Jurisprudence : Marques
Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert 30 novembre 2007
Surprise et P2P / Myrique
marques - nom de domaine
Les parties
Les requérantes sont la société Surprise, Dijon, France et la société P2P, Poitiers, France, représentés par le cabinet DMS Avocats, Paris, France.
Le défendeur est société Myrique, Dardilly, France, représenté par le Cabinet OJFI – Alexen, Paris, France.
Nom de domaine et prestataire internet
Le litige concerne le nom de domaine « surprise.fr » enregistré le 17 septembre 2007 selon le Whois de l’Afnic.
Le prestataire internet est la société Myrique.
Rappel de la procédure
Une demande déposée par les requérantes auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 26 septembre 2007, par courrier électronique et le 1er octobre 2007, par courrier postal.
Le Centre a accusé réception de la demande le 28 septembre 2007.
Le 28 septembre 2007, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.
Le 1er octobre 2007, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).
Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 5 octobre 2007. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 25 octobre 2007. Le défendeur a fait parvenir sa réponse le 25 octobre 2007. Le Centre en a accusé réception le même jour.
Le 22 octobre 2007, les requérantes adressaient au Centre par voie électronique une pièce complémentaire (pièce 20) avec copie au représentant du défendeur. Le Centre en a accusé réception le 25 octobre 2007. Les 4 exemplaires par courrier postal sont arrivés au Centre le 26 octobre 2007. Cette pièce peut être admise car elle a été envoyée au Centre et au représentant du défendeur avant la fin de la procédure administrative et avant la réponse du défendeur en date du 25 octobre 2007.
Le 29 octobre 2007, les requérantes ont adressé au Centre une communication supplémentaire par courrier électronique. Le Centre en a accusé réception le 2 novembre 2007. Dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation en vertu du paragraphe 17 du Règlement, l’Expert ne considère pas nécessaire d’admettre cette communication car elle est postérieure à la durée de la procédure administrative et n’a pu faire l’objet d’une réponse du défendeur.
Le 7 novembre 2007, le Centre nommait Jean-Claude Combaldieu comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.
Les faits
La société Surprise a été créée le 14 août 1992. Elle est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation du prêt-à-porter de style classique essentiellement pour les femmes et les enfants.
D’après l’extrait du Registre du Commerce et des Sociétés le mot “surprise” est la dénomination sociale et l’enseigne de cette société.
Elle est titulaire des marques suivantes :
Marque française semi figurative Surprise n°01 3 088 933 déposée le 9 mars 2001 dans la classe 25.
Marque française semi figurative Surprise Woman n°03 32 12 927 déposée le 24 février 2003 dans les classes 18 et 25.
Cette société Surprise justifie par ailleurs avoir réservé le nom de domaine « surprise.fr » du 23 juillet 2005 au 22 juillet 2007. Des documents publicitaires antérieurs (saison 2003-2004) attestent qu’il était utilisé auparavant.
De son côté la société P2P a enregistré le nom de domaine « surprise-france.fr » le 28 août 2007 auprès du prestataire internet Gandi, France.
En référence au Whois de l’Afnic, il est enfin établi qu’un nom de domaine « surprise.fr » a été créé le 17 septembre 2007 par la société Myrique. Le prestataire internet est Myrique.
Argumentation des parties
Requérantes
Les requérantes sont la société Surprise et la société P2P. Mais les arguments développés concernent pour l’essentiel la première d’entre elles. Il est seulement expliqué que P2P est “partenaire de la société Surprise à laquelle cette dernière a transféré en 2006 une partie de son fonds de commerce”.
Les requérantes ont avancé les arguments suivants :
Après avoir exposé son activité dans le prêt-à-porter (1,3 millions d’euros en 2006) et qu’elle est titulaire des marques susvisées (point 4) la société Surprise indique qu’elle avait mis en place dès 2002 un site Internet “www.surprise.fr” qui était la vitrine de la société
Ce site a été exploité de manière continue et était positionné en première position sur les principaux moteurs de recherche.
A l’occasion d’un changement d’unité d’enregistrement, le suivi du renouvellement du nom de domaine n’a pas été correctement assuré et l’enregistrement du nom a été radié en date du 17 août 2007.
Dès que les sociétés requérantes se sont aperçues de la situation, elles ont demandé à leur nouvel hébergeur de redéposer leur nom de domaine. Ce dernier a tenté de le faire dès le 20 août 2007, auprès de l’Afnic.
