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Jurisprudence : Logiciel

vendredi 12 septembre 2014
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Conseil d’État 9ème et 10ème sous-sections réunies Décision du 16 juillet 2014

3D Storm

droits de propriété intellectuelle - fiscalité - importation - logiciel - retenue à la source - TVA

PROCEDURE

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars et 18 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés pour la société 3D Storm ; la société 3D Storm demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler l’arrêt n° 10BX01716 du 31 janvier 2012 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement n° 0601933-0703741 du 6 mai 2010 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande de décharge du complément de retenue à la source auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 et de l’amende prévue par l’article 1788 septies du code général des impôts qui lui a été infligée au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005 ;

2°) de mettre à la charge de l’État la somme de 4000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 78-1240 du 29 décembre 1978 ;

Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ;

Vu le décret n° 2003-658 du 18 juillet 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

DISCUSSION

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société 3D Storm assure la distribution en Europe, en Russie et au Moyen-Orient des produits de la société de droit américain Newtek, concepteur de logiciels informatiques ; que ces logiciels en provenance des États-Unis étaient fournis à la société 3D Storm jusqu’en 2001 sur un support matériel, puis ont fait l’objet, à compter de l’année 2002, d’une transmission par voie télématique sécurisée ; que la société 3D Storm procédait ensuite, en France, à la duplication du logiciel, à sa matérialisation sur CD Rom et à son emballage ; que, pour chaque unité vendue par la société 3D Storm, des clés informatiques étaient fournies et facturées par la société Newtek selon un tarif variable en fonction des qualités de l’acheteur, utilisateur final, et du nombre de postes d’utilisateurs ; que pour l’application des règles relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, l’administration a regardé les logiciels achetés par la société 3D Storm comme des biens tant qu’ils étaient livrés sur un support matériel, mais leur a appliqué les règles relatives aux prestations de services quand ils ont fait l’objet d’une télétransmission ; qu’elle a également estimé que la retenue à la source applicable aux produits de la propriété industrielle payés à des sociétés qui n’ont pas en France d’installations professionnelles permanentes était due à raison de cette transmission ; que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, par un jugement du 6 mai 2010, la demande de la société 3D Storm tendant à la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 et de l’amende prévue par l’article 1788 septies du code général des impôts qui lui a été infligée au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005 ; que, par l’arrêt attaqué en date du 31 janvier 2011, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel de la société 3D Storm contre ce jugement ;

Sur l’étendue du litige

2. Considérant que, postérieurement à l’enregistrement du pourvoi, le directeur régional des finances publiques de la région Aquitaine a consenti à la société 3D Storm, le 19 novembre 2013, le dégrèvement des pénalités d’un montant de 4547 € qui avaient été mises à sa charge au titre de l’année 2002 et, le 28 novembre 2013, le dégrèvement des pénalités d’un montant de 2518 € mises à sa charge au titre de l’année 2003 ; que dans la limite de ces dégrèvements, les conclusions du pourvoi sont devenues sans objet ; qu’il n’y a pas lieu, dans cette mesure, de statuer sur les conclusions du pourvoi ;

Sur le surplus des conclusions du pourvoi

3. Considérant, d’une part, que les services énumérés à l’article 259 B du code général des impôts sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée en France, lorsqu’ils sont fournis par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ; qu’au nombre des services énumérés à cet article, figurent, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 1978 de finances rectificative pour 1978, “ 1° [les] cessions et concessions de droits d’auteurs, de brevets, de droits de licences, de marques de fabrique et de commerce et d’autres droits similaires “ ; qu’à compter du 1er juillet 2003, un 12°, mentionnant les “ services fournis par voie électronique fixés par décret “ a été ajouté, par la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, à la liste des services énumérés à l’article 259 B ; qu’aux termes de l’article 98 C de l’annexe III au code général des impôts issu du décret du 18 juillet 2003 pris pour l’application des articles 259 B et 298 sexdecies F du code général des impôts, relatif aux services fournis par voie électronique et modifiant l’annexe III à ce code : “ Sont considérés comme des services fournis par voie électronique au sens du 12° de l’article 259 B du code général des impôts : / (…) b. La fourniture de logiciels et la mise à jour de ceux-ci (…) “ ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 182 B du code général des impôts : “ I. Donnent lieu à l’application d’une retenue à la source lorsqu’ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, qui n’ont pas dans ce pays d’installation professionnelle permanente : (…) / b. Les produits définis à l’article 92 et perçus par les inventeurs ou au titre de droits d’auteur, ceux perçus par les obtenteurs de nouvelles variétés végétales au sens des articles L 623-1 à L 623-35 du code de la propriété intellectuelle ainsi que tous produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés (…) “ ;

5. Considérant que, pour rejeter les conclusions d’appel de la société requérante, la cour a relevé, d’une part, que la fourniture de logiciels par voie télématique devait être regardée comme une concession d’un droit similaire à un droit de licence au sens du 1° de l’article 259 B et, d’autre part, que les sommes perçues par la société Newtek devaient être regardées comme des produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale ou de droits assimilés au sens de l’article 182 B du code général des impôts ; qu’en statuant ainsi, alors qu’il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la société 3D Storm n’a pas acquis des droits d’exploitation de logiciels auprès de la société Newtek, mais a acheté pour les revendre des logiciels à l’unité auprès de cette société, la cour a donné aux faits qui lui étaient soumis une qualification juridique erronée ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, l’arrêt de la cour doit être annulé ;

6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État une somme de 3500 € à verser à la société 3D Storm au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECISION

Article 1er : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi à concurrence de la somme de 7065 €.

Article 2 : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux est annulé en tant qu’il rejette les conclusions de la société 3D Storm restant en litige.

Article 3 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Bordeaux.

Article 4 : L’État versera à la société 3D Storm une somme de 3500 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société 3D Storm et au ministre des finances et des comptes publics.

Le Conseil : M. Julien Anfruns (rapporteur)

Avocats : SCP Odent, Poulet