Jurisprudence : Marques
Cour d’appel de Lyon 1ère chambre civile Arrêt du 09 mars 2006
Maxi Livres Profrance / Big Bang
marques - nom de domaine
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS
La société Maxi-Livres Profrance (la société Maxi-Livres) a déposé à l’Inpi la marque « Book’1 » le 30 mars 1999 et la marque semi-figurative « Book’1 le discounter du livre » le 20 décembre 1999.
Faisant valoir qu’elle utilisait la dénomination « Book’1 » comme enseigne depuis 1990 et les noms de domaine pour la vente de livre www.book1.lu depuis octobre 1998 et www.book1.fr depuis janvier 1999 et que les marques susvisées avaient été déposées en fraude de ses droits, la société Big Bang a assigné la société Maxi-Livres et Claude N. en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de continuation de la société Maxi-Livres, aux fins d’annulation de ces deux marques et payement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.
Le 25 mars 2004 le tribunal de grande instance de Lyon a rendu le jugement suivant :
. Déclare nulles la marque déposée le 30 mars 1999 sous le n°99 784 974 et la marque déposée le 20 décembre 1999 sous le n°99 831 408,
. Condamne la société Maxi-Livres à payer à la société Big Bang la somme de 7000 € à titre de dommages-intérêts,
. Ordonne l’exécution provisoire de cette disposition,
. Condamne la société Maxi-Livres à payer à la société Big Bang la somme de 2000 € en application de l’article 700 du ncpc.
Appelants de cette décision, Me Claude N. ès qualités et la société Maxi-Livres soutiennent que la société Big Bang présente devant la cour des demandes nouvelles qui sont donc irrecevables. Ils invoquent également l’irrecevabilité des demandes adverses dirigées contre des personnes qui ne sont pas présentes à cette procédure.
Ils exposent que cette dernière avait pour filiale la société Soliamiens qui exploitait depuis le mois d’avril 1994 une boutique de vente de livre à l’enseigne « Book’1 » ; qu’en 1999 une seconde boutique à la même enseigne a été ouverte à Lille par la société solinord qui a ensuite été absorbée par la société Prolibra ; que parallèlement ont été déposées les deux marques litigieuses.
Ils font valoir qu’en 1994 la société Big Bang a abandonné l’usage de l’enseigne « Book’1 » et a modifié son objet social pour se consacrer à des activités immobilières ; que ce n’est qu’en 1998 que Frédéric D., qui n’avait alors aucun lien avec la société Big Bang a déposé le nom de domaine « Book’1 » et a créé un site internet à ce nom. Ils en déduisent que les marques litigieuses ont été déposées en toute légitimité.
Ils contestent les actes de concurrence déloyale reprochés à la société Maxi-Livres et le préjudice allégué par la société Big Bang.
Ils concluent donc au rejet des demandes adverses et à la condamnation de l’intimée à leur payer une indemnité en application de l’article 700 du ncpc.
Dans les dernières conclusions de l’intimée, dont les appelants demandent le rejet au motif qu’elles ont été notifiées le 20 janvier 2006 qui est le jour de l’ordonnance de clôture, il est exposé qu’en 1988 Valérie V. avait créé à Lille, au 17 rue de la Monnaie, un point de vente de livre à l’enseigne « Book’1 » qu’elle avait exploité jusqu’en mars 1990 lorsqu’elle a créé la société Big Bang qui a continué l’exploitation de ce commerce jusqu’en 1998 puis poursuivi l’exploitation de son fonds de commerce en créant une boutique de vente sur internet.
Il est aussi indiqué que la société Big Bang, qui par contrat du 31 mars 1996 avait autorisé la société Pronord, filiale de la société Maxi-Livres, à utiliser le nom commercial et l’enseigne « Book’1 » au 17 rue de la Monnaie sans pouvoir l’utiliser en un autre lieu, a appris à la fin de l’année 1999 que, d’une part, depuis novembre 1999 le magasin exploité rue Faidherbe à Lille qui s’appelait auparavant « Maxi-Livres » était désormais exploité sous l’enseigne « Book’1 », d’autre part, la marque « Book’1 » avait été déposée par la société Maxi-Livres.
La société Big Bang fait valoir qu’elle rapporte la preuve qu’elle a exploité l’enseigne « Book’1 » continuellement de 1990 à 1998 puis comme nom de domaine. Elle reproche à la société Maxi-Livres d’avoir violé la convention de 1996 en déposant le 2 octobre 1997 au greffe du tribunal de commerce d’Amiens une demande rétroactive au 1er avril 1994 d’inscription de l’enseigne « Book’1 », ce qu’elle qualifie de frauduleux. Elle invoque l’indisponibilité du signe « Book’1 », en application de l’article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle et argue du risque de confusion dans l’esprit du public.
