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Les directives de l’OEB : un nouveau pas vers la brevetabilité des logiciels
Sans tambour ni trompette, l’Office européen des brevets (OEB) vient de publier de nouvelles « directives relatives à l’examen pratiqué à l’OEB concernant la brevetabilité des méthodes dans le domaine des activités économiques et des inventions en relation avec des ordinateurs ». Même si on ne touche toujours pas à l’article 52-2 du traité de Munich qui exclut la brevetabilité du logiciel « en tant que tel », la jurisprudence de l’OEB en faveur des brevets de programmes d’ordinateurs est désormais fixée. Ces directives, qui constituent le manuel de référence des examinateurs de l’OEB pour l’interprétation de la convention de Munich, s’imposent donc à eux.
Pour EuroLinux, coalition de sociétés et d’associations européennes du monde de Linux et des logiciels libres, ce texte « aboutit à étendre de façon extrême le champ de la brevetabilité aux logiciels, aux méthodes intellectuelles informatisables et aux mathématiques ». Ce que conteste Pierre Breese, conseil en propriété industrielle au cabinet Breese et Majerowicz, qui indique que ces directives « ne font que rappeler l’état de droit et confirme l’interprétation de la convention de Munich admise depuis ces dernières années ». La doctrine de l’OEB est, en effet, issue de quatre décisions de ses chambres de recours (affaires Sohei du 31 mai 1994, IBM du 1er juillet 1998, Philips du 15 mars 2000 et Pension Benefit System Partnership du 8 septembre 2000). Il ressort de ces décisions l’admission de la brevetabilité des programmes d’ordinateurs, s’ils présentent des caractéristiques techniques nouvelles et inventives.
Malgré l’opposition des partisans des logiciels libres et d’une partie des PME européennes du logiciel, il semble que le train de la brevetabilité des programmes d’ordinateurs soit irrémédiablement lancé. Si la position de la Commission européenne pour sa future proposition de directive n’est pas encore officiellement établie – elle attend toujours les positions officielles des Etats membres -, les textes de l’OEB risquent de renforcer les tenants des brevets au sein de la DG « Marché intérieur ».
EuroLinux continue, par ailleurs, de stigmatiser le caractère opaque et antidémocratique des pratiques de l’OEB. « Toutes les décisions d’extension larvées de la brevetabilité des logiciels prises depuis 15 ans par l’OEB sont le fait de chambres techniques afin de ne pas avoir à consulter l’avis des gouvernements européens. L’OEB a donc sciemment tenté de se soustraire au contrôle des gouvernements européens par des manoeuvres administratives juridiquement aventureuses ». En conséquence, l’alliance européenne demande aux Etats de démontrer leur capacité à contrôler l’OEB en limogeant les responsables de cette politique.
En France, le vice-président de l’Aful, Jean-Paul Smets, adopte le même ton : « s’il n’y a pas de position forte prise contre l’OEB, on sera dans la même situation que les Etats-Unis. Tout ou presque sera brevetable ». ce que Pierre Breese conteste, notamment pour les logiciels portant sur des méthodes économiques ou business model. « Ils n’ont jamais été, ne sont pas et ne seront sans doute pas à court terme brevetable en Europe, contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis ».
Au delà du droit, la brevetabilité des logiciels pose une question économique (renforcement des monopoles, liberté de créer des produits innovants pour les PME, pression des entreprises américaines, protection de l’innovation européenne, etc.) qui appelle une réponse politique. Il revient aux gouvernements de trancher.