Elles ont alors appris qu’un tiers avait déjà déposé le nom de domaine litigieux sans qu’il soit possible de connaître le déposant et le prestataire informatique (voir constat d’huissier du 22 août 2007).
Ce n’est qu’au bout d’environ un mois que les requérantes ont appris que le déposant était la société Myrique, cette dernière étant en même temps une unité d’enregistrement. A titre de sauvegarde la société P2P a enregistré entre temps le nom de domaine « surprise-france.fr » (création du 28 août 2007).
Par l’entremise de son Conseil, la société Surprise a envoyé le 19 septembre 2007 deux lettres recommandées avec accusé de réception, l’une à la société Myrique l’autre à l’Afnic faisant valoir leurs droits sur le nom de domaine litigieux et demandant que ledit nom lui soit restitué. Ces lettres étant restées sans suite, les requérantes ont déclenché la présente procédure.
Sur un plan juridique, et se référant au Règlement, la société Surprise estime :
Que l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers et plus particulièrement à ses propres droits :
– Atteinte aux droits de propriété industrielle et notamment de ses marques antérieures ; le nom de domaine litigieux reprend à l’identique la partie verbale desdites marques,
– Atteinte à ses droits sur sa dénomination sociale et son enseigne,
Etant précisé que le défendeur ne justifie d’aucun droit antérieur ni intérêts légitimes sur le mot “surprise”.
Que le défendeur porte atteinte de surcroît aux règles de concurrence et du comportement loyal en matière commerciale.
En bloquant l’usage du nom de domaine litigieux à partir d’août 2007 d’une manière frauduleuse, abusive et déloyale le défendeur a sciemment causé un préjudice aux requérantes qui ont été privées de leur site et donc d’un contact précieux avec leur clientèle. La moindre des choses, surtout pour une société qui se dit hébergeur informatique, était de se conformer à la Charte de nommage de l’Afnic (article 12 des règles d’enregistrement du 15 janvier 2007) qui prescrit de vérifier que le nom de domaine ne porte pas atteinte aux droits des tiers. Le fait que le défendeur est un prestataire internet est une circonstance aggravante. Une simple recherche aurait permis sur un moteur de recherche d’identifier que le site “www.surprise.fr” était utilisé depuis longtemps. La précipitation avec laquelle Myrique a déposé le nom de domaine litigieux et le fait d’avoir masqué son identité pendant un mois est révélateur de sa mauvaise foi.
Cette rétention injustifiée du nom de domaine litigieux constitue un abus de droit (TGI Paris 3ème ch. 19 oct. 1999, Célio c/ Legalis.net)
Les requérantes citent de plus des décisions d’experts en application du Règlement selon lesquelles la réservation d’un nom de domaine sans utilisation effective injustifiée est constitutive de mauvaise foi.
Il va de soi que la consultation du site de sauvegarde “www.surprise-france.fr” déposé par la société P2P a fait l’objet d’une très faible fréquentation ce qui s’avère gravement préjudiciable.
Dans leur pièce complémentaire n° 20 du 22 octobre 2007, les requérantes produisent un procès-verbal d’huissier du 12 octobre 2007.
Ce procès-verbal montre que le moteur de recherche Google cite en premier le site “www.surprise.fr” comme se rapportant à du prêt-à-porter et à des vêtements, c’est-à-dire l’activité des requérantes. Mais en cliquant sur le lien on est immédiatement redirigé vers une page d’accueil sans aucun rapport avec cette activité. Plusieurs onglets sont prévus sur ce site ; mais ces onglets ouvrent des pages qui ne proposent rien de concret. En recherchant sur la base Whois il apparaît que ce site appartient à la société Myrique, le bureau d’enregistrement étant Myrique.
Pour l’ensemble des raisons ci-dessus, les requérantes demandent que le nom de domaine “www.surprise.fr” soit transmis à la société Surprise (ou à sa partenaire P2P).
Défendeur
Le défendeur a avancé les arguments suivants :
Le défendeur commence par demander le rejet de la demande de la société P2P pour absence d’intérêt à agir cette dernière ne justifiant d’aucun droit sur le mot “surprise”.
S’agissant des faits, le défendeur expose qu’il n’est aucunement concurrent de la société Surprise.
