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Jurisprudence : Vie privée

jeudi 31 janvier 2013
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Conseil d’Etat Décision du 12 décembre 2012

Election Europe / Cnil

contentieux - expertise - fichiers - informatique et libertés - obligation - référé - rejet - sécurité

Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la société Election Europe, représentée par son gérant en exercice ; la société demande au juge des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article R. 532-1 du code de justice administrative, de désigner un expert chargé d’examiner les mesures de sécurité mises en œuvre dans le cadre de la solution logicielle de vote électronique dite “ Election Central “, utilisée pour les élections des membres du comité d’établissement et des délégués du personnel de divers établissements de la société Total qui se sont déroulées du 24 septembre au 1er octobre 2012, et d’établir un rapport décrivant ses constats dans un délai de deux mois à compter de sa désignation ;

Elle soutient que :

– le rapport établi du 5 novembre 2012 par le rapporteur de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) est fondé sur une appréciation manifestement erronée des faits techniques ;

– les divergences observées entre son appréciation technique des faits et les expertises techniques antérieures imposent la réalisation d’une nouvelle expertise ;

– une délibération de la Cnil fondée sur le rapport du 5 novembre 2012 et dont l’intervention est imminente porterait une atteinte grave et irréversible à son image ainsi qu’à sa situation économique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

Vu le code de justice administrative ;

DISCUSSION

1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 532-1 du code de justice administrative : “ Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction. / (…) / Les demandes présentées en application du présent chapitre sont dispensées du ministère d’avocat si elles se rattachent à des litiges dispensés de ce ministère. “ ;

2. Considérant que, si le juge des référés n’est pas saisi du principal, l’utilité d’une mesure d’instruction ou d’expertise qu’il lui est demandé d’ordonner sur le fondement de l’article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée dans la perspective d’un litige principal, actuel ou éventuel, relevant lui-même de la compétence de la juridiction à laquelle ce juge appartient, et auquel cette mesure est susceptible de se rattacher ;

3. Considérant que la mesure d’expertise que la société Election Europe demande au juge des référés du Conseil d’Etat d’ordonner, sur le fondement de ces dispositions, consisterait à examiner les mesures de sécurité mises en œuvre dans le cadre d’une solution logicielle de vote électronique qu’elle exploite et qui a notamment été utilisée pour les élections des représentants du personnel de la société Total qui se sont déroulées du 24 septembre au 1er octobre 2012 ; qu’à l’appui de sa requête, elle fait valoir qu’à la suite d’une plainte d’un syndicat auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), celle-ci a désigné un rapporteur qui, dans un rapport établi le 5 novembre 2012, a relevé des manquements à l’obligation de sécurité pesant sur le responsable du traitement ; que, selon la requérante, l’appréciation technique des faits par le rapporteur, différente de celle résultant d’expertises techniques antérieures, serait erronée et imposerait la réalisation d’une nouvelle expertise afin d’éclairer la délibération de la commission restreinte de la Cnil, qui doit se prononcer sur la proposition d’avertissement présentée par son rapporteur, en application de l’article 45 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

4. Considérant, toutefois, que le litige principal auquel la mesure d’expertise demandée serait susceptible de se rattacher ne pourrait naître que dans l’hypothèse où la Cnil adopterait l’analyse de son rapporteur et déciderait de prononcer un avertissement ; que cette sanction pourrait alors faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’Etat sur le fondement de l’article 46 de la même loi, une expertise pouvant, si nécessaire, être décidée dans le cadre de l’instruction de l’affaire ; qu’au demeurant, eu égard à l’importance des investigations dont la société Election Europe demande au juge des référés de charger dès maintenant un expert en lui prescrivant d’établir un rapport dans un délai de deux mois, alors que la délibération dont la requérante craint qu’elle aboutisse à une sanction est prévue dès le 13 décembre prochain, la désignation d’un expert ne pourrait, en tout état de cause, donner lieu à la remise d’un rapport en temps utile ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête de la société Election Europe ne satisfait pas à la condition d’utilité requise par les dispositions de l’article R. 532-1 du code de justice administrative ; que, par suite, elle ne peut qu’être rejetée, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité ;

DÉCISION

. Ordonne :

Article 1er : La requête de la société Election Europe est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Election Europ

 
 

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