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mardi 15 janvier 2019
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Première décision dans le conflit Blue Mind / Linagora

 

Dans le cadre du conflit entre Linagora et Blue Mind qui a défrayé la chronique du monde de l’open source en 2014, une première décision a été rendue par le tribunal de commerce de Paris. Le tribunal de commerce donne complètement gain de cause aux deux dirigeants de Blue Mind, ex-associés de Linagora, accusés de ne pas avoir respecté leurs engagements pris dans le protocole d’acquisition d’actions conclu en 2007. Dans son jugement du 23 novembre 2018, le tribunal a considéré que Linagora n’avait pas rapporté la preuve que ses deux anciens associés avaient violé la garantie d’éviction qu’ils lui devaient. Il a par ailleurs rejeté sa demande relative à la violation de la clause de non-concurrence aux hommes-clés de la société inscrite dans le pacte d’actionnaires, car elle est illicite en raison de son absence de limitation géographique et de contrepartie financière. Le tribunal a aussi constaté que les deux défendeurs n’avaient pas violé leurs obligations de loyauté et de fidélité en tant qu’actionnaire et n’avaient pas commis d’actes de concurrence fautive ou déloyale. Lingora déboutée de toutes ses demandes est en revanche condamnée à verser à chacun de ses ex-associés 20 000 € au titre des frais qu’ils ont dû engager pour se défendre. Linagora a fait appel de la décision. Trois autres actions sont en attente de décision, dont celle devant le TGI pour contrefaçon de logiciels.
Deux associés avaient créé la société Aliasource proposant des solutions open source qui avait été rachetée en 2007 par Linagora. Ils avaient conservé des responsabilités de salariés dans le nouveau groupe. Mais en 2010, ils ont démissionné de leurs fonctions et revendu leurs actions à Linagora, en raison de divergences de vue de plus en plus marquées avec la direction. L’un d’eux a créé la société Blue Mind et le second l’a rejoint après.
Linagora leur reprochait d’avoir violé la garantie d’éviction prévue à l’article 1626 du code civil en lui interdisant de jouir de la possession paisible de la chose vendue. Elle soutenait que ses deux ex-associés lui avaient causé un préjudice par le fait d’avoir démarché et détourné sa clientèle, dénigré son logiciel OBM, capté parasitairement son savoir-faire intellectuel et industriel, de s’être approprié illicitement la technologie cédée à Linagora, d’avoir débauché des salariés, désorganisé la société et créé une société concurrente, Blue Mind. A ces arguments, le tribunal a rétorqué que Linagora n’avait fourni aucun élément comptable ou financier qui lui permette d’apprécier la réalité du trouble qu’elle allègue. Elle n’a pas davantage apporté d’éléments pour appuyer le fait que des clients de Linagora soient devenus clients de Blue Mind pour des activités semblables du fait des agissements de ses dirigeants. Concernant le supposé débauchage de personnel, le tribunal a constaté que sur les 53 salariés qui ont démissionné de Linagora entre 2009 et 2013, 7 seulement avaient rejoint Blue Mind 14 mois après leur départ de Linagora. Pour le tribunal consulaire, la totalité des départs n’est donc pas imputable à cette dernière et il n’est pas possible de déterminer si la désorganisation qui en a résulté est due au climat de management interne ou à l’attrait de propositions extérieures dans des métiers où la mobilité est répandue. Le tribunal rappelle également que « la garantie d’éviction n‘interdit pas aux vendeurs de se rétablir en créant une société dans la même activité, si celle-ci n’empêche pas de poursuivre l’activité économique cédée ».
L’autre demande portant sur la violation d’une clause de non-concurrence imposée aux hommes-clés de la société à laquelle les deux ex-partenaires avaient adhéré en concluant le pacte d’actionnaires a également été rejetée. Elle imposait aux actionnaires de ne pas occuper un poste d’administrateur, d’employé, de consultant, de prestataire de service ou de détenir une participation directe ou non dans une autre société qui exerce une activité similaire dans un pays de l’Union européenne, dans un délai de deux ans à compter de leur départ. Le tribunal rappelle qu’une telle clause est licite si elle est indispensable à la protection des intérêts de la société, si elle est limitée dans l’espace et le temps, et si elle comporte une contrepartie financière. Or, conclut le tribunal, « si la clause est bien limitée dans le temps, l’étendue de son champ aboutirait à interdire à M. Y. et M. Z. l’exercice de toute activité professionnelle correspondant à leur qualification et à leurs connaissances dans un des 28 pays de l’Union Européenne ». En plus, cette clause ne comporte pas de contrepartie financière. Elle est donc illicite.