Le défendeur allègue que souhaitant développer une boutique de cadeaux en ligne sur le thème “surprise”, il s’est interrogé sur la disponibilité du nom de domaine « surprise.fr ». (L’Expert note en passant, que les pièces fournies par le défendeur documentant la recherche d’antériorité datent toutes du 19 octobre 2007, donc une date postérieure à l’enregistrement du nom de domaine.) Il a trouvé pas moins de 182 marques françaises, internationales et/ou communautaires composées de l’expression “surprise” seule ou associée à d’autres expressions, 48 d’entre elles dans les classes de produits et services 35, 38 et 42 et enfin 18 dans la classe 25. De même il a été trouvé 48 entreprises désignées sous l’expression “surprise” au Registre du Commerce et des Sociétés. Enfin il a constaté la disponibilité du nom de domaine litigieux. C’est dans ces conditions que le défendeur a procédé à la réservation du nom de domaine « surprise.fr ».
Ce site internet est en phase de développement depuis le 4 septembre et doit être mis en ligne le 5 octobre 2007.
Le défendeur expose ensuite les différents contacts entre Conseils qui, selon le défendeur, manquaient de précision sur les droits revendiqués, alors que ce dernier n’avait nullement l’intention de porter préjudice aux requérantes.
En droit, le défendeur expose d’abord que les marques Surprise et Surprise Woman ne constituent pas des marques notoires au sens de l’article L.713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI). Malgré les publicités versées aux débats sur des journaux purement régionaux il ne peut s’agir de marques bénéficiant d’une forte reconnaissance du public sur l’ensemble du territoire français.
Le défendeur expose ensuite que le signe “surprise” issu du langage courant n’est protégeable en vertu du principe de spécialité de la marque que pour désigner les produits de la classe 25. Le caractère distinctif du signe n’est acquis qu’aux produits fabriqués et distribués par la requérante sous ses marques semi-figuratives Surprise et Surprise Woman.
Il en est d’autant plus ainsi qu’il existe déjà :
– de nombreux noms de domaine composés exclusivement de l’expression “Surprise” (exemple « surprise.com » etc.) qui n’appartiennent pas à la requérante ;
– 182 marques françaises, communautaires et/ou internationales comprenant le mot “surprise” seul ou associé à d’autres expressions ;
– 18 marques françaises, communautaires et/ou internationales composées de l’expression surprise seule ou associée à d’autres expressions ;
– 48 entreprises françaises immatriculées au Registre du Commerce et des Sociétés dont la dénomination sociale et/ou le nom commercial est composé de l’expression “Surprise” seule ou associée à une autre expression.
En conséquence, la requérante ne saurait se prévaloir d’un droit de propriété sur la seule expression “surprise” pour désigner tout produit ou service alors qu’elle est issue du langage courant et qu’elle est largement utilisée dans la vie des affaires. La protection du signe “surprise” de la requérante est strictement limitée à sa forme semi figurative et pour désigner des produits de la classe 25.
Selon le défendeur, comme en matière de marques, le principe de spécialité a vocation à s’appliquer aux noms de domaine. Sont versées aux débats des jurisprudences françaises qui soutiennent que l’appréciation de la similarité des services rendus sur un site internet et ceux désignés par la marque antérieure dépend du contenu même du site.
Ces principes doivent, selon le défendeur, être transposés au présent litige.
Le défendeur rejette aussi toute allégation d’atteinte aux règles de la concurrence et de comportement déloyal. En premier lieu il ne saurait être responsable du fonctionnement du moteur de recherche Google qui renvoie sur le site litigieux bien que mentionnant le prêt-à-porter et les vêtements. Par ailleurs après avoir fait les vérifications d’usage avant de retenir le site litigieux le défendeur a constaté que le mot “surprise” était largement utilisé dans la vie des affaires. Parmi les 48 marques susvisées dans les classes 35, 38 et 42, aucune d’entre elles ne concerne les marques de la requérante déposées uniquement pour les produits et services de la classe 25
Par ailleurs la prétendue mauvaise foi ne saurait être retenue. En découvrant la disponibilité du site du nom de domaine le défendeur ignorait qu’il était initialement exploité par la requérante. De plus la preuve n’est pas apportée que le défendeur ait volontairement masqué son identité pendant un mois pour fuir toute réclamation.
Enfin on ne saurait retenir une atteinte aux règles de concurrence ou de comportement loyal du fait de la non exploitation du site litigieux. La création d’un site exige des investissements et du temps. La mise en ligne progressive du site a commencé le 5 octobre 2007.
