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mercredi 05 octobre 2011
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Nintendo : condamnation pour atteinte à des mesures techniques de protection

 

Par un arrêt du 26 septembre 2011, la cour d’appel de Paris a condamné des revendeurs pour avoir importé et commercialisé des linkers, matériels assimilés à des outils de contournement de mesures techniques de protection efficaces protégées par l’article L. 331-5 du CPI. Il infirme le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 3 décembre 2009. Il s’agit de la première décision, à notre connaissance, qui sanctionne l’atteinte à tels dispositifs de protection.
A la fin 2007, Nintendo avait lancé une vaste offensive contre les revendeurs de linkers, ces cartes qui permettent notamment d’exécuter des jeux et de lire des contenus sur les consoles. Les jeux vidéo téléchargés illégalement ne peuvent être lus sur une console Nintendo, en raison des protections mises en place par l’entreprise japonaise. Pour pouvoir être utilisées, les contrefaçons doivent préalablement être enregistrées sur un linker, qui va être introduit dans la console comme une carte de jeu authentique et qui va la tromper en se faisant passer pour un produit officiel. Nintendo qui avait été déboutée en première instance a obtenu gain de cause en appel.

Dans sa très riche décision de 52 pages, la cour d’appel commence par le délit d’atteinte aux mesures techniques de protection équipant les consoles Nintendo et les cartouches de jeu authentiques. La cour estime que les linkers constituent un dispositif conçu ou spécialement adapté pour porter atteinte aux mesures techniques efficaces équipant l’ensemble console/carte Nintendo DS au sens de l’article L. 331-5 du CPI. Selon elle, les prévenus ainsi que leurs vendeurs connaissaient parfaitement l’usage frauduleux des linkers, à savoir la lecture non autorisée des jeux Nintendo. En conséquence, elle juge que « le délit de commercialisation de moyens de nature à porter atteinte à une mesure technique de protection d’une œuvre est établi en tous ses éléments à l’égard [des prévenus], dans les termes de la prévention, ces derniers ayant une parfaite connaissance que les linkers qu’ils vendaient étaient essentiellement destinés à permettre la lecture de copies non autorisées de jeux Nintendo, sur les consoles Nintendo DS et Lite, peut important qu’ils n’en soient pas les fabricants ; que de même ces derniers professionnels dans le domaine des produits informatiques ne pouvaient ignorer que les linkers étaient munis d’un dispositif frauduleux permettant de casser les codes mis en place par la société Nintendo et ainsi de contourner les mesures de protection ».
 
La cour a également retenu que les revendeurs avaient commercialisé des produits qui utilisent, reproduisent et modifient les logiciels présents sur les cartes de jeux et sur la console Nintendo DS. Les fabricants des linkers avaient besoin des codes sources des produits originaux afin d’en comprendre le fonctionnement et de permettre à leurs cartes d’interagir avec la console. Comme Nintendo ne les a pas communiqués, les créateurs des linkers ont dû décompiler les logiciels internes de la console et des cartes de jeux. Or, cette décompilation n’entre pas dans le champ des exceptions au principe de l’interdiction prévues par l’article L 122-6-1 IV du CPI, notamment l’exception pour interopérabilité. La cour conclut que « les prévenus en diffusant dans le cadre de leurs sociétés, en connaissance de cause, des produits dont le but était de neutraliser, contre la volonté de leurs auteurs, les dispositifs destinés à interdire toute reproduction illégale de leurs logiciels ont bien commis le délit de contrefaçon de logiciels au mépris des droits de l’auteur ».
 
Ces revendeurs sont en outre condamnés pour le délit d’importation à des fins commerciales d’une marchandise présentée sous une marque contrefaite. La marque Nintendo apparaît sur l’écran de démarrage de la console, après insertion du linker. Elle est également apposée sur les boîtes et emballages des produits.

Par une ordonnance de référé du 5 septembre 2011 du TGI de Paris, Nintendo avait été déboutée de sa demande d’interdiction de ventes de linkers sur un site internet, en raison de la contestation sur l’originalité d’un logiciel, condition de la protection par le droit d’auteur.