Elle conclut principalement à la confirmation du jugement ; elle demande en outre à la cour :
• principalement
– d’interdire sous astreinte à la société Maxi-Livres et à ses filiales d’utiliser l’enseigne « Book’1 »,
– d’ordonner à la société Maxi-Livres de rembourser le coût des taxes et inscriptions et du traitement accéléré par l’Inpi,
– d’ordonner la publication de l’arrêt,
– de condamner la société Maxi-Livres à lui verser la somme de 30 500 € à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale,
• subsidiairement
– de dire que la société Maxi-Livres a agi en fraude de l’article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle – de dire que la société Maxi-Livres devra, sous astreinte, procéder à ses frais auprès de l’Inpi à l’inscription de la marque « Book’1 » n°99 784 974 au profit de la société Big Bang,
• en tout état de cause de condamner la société Maxi-Livres à payer une indemnité en application de l’article 700 du ncpc.
DISCUSSION
Attendu qu’il n’est pas prétendu que dans ses conclusions notifiées par le 20 janvier 2006 la société Big Bang a ajouté à ses précédentes écritures un élément nouveau qui pourrait avoir une influence sur la solution du litige ; qu’il n’y a pas lieu de rejeter ces conclusions des débats ;
Attendu que la société Big Bang ne peut pas conclure à l’encontre de personnes morales qui n’ont pas été appelée dans cette procédure et qui n’y sont pas intervenues volontairement ; qu’est donc irrecevable sa demande tendant à faire interdiction aux filiales de la société Maxi-Livres d’utiliser l’enseigne « Book’1 » ;
Attendu qu’en 1994 la société Big Bang a modifié son objet social mais, contrairement à ce que prétend la société Maxi-Livres, non pas pour abandonner l’activité de vente de livre mais pour y ajouter une activité dans le domaine immobilier ;
Attendu qu’il est établi que dès avant 1994 la société Big Bang exploitait un fonds de commerce à l’enseigne « Book’1 » ; que par acte sous seing privé du 31 mars 1996, dans lequel il est énoncé que cette enseigne était exploitée depuis 1990 par la société Big Bang, cette dernière a donné ce fonds de commerce en location gérance à la société Pronord, conservant ainsi ses droits sur le signe « Book’1 » ; qu’il est encore établi que l’exploitation de ce fonds de commerce, et donc du signe litigieux, s’est poursuivie jusqu’en juillet 1997 puisqu’à cette époque la société Pronord versait encore des loyers à la société Big Bang ;
Que la société Maxi-Livres est donc mal fondée à soutenir que la société Big Bang a abandonné l’usage de l’enseigne « Book’1 » pendant une longue période avant le dépôt par la société Maxi-Livres des deux marques contestées ;
Attendu qu’il importe peu que le signe « Book’1 » ait été utilisé dès 1994 par une filiale de la société Maxi-Livres, la société Soliamiens, puisque cette utilisation est postérieure de plusieurs années au début de l’exploitation du même signe, à titre d’enseigne par la société Big Bang ;
Que c’est à bon droit que le tribunal a retenu que les marques déposées en 1999 par la société Maxi-Livres portaient atteinte aux droits antérieurs de la société Big Bang et qu’en conséquence il en a prononcé la nullité ;
Attendu que c’est également à bon droit que le premier juge a retenu que l’existence de la société Big Bang et de son enseigne « Book’1 » ne pouvait pas être ignorée de la société Maxi-Livres ; que, d’ailleurs, cette dernière ne prétend pas l’avoir ignorée ;
Que le dépôt frauduleux de marques effectué par la société Maxi-Livres a nécessairement causé préjudice à la société Big Bang ; que les dommages-intérêts alloués à cette dernière constituent la juste réparation de ce préjudice ;
Attendu, en revanche, que n’est rapportée la preuve ni du détournement de clientèle ni de la désorganisation allégués par la société Big Bang ; que la demande de dommages-intérêts complémentaires doit être rejetée ;
Attendu qu’il n’est pas produit aucune justification des frais dont la société Big Bang réclame remboursement ;
Attendu qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la publication du présent arrêt ;
DECISION
La cour,
. Déclare irrecevable la demande de la société Big Bang tendant à faire interdiction aux filiales de la société Maxi-Livres d’utiliser l’enseigne « Book’1 » ;
. Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
. Rejette la demande de publication du présent arrêt ;
. Condamne la société Maxi-Livres à payer à la société Big Bang la somme de 3000 € en complément de l’indemnité déjà allouée par le premier juge en application de l’article 700 du ncpc ;
. La condamne aux dépens de première instance et d’appel et autorise l’avoué de son adversaire à recouvrer directement contre elle les sommes dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision suffisante.
La cour : M. Jacquet (président), MM. Roux et Gourd (conseillers)
Avocats : Selarl Gozlan-Perez & associés, Me Cramez
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.