Il est rappelé que, comme pour les marques, un nom de domaine constitue un droit précaire d’occupation temporaire sur le réseau internet à charge pour quiconque de l’enregistrer et de le renouveler en temps utile. S’il retombe dans le domaine public il est librement enregistrable en application de la règle “premier arrivé, premier servi”.
En conclusion générale le défendeur demande qu’il lui soit donné acte que le nom de domaine « surprise.fr » ne constitue pas une atteinte aux droits de propriété intellectuelle revendiqués par la requérante, et telle que définie à l’article 1 du Règlement et au sein de la Charte de nommage de l’Afnic.
Discussion
Sur l’intérêt à agir de la société P2P
Avant toute discussion il convient de répondre au défendeur sur l’absence d’intérêt à agir de la société P2P.
L’Expert ne peut contester la qualité de requérante à la société P2P. Mais l’Expert doit aussi constater que, même s’il y a eu transfert d’une partie du fonds de commerce entre la société Surprise et P2P, comme il est dit dans la demande (sans document à l’appui), cette dernière ne justifie pas de droits sur le mot “surprise” et n’argumente pas sur ce point. La demande à son égard ne saurait donc prospérer. Cette observation est d’ailleurs purement théorique puisque la requête figurant dans la demande laisse le choix à l’expert de décider du transfert du nom de domaine litigieux à l’une ou l’autre des requérantes.
Sur le fond
Conformément aux dispositions de l’article 20(c) du Règlement “L’expert fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que définie à l’article 1 du présent règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte.”
Par ailleurs l’article 20(b) précise que selon la mesure de réparation demandée, l’expert peut prononcer uniquement la suppression ou la transmission du nom de domaine, ou rejeter la demande.
(i) Enregistrement du nom de domaine litigieux
Droits antérieurs
Selon la base de données Whois de l’Afnic le nom de domaine litigieux « surprise.fr » a été réservé par le défendeur le 17 septembre 2007. Le prestataire internet est le défendeur lui-même : Myrique.
Par ailleurs, la requérante Surprise justifie d’une marque française semi figurative, comprenant le mot “surprise” du 9 mars 2001 dans la classe 25 et d’une autre marque française semi figurative “surprise woman” du 24 février 2003 dans les classes 18 et 25.
La classe 25 concerne les vêtements et la classe 18 les articles en cuir et imitation de cuir.
Bien que le mot “surprise” soit banal, figure dans les dictionnaires et soit largement utilisé dans les affaires, les marques nous paraissent valables. L’élément “surprise” des marques semi figuratives peut être considéré comme distinctif comme n’étant pas la désignation nécessaire ni des vêtements ni des articles en cuir. Au demeurant la validité d’une marque s’apprécie dans son ensemble et non en isolant tel ou tel élément.
Il n’appartient pas à l’Expert de décider de la validité des marques enregistrées, mais nous devons souligner que le caractère banal du mot “surprise”, isolé des autres éléments des marques semi-figuratives, affaiblit la portée des droits de la requérante Surprise sur ledit mot au-delà des produits et services revendiqués lors du dépôt desdites marques c’est-à-dire les vêtements, les sacs à dos et les sacs à main. Il en est d’autant plus ainsi que la requérante Surprise ne peut revendiquer une notoriété de ses marques au sens de l’article L.713-5 du CPI.
Sous les réserves ci-dessus, il n’est pas douteux que le nom de domaine litigieux « surprise.fr » reprend à l’identique le mot “surprise” figurant dans les marques de la requérante Surprise.
Cette requérante justifie aussi avoir réservé le nom de domaine « surprise.fr » à partir de juillet 2005 mais elle fournit des documents publicitaires de la saison 2003-2004 où il est fait mention de ce nom de domaine. Est également justifiée l’exploitation continue de ce site dans le domaine des vêtements mais aussi de sacs à dos, de sacs de plage et de sacs à main.
D’après les documents versés aux débats il nous parait prouvé que c’est à la suite d’une négligence, probablement du prestataire informatique initial, que ce nom de domaine a été radié le 17 août 2007 soit 25 jours après l’échéance. Rappelons ici que le nom de domaine litigieux a été créé par le défendeur le 17 septembre 2007.
