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Jurisprudence : Marques

mardi 26 mai 2009
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Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert Le 20 avril 2009

Golf-Resort “Terre Blanche” SAS, Terre Blanche Management et D&O Management / Wolfson Enterprises

marques - nom de domaine

Les parties

Les Requérantes sont Golf-Resort “Terre Blanche” SAS, Terre Blanche Management, D&O Management, France, représenté par CMS Bureau Francis Lefebvre, Lyon, France.

Le Défendeur est Wolfson Enterprises, Gex, France, représentée par KGA Avocats, Marseille.

Nom de domaine et prestataire internet

Le litige concerne le nom de domaine « villaterreblanche.fr » enregistré le 12 mai 2005.

Le prestataire internet est la société Namebay, Monaco.

Rappel de la procédure

Une demande déposée par les Requérantes auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 2 mars 2009, par courrier électronique et le 9 mars 2009, par courrier postal.

Le 2 mars 2009, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 3 mars 2009, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige, ainsi qu’aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n’est pendante.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic applicable (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 10 mars 2009. Conformément à l’article 15(a) du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 30 mars 2009. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 29 mars 2009.

Le 3 avril 2009, le Centre nommait Alexandre Nappey comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

Les faits

Les Requérantes sont les sociétés de droit français Golf-Resort “Terre Blanche” SAS créée en 1999, Terre Blanche Management SAS créée en 2000, et D&O Management SARL, créée en 2006, qui ont pour activité l’exploitation d’une résidence hôtelière et deux parcours de golf situés sur la commune de Tourrettes dans le Var, ainsi que l’ensemble des activités connexes.

Les Requérantes justifient être titulaires notamment des marques suivantes :

Marque verbale française Domaine de Terre Blanche Golf Club Resort déposée le 20 février 2001 et enregistrée pour des services des classes 35, 36, 38, 41 et 42 de la Classification Internationale de Nice ;

Marque semi figurative française Domaine de Terre Blanche Golf Club Resort déposée le 20 février 2001 et enregistrée pour des services des classes 35, 36, 38, 41 et 42 de la Classification Internationale de Nice ;

La société Golf-Resort “Terre Blanche” est par ailleurs titulaire des noms de domaine « terre-blanche.com » déposé le 17 avril 2001 et « terre-blanche.fr » déposé le 9 août 2005. Ces noms de domaine activent le site internet “www.terre-blanche.com” sur lequel les Requérantes présentent leurs activités hôtelières, sportives et immobilières.

Le Défendeur est la société civile de droit français Wolfson Enterprises, immatriculée en 2003 et qui exerce ses activités dans le domaine de la gestion immobilière.

Le Défendeur a enregistré le nom de domaine « villaterreblanche.fr », objet de la présente procédure, le 12 mai 2005. Ce nom de domaine n’est pas actif à ce jour. Jusqu’à l’engagement de la présente procédure, il donnait accès au site du Défendeur sur lequel était présentée l’offre de location d’une villa en villégiature dans le Var, à proximité du domaine exploité par les Requérantes.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 6 novembre 2008, le conseil des Requérantes sommait le Défendeur de “cesser immédiatement l’usage de ce nom de domaine « villaterreblanche.fr » ainsi que toute autre utilisation du terme “terreblanche” (ou l’une de ses déclinaisons) en relation avec une activité d’hôtellerie, de location de maisons ou autres”. Ce courrier lui est revenu, tandis que le même, adressé au domicile du représentant légal du Défendeur a bien été délivré. Toutefois, le Défendeur n’a pas donné suite à ces sommations.

Argumentation des parties

Requérantes

Les Requérantes estiment que le nom de domaine litigieux constitue l’imitation de leurs marques enregistrées, de leur dénomination sociale et de leur nom de domaine, et qu’il en résulte un tel risque de confusion que l’atteinte à leurs droits est incontestable.

Les Requérantes soutiennent par ailleurs que le nom de domaine objet de la demande a été enregistré uniquement dans un but spéculatif et en parfaite connaissance de cause par le Défendeur.

Les Requérantes soulèvent que le Défendeur a cherché à ternir leur image sur son site internet, et qu’en dépit des modifications qu’il a effectuées sur celui-ci après avoir reçu le courrier de mise en demeure qui lui était adressé par les Requérantes, il ne lui est pas possible d’invoquer une quelconque exploitation de bonne foi de ce nom de domaine.

Selon les Requérantes, la confusion qui résulte pour leur clientèle de l’existence du site du Défendeur caractérise la mauvaise foi du Défendeur.

Défendeur

Le Défendeur soutient au contraire qu’il a agi de bonne foi s’agissant de l’enregistrement du nom de domaine objet de la demande.

Le Défendeur émet notamment des réserves concernant l’objet sur lequel portent les droits privatifs invoqués par les Requérantes, qui utilisent la dénomination “Domaine de Terre Blanche Golf Club Resort” et non “Terre Blanche” ni “Villa Terre Blanche”. De même il soutient que les marques invoquées par les Requérantes ne sont pas notoires.

Selon le Défendeur, l’utilisation du nom de domaine contesté ne porte plus atteinte aux droits des tiers, en particulier ceux invoqués par les Requérantes puisqu’il s’engage à utiliser le nom de domaine litigieux pour des activités non concurrentes de celles des Requérantes et à supprimer de son site internet toute référence à celles-ci.

De fait, le nom de domaine n’active plus aucun site au jour de la décision.

