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jeudi 14 février 2019
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Google condamné pour clauses abusives

 

Par un jugement (de 136 pages) du 12 février 2019, le TGI de Paris a déclaré abusives et illicites 38 clauses des « Conditions d’utilisation » et des « Règles de confidentialité » de Google. Si cette décision est très importante sur la nature des obligations qui s’imposent au géant du net en termes de protection des données personnelles, notamment concernant la transparence et le consentement, elle intervient cependant cinq ans après le début de la procédure. Or, les clauses en cause ne sont plus présentées à l’internaute depuis quelques années. Au moins le déclenchement d’une telle procédure a-t-il eu pour effet d’inciter la plateforme à modifier ses conditions contractuelles.
Cette affaire a été jugée par la chambre du TGI de Paris qui avait déclaré illicites 265 des clauses actuelles ou anciennes des « Conditions d’utilisation » de Twitter, de sa « Politique de confidentialité » et des « Règles de Twitter » dans une décision du 7 août dernier. Comme Twitter, Google avait été assigné par l’UFC que choisir ? qui estimait que les clauses de l’entreprise américaine ne respectaient pas la vie privée et les données personnelles des consommateurs.
Comme dans son jugement Twitter, le TGI de Paris a commencé par affirmer que l’ensemble des clauses visées sont soumises au droit de la consommation car le service fourni par Google n’est pas gratuit, contrairement à ce qu’il affirme, et qu’il a agi en tant que professionnel. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de paiement en argent que le service est gratuit ; Google commercialise, à titre onéreux, auprès d’entreprises partenaires des données à caractère personnel déposées gratuitement par l’utilisateur. L’exploitation et la valorisation de ces données doit donc s’analyser comme un avantage, au sens de l’article 1107 du code civil, en ce que cela constitue une contrepartie de celui qu’elle procure à l’utilisateur. Une fois affirmés les principes de l’application du droit de la consommation et de la loi Informatique et libertés, le tribunal a procédé à l’examen de 209 clauses (en additionnant toutes les versions successives) et en a déclaré 38 illicites ou abusives et donc, réputées non écrites.
Le tribunal a d’abord examiné les Règles de confidentialités. Sur les clauses relatives à la collecte de données, le tribunal considère que les clauses procurent une information générale qui ne permet pas à l’utilisateur de prendre conscience des finalités réelles et donc de mesurer l’ampleur de la collecte et la portée de son engagement. De même sur les cookies, il ne peut y avoir de véritable accord sans une information claire et complète, ce qui n’était pas le cas dans la clause annulée. Est également censurée la clause qui dissuade les utilisateurs de s’opposer aux dépôts systématiques de cookies. De même, le tribunal invalide la clause qui autorise Google au recoupement potentiel de l’ensemble des données d’une personne pour toute son offre de services, présumant le consentement du consommateur. Google se fait également épingler sur l’indexation automatique des contenus partagés sur Google +, sur l’accès aux données qui n’est pas une faculté mais un droit. Sur les modifications des conditions, le tribunal rappelle qu’elles sont parfaitement admissibles pour les contrats à exécution continue, à condition de distinguer les évolutions non essentielles des changements substantiels et de prévoir un système de notification.
Il analyse ensuite les clauses litigieuses se rapportant aux Conditions d’utilisation de Google. Il juge illicite la clause prévoyant que la seule utilisation des services vaut acceptation des Conditions d’utilisation. N’est pas non plus conforme le fait d’autoriser l’analyse automatique des contenus des utilisateurs pour proposer des fonctionnalités pertinentes car elle ne dit pas qu’elle s’applique seulement à la publicité ciblée. Le tribunal dénonce également le fait d’exclure les règles françaises du droit d’auteur au profit de la loi américaine. Le tribunal invalide aussi la clause qui écarte la responsabilité de Google en cas de dysfonctionnement des prestations.
En plus de l’annulation de 38 clauses, le tribunal a condamné Google à 30 000 € de dommages-intérêts, tenant compte du fait que les clauses ont déjà été retirées. Pour cette raison, il refuse aussi la demande de publication d’un communiqué judiciaire sur le site de Google. En revanche, il ordonne à Google de placer sur la page d’accueil de son site un lien vers le jugement, sous astreinte de 5 000 € par jour de retard, pour que l’ensemble des internautes français puisse le lire. Le géant américain devra aussi verser 20 000 € à l’UFC au titre des frais de justice qu’elle a engagés.