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jeudi 05 juillet 2001
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Filtrage d’un portail raciste : 12 FAI refusent, Noos expérimente

 

L’Association « J’accuse », représentée par maître Lilti avait, au mois de mai, demandé aux 13 principaux fournisseurs d’accès français de bloquer l’accès à un site portail (www.front14.org) renvoyant sur plusieurs centaines de sites racistes, antisémites et néo-nazis. Devant le refus des FAI d’accéder à leur demande, les associations luttant contre le racisme et l’antisémitisme (J’accuse, la Ligue des Droits de l’Homme, l’Amicale des déportés d’Auschwitz et des Camps de Haute-Silésie, le Consistoire Israélite de France, la Licra, SOS Racisme Internationale et l’UEJF) ont alors assigné les FAI en référé sur le fondement de l’article 809 NCPC (faire cesser le trouble manifestement illicite susceptible de causer à autrui un dommage), en vu d’obtenir le filtrage du site sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard. Dès l’ouverture de l’audience, le juge Gomez a indiqué qu’en raison de la complexité du débat (point de rencontre de la morale, du droit et de la technique), celui-ci ne devait pas se dérouler dans la précipitation. Si le besoin s’en faisait sentir, de « grands sachants » seront consultés.
Les FAI ont soutenu qu’ils ne pouvaient couper l’accès au site tant pour des raisons juridiques que techniques. Ils ont, d’une part, invoqué des obligations légales dont la violation entraînerait pour eux des sanctions pouvant aller jusqu’à l’interdiction d’exercer leur activité. Ils ont invoqué en défense, le respect de la liberté d’expression (art 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et art 10 de la Conventions Européenne et Droits de l’Homme), les dispositions de la loi Informatique et Libertés de 1978 relatives au traitement des données personnelles sensibles, ou encore le principe de neutralité applicable aux opérateurs de télécommunication (art 32-1 du Code des postes et télécommunications). Ils ont, d’autre part, prétendu que le filtrage ne pourrait suffire à faire cesser le trouble. Les Associations, représentées par Maître Weber (Ligue des Droits de l’Homme), Maître Jakubowicz (Consistoire Israélite de France), Maître Korman (l’Amical des déportés d’Auschwitz et des Camps de Haute-Silésie) ont, pour leur part, mis en valeur l’atteinte à l’ordre public et le caractère particulièrement violent des sites racistes et antisémites incitant à la haine raciale… certains de ces sites allant même jusqu’à fournir une « liste de personnes à chasser ». Elles craignent particulièrement le risque de banalisation des propos. A l’appui de leurs prétentions, elles ont fait capturer et expertiser par le centre d’expertise Celog plus de 8000 pages du site front14.org. L’absence de réaction des FAI, malgré leur indignation sur le fond, reflèterait ainsi une attitude irresponsable. La liberté d’expression ne devrait pas être un moyen de légitimer leur inaction. Selon les termes de Maître Weber, « Invoquer le principe de neutralité, c’est déjà faire un choix ».
Dès avant l’audience, seul le fournisseur Noos expérimentait un système de filtrage comparable aux solutions mises en place depuis quelques semaines par les fournisseurs d’accès suisses.

TV. L’interview des avocats à la sortie de l’audience du 29 juin 2001