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Jurisprudence : Vie privée

jeudi 14 novembre 2013
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Conseil d’État 10ème sous-section Décision du lundi 4 novembre 2013

M. B… A… / Cnil

conditions - conseil d'Etat - données personnelles - droit d'accès - droit d'accès indirect - recours - réponse - traitement - tribunal administratif

PROCÉDURE

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Paris, par une requête enregistrée au greffe de ce tribunal le 16 avril 2012 :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 février 2012 par laquelle la Commission nationale de l’informatique et des libertés a refusé de faire droit à sa demande d’accéder aux données le concernant enregistrées dans un fichier tenu par la direction centrale du renseignement intérieur du ministère de l’intérieur ;

2°) d’ordonner à l’administration de lui fournir les informations le concernant dans ce fichier ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1500 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant le Conseil d’Etat :

Par une ordonnance du 29 août 2012, enregistrée le 4 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. A….

Des observations, enregistrées le 7 février 2013, ont été présentées par le ministre de l’intérieur qui conclut au rejet de la requête.

Dans un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2013, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) conclut au rejet de la requête.

En application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la décision du Conseil d’Etat était susceptible d’être fondée sur le moyen, relevé d’office, tiré de l’incompétence du Conseil d’Etat pour juger ce litige en premier et dernier ressort, dès lors que la lettre du président de la Cnil apparaît comme la simple transmission de la décision du ministre de l’intérieur, dont le contentieux relève, en premier ressort, de la compétence du tribunal administratif.

Dans un nouveau mémoire, enregistré le 10 avril 2013, M. A… persiste dans ses conclusions.

Dans un nouveau mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2013, la Cnil déclare s’en remettre à la sagesse du Conseil d’Etat.

[…]

DISCUSSION

Sur le moyen relevé d’office tiré de l’incompétence du Conseil d’Etat en premier et dernier ressort

1. Le Conseil d’Etat a communiqué aux parties, le 4 avril 2013, le moyen relevé d’office tiré de ce que la requête ne ressortissait pas à la compétence du Conseil d’Etat en premier et dernier ressort.

2. Aux termes de l’article 41 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés : “ Par dérogation aux articles 39 et 40, lorsqu’un traitement intéresse la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d’accès s’exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l’ensemble des informations qu’il contient. / La demande est adressée à la commission qui désigne l’un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d’Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d’un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu’il a été procédé aux vérifications. (…) “. Aux termes de l’article 88 du décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l’application de cette loi : “ Aux termes de ses investigations, la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, celles des informations susceptibles d’être communiquées au demandeur dès lors que leur communication ne met pas en cause les finalités du traitement, la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique. Elle transmet au demandeur ces informations. (…) Lorsque le responsable du traitement s’oppose à la communication au demandeur de tout ou partie des informations le concernant, la commission l’informe qu’il a été procédé aux vérifications nécessaires. (…) “.

3. Il résulte de ces dispositions que, s’agissant de l’exercice du droit d’accès indirect et de rectification relatif à des données à caractère personnel contenues dans des fichiers intéressant la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique, il revient à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), à laquelle la demande d’accès aux données est adressée, d’une part, de désigner l’un de ses membres pour mener, en son nom, les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Le Conseil d’Etat est compétent, en application du 4° de l’article R. 311-1 du code de justice administrative, tant dans sa rédaction applicable au litige que dans sa rédaction désormais en vigueur, pour connaître en premier et dernier ressort de telles décisions, prises, au titre de sa mission de contrôle et de régulation, par l’une des autorités collégiales à compétence nationale désormais mentionnées à cet article. D’autre part, il appartient à la Commission, en accord avec le responsable du traitement, en premier lieu, de constater les informations qui peuvent être communiquées au demandeur et de les lui transmettre, en deuxième lieu, de constater que les informations concernant le demandeur doivent être rectifiées ou supprimées et de l’en informer ou, en troisième lieu, d’informer le demandeur que le traitement ne comporte aucune information le concernant.

4. Lorsque le responsable du traitement s’oppose à la communication au demandeur de tout ou partie des informations le concernant, à ce qu’il soit informé que ces informations doivent être rectifiées ou supprimées ou à ce qu’il soit informé que le traitement ne contient aucune information le concernant, l’indication alors fournie au demandeur par le président de la Commission, selon laquelle il a été procédé aux vérifications nécessaires, ne peut être regardée comme l’exercice par la Commission de l’une de ses compétences mais seulement comme la simple notification d’une décision de refus d’accès prise par le responsable du traitement. Or, ni l’article R. 311-1 du code de justice administrative ni aucune autre disposition ne donne compétence au Conseil d’Etat pour connaître en premier et dernier ressort d’une telle décision, qui relève, en application de l’article R. 312-1 du même code, de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel l’autorité qui l’a prise à son siège.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A… a saisi, le 20 octobre 2010, la Cnil d’une demande d’accès au fichier “ centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux “ (Crustina) de la direction centrale du renseignement intérieur du ministère de l’intérieur. Par une lettre du 16 février 2012, le président de la Cnil a informé M. A… que les vérifications opérées dans le fichier de cette direction ne permettaient pas de lui apporter de plus amples informations. Cette lettre doit être regardée comme notifiant la décision individuelle prise par le ministre de l’intérieur refusant à M. A… l’accès aux informations contenues dans ce fichier. Par suite, il y a lieu d’attribuer au tribunal administratif de Paris le jugement des conclusions de M. A… tendant à l’annulation de cette décision.

DÉCISION

Article 1er : Le jugement de la requête est attribué au tribunal administratif de Paris.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B… A…, à la Commission nationale de l’informatique et des libertés et au président du tribunal administratif de Paris.

Le Conseil : Mme Isabelle Lemesle (rapporteur), M. Edouard Crépey (rapporteur public)

Notre présentation de la décision

 
 

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