La requérante Surprise justifie que le mot “surprise” est à la fois sa dénomination sociale et son enseigne. Mais le défendeur verse aux débats une recherche sur le Registre du Commerce et des Sociétés qui montre qu’il existe de nombreuses sociétés portant le même nom soit seul soit précédé d’un article soit au pluriel soit en combinaison avec un autre mot.
Ici encore il faut rappeler (et la multiplicité des sociétés portant le même nom le démontre) que la protection conférée à des droits privatifs portant sur un terme générique ne peut avoir une portée absolue, sauf à priver tout concurrent (ou simplement tout tiers) de l’utilisation d’un terme appartenant au langage courant. (Voir Touraventure SA c/ Magic day, Litige Ompi No. DFR2006-0008 ; Tea Board, India c/ Delta Lingerie, Litige Ompi No. DFR2006-0003 ; Studio Magasine Sac/ Synthétique SAS, Litige Ompi No. DFR2007-0003.)
Nous verrons ultérieurement que l’utilisation du nom de domaine par le défendeur est différente de l’activité de la requérante Surprise et qu’il ne peut pas y avoir de confusion dans l’esprit du public.
A ce stade de la discussion l’Expert est d’avis que le nom de domaine litigieux ne porte pas atteinte aux droits de propriété intellectuelle invoqués par les requérantes et notamment des marques dont la portée est en l’espèce limitée en vertu du principe de spécialité.
Règles de concurrence et comportement loyal en matière commerciale
Nous observons en premier lieu que la requérante Surprise et le défendeur ne sont pas des concurrents car leurs domaines d’activité sont différents. L’activité du défendeur est selon le Registre du Commerce et des Sociétés la “mise en place de système informatique lié à internet” alors que la société Surprise est inscrite pour le commerce de vêtements ou accessoires.
L’annexe 7 du Procès Verbal d’huissier en date du 22 août 2007, montre qu’effectivement l’Afnic possédait à cette date un formulaire en cours de dépôt concernant le site “www.surprise.fr”. Mais selon l’article 10 de la Charte le prestataire internet dispose d’un délai, en principe de 30 jours pour fournir à l’Afnic les éléments permettant d’identifier le demandeur. Il est établi que le 17 septembre 2007 le Whois de l’Afnic donnait toutes les informations.
Il n’y a rien dans cette procédure qui puisse établir la mauvaise foi et un comportement déloyal du défendeur. Certes il était visible, notamment sur les moteurs de recherche, qu’il existait déjà un site Internet antérieur “www.surprise.fr” exploité par la requérante Surprise. L’erreur de son prestataire Internet initial, en omettant de renouveler ce nom, est tout à fait fâcheuse pour la requérante Surprise et cette dernière est en droit d’estimer qu’elle subit un préjudice qu’il ne nous appartient pas d’apprécier dans le cadre de cette procédure.
Nous ne pouvons que constater, dans le strict respect des règles de la présente procédure de règlement des litiges et d’après les documents versés aux débats, que le défendeur a su profiter de la règle “premier arrivé, premier servi” à un moment où le nom de domaine de la requérante Surprise était tombé dans le domaine public, donc disponible. Le défendeur a pu aussi estimer lors du dépôt, comme il le défend aujourd’hui, que les droits antérieurs de la requérante, notamment les marques, n’étaient pas un obstacle valable à la réservation du nom de domaine litigieux.
(ii) Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers
Sur ce point il est établi que le nouveau site du défendeur est en cours d’élaboration et est en ligne depuis le 5 octobre 2007. Il est encore très rudimentaire mais il est utilisé (voir le Procès Verbal d’huissier du 12 octobre 2007 versé par les requérantes). Nous constatons que son contenu tel que documenté par les parties dans cette procédure, dédié pour l’essentiel à des offres de cadeaux en général, est sans rapport avec l’activité de la requérante Surprise de sorte qu’il n’y a pas de confusion possible dans l’esprit du public et notamment des internautes. Il nous parait difficile au regard des documents versés aux débats, de considérer que le défendeur a voulu détourner la clientèle de la requérante Surprise.
Pour toutes les raisons exposées dans la présente discussion on ne peut pas non plus considérer que l’utilisation du nom de domaine litigieux se fait en violation du droit des tiers et notamment des droits de la requérante Surprise.
Décision
Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert rejette la demande de transmission à leur profit du nom de domaine « surprise.fr » formulée par les requérantes.
Expert : Jean-Claude Combaldieu
Avocat : Cabinet DMS Avocats
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