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Portrait-robot de Natascha Kempush : nécessité de l’accord du photographe
Pour l’élaboration du portrait-robot de la jeune autrichienne séquestrée, à partir d’une photographie scolaire traitée informatiquement, et pour sa diffusion dans la presse et sur internet, les éditeurs auraient dû demander l’autorisation à l’auteur du cliché. Telle est la conclusion de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 1er décembre 2011, dans une affaire qui oppose la photographe à cinq éditeurs de presse allemande et autrichienne.
Après l’enlèvement de Natascha Kempush, alors âgée de 10 ans, la police autrichienne avait lancé un avis de recherche accompagné de photos dont un portrait pris dans le cadre de l’école. Quand la jeune fille s’est enfuie huit ans après, cinq éditeurs de presse avaient publié ces clichés dans leurs journaux et sur des sites internet renommés. Comme ils ne possédaient pas de photos récentes, ils ont élaboré un portrait-robot à partir de clichés où elle avait dix ans et ils les ont retravaillés à l’aide de logiciels de traitement de l’image, afin de simuler l’évolution de ses traits.
L’auteur des photos litigieuses, qui travaille depuis de nombreuses années comme photographe indépendante dans les écoles et les garderies, a assigné les journaux pour faire cesser la reproduction et la diffusion des photographies et du portrait-robot, sans son consentement et sans indication de son nom. En référé, le tribunal autrichien lui a donné tort disant que son consentement n’était pas nécessaire pour la publication d’un portrait-robot. Pour le tribunal, il s’agissait pas de l’adaptation d’une photo qui ne bénéficie que d’un droit d’auteur restreint vu sa faible originalité mais de la libre utilisation d’une œuvre nouvelle et autonome. La juridiction supérieure a préféré surseoir à statuer et poser des questions préjudicielles à la CJUE pour avoir son interprétation du droit communautaire en matière de droit d’auteur.
La Cour a répondu que les photographies en cause étaient susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur, à condition, évidemment, qu’elles aient fait l’objet d’une création personnelle de leur auteur reflétant sa personnalité et manifestant des choix libres et créatifs. En l’espèce, pour ces portraits, la photographe avait imprimé sa « touche personnelle » en choisissant le fond, l’angle de prise de vue, etc. Par ailleurs, la Cour a évincé l’argument de l’intérêt public. Un éditeur ne saurait, de sa propre initiative, utiliser une œuvre protégée par le droit d’auteur pour la diffusion d’avis de recherche : seuls les Etats sont aptes et responsables pour assurer la sécurité publique. Quant au droit de citation d’œuvres ayant déjà été rendues accessibles au public, une telle publication est envisageable dès lors que la source, y compris le nom de l’auteur, est identifiée, sauf si cela s’avère impossible.