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Sans contrat, pas de droit légitime à l’accès aux codes sources
En l’absence de contrat, le client qui avait commandé un développement de logiciel spécifique ne possède pas de droit de jouissance paisible sur les codes sources. C’est ce qu’affirme le premier vice-président du TGI de Paris, Jacques Gondran de Robert, dans son ordonnance de référé du 10 avril 2002.
Dans cette affaire, la société TT Car Transit avait confié à un technicien extérieur le développement d’un logiciel d’édition de factures. Dans un second temps, elle lui avait demandé de le réécrire et de faire migrer les données informatiques afférentes afin de permettre le passage à l’an 2000 ainsi qu’à l’euro. Le développeur avait ensuite été conduit à procéder à l’écriture d’une nouvelle application basée sur les fonctionnalités des deux logiciels développés pour son client.
A la suite d’une mésentente avec son client, l’informaticien, prudent, décida de déposer les codes sources auprès de l’Agence pour la protection des programmes (APP), et revendiqua ainsi la titularité des droits sur le logiciel. Le client de son côté, convaincu d’avoir les droits sur le produit, réclama judiciairement les sources en se fondant sur un éventail d’arguments juridiques, tous rejetés par le tribunal.
Le juge commence par rappeler qu’en l’absence de contrat, une simple commande de développement de logiciel n’entraîne aucun transfert de droit. « En cas d’absence de cession de droits de propriété sur le logiciel Talweg, le contrat de commande verbal passé entre les parties ne peut que s’analyser en un simple louage d’ouvrage, sans droit pour TT Car Transit de l’exploiter au-delà de l’accord contractuel, ou de l’adapter hors des limites prévues par la loi ». Pour obtenir la jouissance des sources, la société invoque aussi l’article L 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle. Elle demande la communication des « informations complémentaires nécessaires à l’interopérabilité du logiciel Talweg créé de façon indépendante avec son logiciel de comptabilité ». Pour le juge, « les écrans visuels du logiciel Talweg sont suffisamment explicites pour, en complémentarité avec le manuel d’utilisation Key services, permettre de se passer d’une documentation écrite papier ». D’ailleurs précise-t-il, la question du droit à la décompilation ou à l’ingénierie inverse est indifférente dans cette affaire.
La société avait également plaidé la nécessité d’obtenir les sources afin de satisfaire aux obligations fiscales liées au contrôle des comptabilités informatisées. Pour le juge « le dépôt des codes sources auprès de l’Agence pour la protection des programmes par (le programmeur) suffit à rendre le logiciel Talweg conforme aux obligations fiscales en la matière ». Il arrive, en effet, que des agents de l’administration fiscale réclament à l’APP les codes sources déposées chez elle, en vertu de leur droit de se faire communiquer tous documents nécessaires à leur vérification. Enfin, le TGI de Paris prend acte de la résiliation de la licence d’utilisation tacite communiquée par le développeur à la société, quinze jours avant l’audience. Le tribunal accorde à la société un délai de deux mois suivant la signification de la décision pour rendre la résiliation effective et autorise l’APP à contrôler la désinstallation du logiciel au frais du titulaire des droits.
Une belle démonstration juridique que devraient lire les entrepreneurs, souvent peu au fait des spécificités du droit d’auteur.