé les fondements juridiques du redressement fiscal de la société eBay France sur les années 2003 à 2005 en confirmant que le droit d’utilisation d’un nom de domaine suit le régime fiscal des éléments incorporels de l’actif immobilisé de l’entreprise, sous certaines conditions. Il infirme cependant le mode de calcul retenu de la valorisation du droit sur le nom de domaine ebay.fr par la cour administrative d’appel de Paris et approuve la manière dont l’administration avait déterminé cette valeur. Comme l’affirme le Conseil d’Etat, on peut donc appliquer le régime fiscal des éléments incorporels au droit d’usage d’un nom de domaine, à condition toutefois qu’il constitue une source régulière de profits, qu’il soit doté d’une pérennité suffisante et qu’il soit susceptible de faire l’objet d’une cession. Dans sa décision du 7 décembre 2016, il a approuvé la cour administrative d’appel de Paris qui avait considéré que ces trois conditions étaient remplies, pour conclure que le droit d’usage sur le nom de domaine ebay.fr constitue bien un actif incorporel de la société Ebay France.
Cette affaire prend sa source au début des années 2000. En juillet 1999 iBazar, l’ancien leader français des enchères en ligne avait enregistré le nom de domaine ebay.fr et avait également déposé la marque éponyme. eBay, qui voulait s’implanter en France, l’avait appris en mai 2000 et avait assigné iBazar en contrefaçon. Mais l’action a été rejetée, la cour d’appel de Paris ayant estimé, dans un arrêt du 1er décembre 2000, que la société eBay n’avait pas agi à bref délai puisque l’action avait été introduite près d’un an après le dépôt. Les deux sociétés vont finalement conclure un protocole d’accord le 21 février 2001 par lequel eBay acquiert des parts de la société iBazar qui sera ensuite absorbée par un traité de fusion du 27 décembre 2001. C’est ainsi qu’eBay est devenu titulaire du droit d’utilisation sur ebay.fr. eBay France a confié son exploitation à la société suisse eBay International AG. Mais elle n’a pas inscrit à son bilan le droit d’usage considérant qu’il s’agissait d’une simple autorisation administrative. Par ailleurs, elle n’a pas davantage demandé de redevances à eBay International AG pour l’usage du nom de domaine. L’administration fiscale, considérant qu’il faisait partie de l’actif de la filiale française d’eBay, a donc intégré dans le bilan d’ouverture de son exercice 2003 la somme de 4 695 570 euros représentant la valeur comptable du nom de domaine ainsi que les bénéfices indirectement transférés à sa société mère correspondant à sa renonciation à percevoir une redevance pour la mise à disposition de ce droit d’exploitation.
eBay France a remis en cause la position de l’administration fiscale. Mais elle a été déboutée par les tribunaux administratifs de Paris et de Montreuil dont les deux jugements ont été confirmés par la cour administrative d’appel de Paris. Le Conseil d’Etat confirme l’analyse sur le régime fiscal du nom de domaine. Dans le cas présent, on peut donc considérer qu’il s’agit d’un actif incorporel d’eBay France car le nom de domaine constituait bien une source régulière de profits, bien que le site ebay.fr était exploité par sa société mère. Par ailleurs, si ce droit était renouvelable annuellement sur simple demande, il était doté d’une pérennité suffisante. Enfin, la renonciation par iBazar, moyennant indemnisation par le groupe eBay, au renouvellement de l’enregistrement du nom de domaine, doit être regardée comme ayant exercé des effets équivalents à ceux d’une cession par iBazar de son droit d’utilisation.
En revanche, le Conseil d’Etat rejette la méthode de calcul de la valeur vénale du droit en cause retenu par la cour administrative d’appel, annulant l’arrêt sur ce point. Le Conseil rappelle que c’est le protocole d’accord qui a permis la récupération par eBay France du nom de domaine. Le coût de la transaction ayant été intégralement supporté par la société mère, eBay France doit être regardée comme ayant acquis ce droit à titre gratuit. Au titre de l’article 38 quinquies de l’annexe III du code général des impôts, ce droit doit être inscrit au bilan pour sa valeur vénale. Le Conseil d’Etat valide le mode de calcul qui avait été retenu initialement par l’administration fiscale. Celle-ci avait déterminé « cette valeur en faisant la moyenne arithmétique, d’une part, de la moitié de la valeur des parts de la société iBazar correspondant à l’utilisation du nom de domaine » ebay.fr « , l’autre moitié correspondant selon elle à la valeur de la marque eBay, et, d’autre part, de la somme, retenue à titre de comparaison, et d’un montant inférieur, versée par la société Vivendi pour que le titulaire de la marque vis@vis renonce à ses droits d’antériorité. », rappelle le Conseil d’Etat. Il en ressort que la valeur du droit d’utilisation du nom de domaine est inférieure à la moitié de celle des parts de la société iBazar correspondant à l’usage de ce nom de domaine.