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Jurisprudence : Marques

mardi 29 septembre 2009
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Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert Le 13 septembre 2009

Société Nationale des Chemins de Fer / Tom P.

marques - nom de domaine

Les parties

La Requérante est la Société Nationale des Chemins de Fer, Paris, France, représenté par la Cabinet Sarrut, Paris, France.

Le Défendeur est Tom P., Nantes France.

Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine « gares-en-mouvement.fr » enregistré le 25 octobre 2008.

Le prestataire internet est la société EuroDNS S.A.

Rappel de la procédure

Une demande déposée par la Requérante auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le ”Centre”) a été reçue le 20 juillet 2009, par courrier électronique et le 21 juillet 2009, par courrier postal.

Une demande amendée a été soumise par la Requérante au Centre le 29 juillet 2009, par courrier électronique et le 4 août 2009 par courrier postal.

Le 20 juillet 2009, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 21 juillet 2009, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige, ainsi qu’aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n’est pendante.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic applicable (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 6 août 2009. Conformément à l’article 15(a) du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 26 août 2009. Le Défendeur n’a pas fait parvenir de réponse. Le Centre a donc transmis au Défendeur une Notification d’un défaut du Défendeur le 27 août 2009.

Le 11 septembre 2009, le Centre nommait Jean-Claude Combaldieu comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

Les faits

La Requérante, la Société Nationale des Chemins de Fer unanimement connue pour son activité de transport ferroviaire, a déposé en France le 17 juin 2004 la marque semi figurative Gares en Mouvement Sncf dans les classes 16, 35, 39 et 41. Cette marque a été enregistrée le 19 novembre 2004.

La Requérante a aussi enregistré le nom de domaine « gares-en-mouvement.com » le 30 septembre 2004.

Argumentation des parties

Requérant

La Requérante fait valoir qu’elle est titulaire de la marque et du nom de domaine visés ci-dessus qui sont tous deux exploités dans le cadre de son activité de transporteur ferroviaire ou en relation avec des services de transports. Cette marque tire notamment son originalité et sa distinctivité du rapprochement du mot “mouvement” avec le mot “gare” qui est un bien meuble et par conséquent ne saurait bouger.

La Requérante expose donc qu’il a des droits sur la partie verbale de la marque, Gares en Mouvement, droits qui sont bafoués par le Défendeur qui reproduit intégralement cette expression dans le nom de domaine litigieux « gares-en-mouvement.fr ».

Selon la Requérante, la raison d’être de l’enregistrement du nom de domaine litigieux par le Défendeur est de profiter de la confusion qui pourrait naître dans l’esprit des internautes afin de détourner la clientèle à des fins lucratives.

En effet non seulement le Défendeur tente de faire croire aux internautes que son site est le site officiel de la Requérante, mais redirige ceux-ci vers un site parking qui propose des liens sponsorisés vers des services ou produits parfois concurrents de ceux que propose la Requérante sur son propre site.

Tout ceci montre, selon la Requérante, que tant la réservation que l’exploitation du nom de domaine litigieux constituent une violation de ses droits de propriété industrielle ainsi que la mauvaise foi du Défendeur.

Enfin la Requérante expose que selon ses recherches le Défendeur n’est titulaire d’aucun droit de propriété industrielle sur l’expression qui constitue le nom de domaine litigieux. De plus le Défendeur n’a obtenu aucune autorisation de la Requérante pour exploiter cette expression. Le Défendeur n’a aucune relation, notamment commerciale, avec la Requérante.

En conclusion, la Requérante demande la transmission à son profit du nom de domaine litigieux.

Défendeur

Le Défendeur n’a apporté aucune réponse au Centre.

Discussion

L’Expert rappelle que, en application de l’article 1 du Règlement, une atteinte aux droits des tiers est constituée “lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d’une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi”. En application du même article, une atteinte aux règles de la concurrence désigne notamment “une violation du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire”.

L’Expert souligne que, en application de l’article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande “lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l’article 1 du présent Règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable”.

(i) Droits du requérant sur le nom de domaine

Compte tenu de la marque visée ci-dessus, il n’est pas douteux que la Requérante détient un droit de propriété industrielle sur l’expression Gares en Mouvement.

Si, comme il est constant on ne tient pas compte du gTLD “.fr”, il est clair que le nom de domaine litigieux porte atteinte aux droits de propriété industrielle de la Requérante car il reproduit à l’identique l’expression Gares en Mouvement. C’est aussi une reproduction à l’identique du nom de domaine appartenant à la Requérante.

(ii) Enregistrement ou utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers ou des règles de la concurrence

La réservation du nom de domaine litigieux par le Défendeur ne peut être le fruit du hasard tant les activités de la SNCF sont connues de tous. Au demeurant il appartenait au Défendeur de s’assurer, avant l’enregistrement, qu’il ne risquait pas de porter atteinte à des droits détenus par des tiers.

De plus le fait d’utiliser ce nom de domaine pour tenter d’aiguiller des internautes vers des liens sponsorisés qui offrent des produits ou services concurrents de ceux de la Requérante n’est pas conforme aux règles loyales de concurrence.

Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit de la Requérante du nom de domaine « gares-en-mouvement.fr ».

Expert : Jean-Claude Combaldieu

Avocat : Cabinet Sarrut

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.