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Lafesse / Dailymotion : le tribunal s’appuie sur une version modifiée de l’article 6.I.2 de la LCEN
Dans un jugement du 15 avril 2008, le TGI de Paris a estimé que Dailymotion avait engagé sa responsabilité d’hébergeur en ne retirant pas promptement des vidéos dont le caractère manifestement illicite avait été signalé par Jean-Yves Lafesse. L’humoriste avait constaté, en 2006, que plusieurs œuvres, dont il est le co-auteur, étaient diffusées sans son autorisation sur le site dailymotion.com. Il avait donc assigné en contrefaçon, le 18 décembre 2006, la société qui exploite ce site en la qualifiant d’éditeur. Le TGI a refusé cette qualification.
Pour motiver cette décision, les juges se sont appuyés sur l’article 6.I.2 de la LCEN qui soumet à un régime dérogatoire de responsabilité « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public, le stockage de signaux… ». Or, nous avons constaté que la citation de cet article dans la décision ne correspond pas exactement au texte original. Les hébergeurs y sont définis comme « des personnes qui mettent à la disposition du public par les services de communication au public en ligne, le stockage de signaux… ». Cette omission de la conjonction « pour » change la perception que l’on peut avoir du rôle des hébergeurs et donc des personnes pouvant relever de cette qualification.
Pour Jean-Yves Lafesse, Dailymotion est avant tout un éditeur puisqu’il opère un contrôle sur les fichiers postés par les internautes, d’une part, en les réencodant et en imposant une taille maximale, et d’autre part, en diffusant de la publicité et en organisant le site selon une architecture prédéterminée. Le tribunal a rejeté la qualification d’éditeur au motif que certains arguments mis en avant par les demandeurs résultaient de contraintes techniques. Les juges ont ensuite estimé qu’un choix éditorial se résumait au seul choix des contenus et n’englobait pas la disposition de ces derniers. Enfin, ils ont rejeté l’argument publicitaire, aucun élément dans la loi n’empêchant les hébergeurs de vendre des espaces publicitaires.
Selon le TGI, la responsabilité de Dailymotion doit être recherchée au sein des dispositions relatives aux hébergeurs. Ces derniers sont tenus de retirer promptement les contenus manifestement illicites dès lors que les victimes leur ont signalé ces fichiers et indiqué les adresses url. Les juges relèvent que Dailymotion étaient en possession de ces éléments à compter du 18 décembre 2006. Elle n’avait donc pas à attendre une décision de justice avant de retirer les contenus en cause. D’ailleurs, un jugement du 13 mars 2008 a précisé que l’adverbe « promptement » devait être compris comme « immédiatement ». Le TGI de Paris a donc condamné Dailymotion à payer 5 000 euros de dommages et intérêts à Jean-Yves Lafesse.
Rappelons que ce dernier avait été débouté, pour les mêmes faits, par le même tribunal, pour défaut de qualité à agir le 18 décembre 2007. Il n’avait pas démontré qu’il était titulaire des droits sur les œuvres litigieuses. L’autorité de chose jugée ne s’appliquant qu’aux questions de fond, un demandeur auquel a été opposée une fin de non recevoir pour défaut de qualité à agir peut de nouveau assigner les mêmes parties s’il prouve sa qualité.