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L’imprécision de l’assignation profite à l’hébergeur RAS
Face à une qualification imprécise des faits reprochés, le TGI de Paris a refusé d’ordonner à l’hébergeur Réseau associatif syndical (RAS) de continuer de bloquer la diffusion d’un tract en ligne des syndicats Sud PTT et Sud Ceritex dirigé contre les sociétés B2S Ceritex et Mediatel. En attendant la décision du juge, RAS avait en effet suspendu l’accès du public au document qui mettait en cause la politique sociale de ces entreprises et de leurs dirigeants. Dans son ordonnance du 24 novembre 2003, le juge des référés s’est bien sûr placé sur le terrain de l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 qui prévoit l’absence de responsabilité d’un hébergeur de sites du fait de leur contenu, sauf s’il n’agit pas promptement pour empêcher l’accès à un message litigieux, sur saisie des autorités judiciaires. Pour se prononcer sur la question de l’interdiction du maintien de l’arrêt de la diffusion du texte, le juge des référés, l’autorité judiciaire saisie, devait d’abord se prononcer sur le caractère manifestement illicite du contenu mis en ligne par l’éditeur ou de l’exploitant du site, ou sur l’existence d’un dommage imminent. Pour ce faire, il a commencé par affirmer que la diffusion du tract en question par une organisation syndicale sur son site, et donc hors de l’entreprise, s’inscrivait dans les limites de la liberté à l’expression directe et collective des salariés. Puis il s’est penché sur les propos tenus dans ce document afin de déterminer s’ils étaient susceptibles d’engendrer un trouble manifestement illicite. Après un examen circonstancié, il a considéré que la qualification imprécise des faits (diffamation, injure, nuisance aux intérêts commerciaux, etc.) et des demandes de B2S Ceritex et Mediatel ne lui permettait pas de mettre en échec le droit des organisations syndicales. Il aurait fallu, pour cela, que les parties déclarent si elles situaient ou non leurs prétentions dans le cadre de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 qui fixe « dans des conditions strictes les limites de la liberté d’expression, incompatibles avec un visa de dispositions de droit commun et une présentation alternative des unes et des autres ». On peut déduire de la motivation de l’ordonnance que la décision du juge Emmanuel Binoche aurait peut-être été différente si les deux entreprises avaient orienté leurs demandes sur la réparation du préjudice commercial.