Discussion

L’Expert rappelle que, en application de l’article 1 du Règlement, une atteinte aux droits des tiers est constituée “lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d’une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi”. En application du même article, une atteinte aux règles de la concurrence désigne notamment “une violation du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire”.

L’Expert souligne que, en application de l’article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande “lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l’article 1 du présent Règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable”.

(i) Droits du requérant sur le nom de domaine et enregistrement du nom de domaine litigieux

Les droits privatifs des Requérantes sur leurs dénominations sociales Golf-Resort Terre Blanche, Terre Blanche Management, leurs marques françaises Domaine de Terre Blanche Golf Club Resort, ainsi que leurs noms de domaine « terre-blanche.com » sont établis et ne sont pas contestés par le Défendeur.

Certains des droits invoqués par les Requérantes ne sont pas susceptibles d’être opposés à l’encontre du nom de domaine litigieux dans la mesure où ils lui sont postérieurs, comme le nom de domaine « terre-blanche.fr » enregistré le 9 août 2005, ou bien non encore enregistrés comme c’est le cas des marques communautaires déposées le 13 décembre 2007.

L’Expert constate également que le nom de domaine litigieux reproduit les termes “terre” et “blanche” présents dans toutes les marques et les noms de domaine précités dont les Requérantes sont titulaires.

Il est constant que l’ajout de l’extension “.fr”, suffixe technique inhérent au fonctionnement du système de nommage, est sans effet et ne doit pas être prise en compte dans la comparaison des signes en présence (Litige Ompi No. DFR2006-0004, Photo Service SA contre Numatec).

L’ajout du terme “villa” pour former le nom de domaine litigieux « villaterreblanche.fr » ne permet pas d’écarter tout risque de confusion avec les droits antérieurs invoqués par les Requérantes.

Le substantif “villa” décrit en effet une habitation. Le terme est souvent utilisé pour désigner une maison de plaisance ou de villégiature.

Associé à la locution géographique “terre blanche”, la dénomination évoque une habitation confortable située aux alentours d’un lieu appelé “Terre blanche”.

Or, si les marques invoquées par les Requérantes présentent des différences susceptibles de rendre discutable la similitude du nom de domaine litigieux avec elles, notamment en raison de l’ajout des termes “Golf Club Resort”, et si des observations similaires peuvent être faites concernant les dénominations sociales des Requérantes, l’Expert observe que ces dernières sont également titulaires du nom de domaine « terre-blanche.com » antérieur et exploité pour promouvoir leurs activités.

L’Expert souligne que parmi ces activités, il y a la commercialisation de maisons de villégiature, de villas situées sur le domaine qu’elles exploitent.

Etant entendu par ailleurs que les parties en présence sont établies en France, et plus particulièrement dans le même périmètre géographique particulièrement restreint, il est incontestable que le Défendeur avait parfaitement connaissance des Requérantes et de leurs activités lorsqu’il a enregistré le nom de domaine litigieux.

Il en résulte selon l’Expert que les Requérantes bénéficient de droits sur le nom de domaine litigieux et qu’il appartenait au Défendeur, conformément aux dispositions de l’article 15 de la Charte de nommage de l’Afnic de s’assurer que le nom de domaine ne portait pas atteinte aux droits de tiers.

(ii) Utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers ou des règles de la concurrence

L’Expert constate qu’au jour de l’envoi du courrier de mise en demeure adressé par les Requérantes au Défendeur, le site opéré à partir du nom de domaine litigieux avait pour objet la présentation et la promotion d’une villa à louer, située à proximité du domaine exploité par les Requérantes, bien qu’étant à l’extérieur de celui-ci.

Ce site était rédigé en anglais, ce qui s’explique notamment par le fait que le représentant légal du Défendeur est de nationalité anglaise. Selon les Requérantes, ce site avait pour cible la clientèle anglophone, et plus particulièrement britannique, qui constitue la première clientèle des Requérantes.

Or, le Défendeur faisait référence à plusieurs reprises au domaine exploité par les Requérantes, en mettant l’accent sur la proximité de celui-ci par rapport à la villa dont il assurait la promotion.

Certaines allusions comparant les prix pratiqués pour la location d’une chambre d’hôtel dans le domaine des Requérantes avec ceux de la villa en location relevaient clairement de la concurrence déloyale.

De sorte qu’il apparaît évident à l’Expert que le nom de domaine litigieux était exploité par le Défendeur pour détourner la clientèle des Requérantes au profit de son activité de location d’une maison située à côté du domaine exploité par celles-ci.

Cet usage contrevient très clairement aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale.

L’Expert observe que ces mentions ont certes été retirées à réception des mises en demeure adressées par les Requérantes au Défendeur. De même, l’Expert relève que le site du Défendeur a été désactivé, conformément à ce qui avait été annoncé dans la réponse adressée par ce dernier.

Néanmoins, il n’est pas plus discutable que la simple rétention de ce nom de domaine constitue également une violation des droits des tiers, et plus particulièrement ceux invoqués par les Requérantes.

De surcroît, il est difficile d’imaginer quel usage légitime le Défendeur pourrait faire de ce nom à l’avenir, alors même que l’objet social de sa société consiste à assurer la gestion et l’exploitation de biens immobiliers.

En conséquence, l’Expert considère que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine « villaterreblanche.fr » par le Défendeur constitue une violation des droits des Requérantes de même que des règles normales de concurrence.

Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit de la société Golf-Resort Terre Blanche du nom de domaine « villaterreblanche.fr ».

Expert : Alexandre Nappey

 
 

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