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Google Suggest : le moteur de recherche condamné pour injure
L’association du nom d’une société avec le terme « arnaque » dans la barre de requête de Google grâce à la fonction Google Suggest vient à nouveau d’être condamnée. La cour d’appel de Paris s’était prononcée en référé dans l’affaire Direct Energie le 9 décembre 2009. Dans un premier jugement au fond en date du 4 décembre 2009, le TGI de Paris a sanctionné Google pour la suggestion « CNFDI arnaque » sur le fondement de l’injure publique. Il lui a ordonné de prendre toutes les mesures pour supprimer cette proposition de son service Google Suggest.
Le Centre national privé de formation à distance (CNFDI) avait fait constater que lorsqu’un internaute saisissait dans la barre de requêtes de Google le signe CNFDI, la suggestion « CNFDI arnaque » apparaissait en premier. Le Centre avait alors mis le moteur de recherche en demeure par trois fois, pointant le caractère litigieux de la proposition. Face aux réponses en forme de fin de non-recevoir de Google, le CNFDI l’a assigné en justice.
Le Centre a obtenu gain de cause puisque les juges ont admis que l’expression « CNFDI arnarque » était injurieuse et que l’intention coupable était caractérisée. Pour se défendre, Google avait invoqué le caractère automatique de son système. Il avait expliqué qu’il fonctionne sans intervention humaine, du seul résultat d’algorithmes appliqués à une base de données recensant les requêtes les plus fréquentes. Le tribunal a cependant rejeté cet argument en considérant que le système n’est pas sans contrôle humain dans la mesure où Google invite les internautes à signaler les suggestions indésirables. De plus, le moteur de recherche évite les propositions « qui pourraient offenser un plus grand nombre », notamment, « les termes grossiers, ainsi que les termes incitant à la haine ou à la violence ». Cela suppose donc la possibilité d’un tri préalable entre les requêtes enregistrées dans la base de données, a constaté le tribunal. A partir de la première mise en demeure, conclut-il, Google ne pouvait plus ignorer le caractère litigieux de la suggestion.
Le TGI a également réfuté l’argument relatif à la liberté d’expression et d’information. Selon lui, la seule utilité du service est d’éviter à l’internaute d’avoir à saisir sa requête. Et de toute façon, la suppression de l’expression litigieuse n’empêcherait pas les utilisateurs de disposer de toutes les références indexées par Google.
Le directeur de publication de Google avait, en outre, fait valoir que sa responsabilité ne saurait être engagée en raison de l’absence de fixation préalable de la suggestion litigieuse. Le juge ne retient pas davantage cet argument en se contentant de rappeler le fonctionnement du système. Dans la même affaire jugée en référé le 10 juillet 2009, le TGI avait davantage explicité sa position en précisant que le directeur de la publication « invoque à tort que le message litigieux n’aurait pas fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public, alors qu’il a été admis au sein de la base de données au terme d’une sélection à laquelle la société Google affirme elle-même se livrer sur la base de critères qu’elle a prédéfinis, par un procédé qui pourrait s’apparenter à la modération a priori d’un forum de discussion, étant ajouté qu’à tout le moins après la première mise en demeure adressée par la société demanderesse le 17 février 2009, le maintien ou toute nouvelle admission de l’expression dans cette base de données ne pouvait que résulter d’un choix conscient ».
Dans cette procédure, le juge avait décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé car cette association, utilisée, à titre d’aide à la recherche, « ne saurait être, en elle-même, prohibée, dès lors qu’elle permet effectivement d’obtenir des résultats pertinents -en eux-mêmes non incriminés par cette société- et contribue donc à la libre circulation des informations sur le réseau ».