Les avocats du net

 
 


 

Jurisprudence : Marques

lundi 17 septembre 2007
Facebook Viadeo Linkedin

Cour d’appel de Lyon 8ème chambre civile Arrêt du 4 septembre 2007

Reine A. / L'Oréal

marques

FAITS ET PROCEDURE

Reine A. est titulaire des marques suivantes :
– « Dermo Esthetique » déposée auprès de l’Inpi le 2 août 1983 sous le n° 1 270 243,
– « Dermo Esthetique Reine », déposée auprès de l’Inpi le 6 juin 1991 sous le n° 1 670 658,

les dites marques déposées dans les classes de produits 3 et 42, visant notamment les produits de beauté et de parfumerie, soins de beauté et méthodes particulières pour les administrer.

Par acte d’huissier en date du 17 janvier 2006, Reine A. et la société Dermo Esthetique Reine ont fait assigner la société L’Oréal devant le tribunal de grande instance de Lyon afin de faire déclarer cette dernière responsable de faits de contrefaçon des marques dont elle est titulaire et d’actes de concurrence déloyale.

Par acte d’huissier en date du 8 mars 2006, Reine A. et la société Dermo Esthetique Reine ont fait assigner la société L’Oréal devant le président de ce tribunal à l’effet d’obtenir sur le fondement de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle et de l’article 809 du ncpc :
– la condamnation de la société L’Oréal à cesser tout acte de contrefaçon ou de concurrence déloyale à leur encontre par copie, imitation ou usage frauduleux des marques « Dermo Esthetique » et « Dermo Esthetique Reine », sous astreinte de 1500 € par infraction constatée,
– la condamnation de la société L’Oréal à supprimer toute mention des termes « Dermo Esthetique » de son site internet sous astreinte de 1500 € par jour, à compter du 8ème jour suivant la signification de l’ordonnance.

Elles ont sollicité également l’allocation de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc.

Par ordonnance en date du 16 mai 2006 monsieur le président du tribunal de grande instance de Lyon :
– « Vu l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle,
– a constaté que la société Dermo Esthetique Reine se désiste de ses demandes dans le cadre de la présente instance,
– a dit n’y avoir lieu à annuler l’assignation délivrée par Reine A. à l’encontre de la société L’Oréal,
– a débouté Reine A. de sa demande en cessation d’actes de contrefaçon,
– a condamné Reine A. à payer à la société L’Oréal la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc,
– a condamné Reine A. aux dépens de cette instance ».

Reine A. a interjeté appel le 23 mai 2006.

DEMANDES ET MOYENS

Reine A. expose avoir satisfait aux critères définis par l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle :
– respect du bref délai, ayant eu connaissance de faits de contrefaçon en novembre 2005, qu’elle a fait constaté par procès verbal d’huissier le 28 novembre 2005, elle a assigné au fond la société L’Oréal le 17 janvier 2006,
– caractère sérieux de l’action au fond : les termes « dermo » et « esthétique » sont dépourvus de tout caractère descriptif ; leur combinaison est arbitraire et par conséquent distinctive au regard des produits et services visés dans l’acte de dépôt et à la date du dit dépôt étant indiqué que les marques litigieuses sont exploitées par la société Dermo Esthetique Reine et ne sont pas devenues génériques, aucune dégénérescence de la marque n’étant établie,
– existence d’une contrefaçon par la reproduction des marques appartenant à l’appelante.

Elle conclut donc au bien fondé de sa demande en cessation de tout acte de contrefaçon par la copie, l’imitation ou l’usage frauduleux des marques « Dermo Esthetique » et « Dermo Esthetique Reine », et en suppression des dits termes sur le site internet, sous astreinte de 1500 € par infraction constatée et réclame la somme de 5000 € en application de l’article 700 du ncpc.

La société L’Oréal estime que :
– il n’est pas démontré une situation de dommage grave et un trouble important subi par Reine A.,
– les conditions de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle ne sont pas remplies : mise en ligne de l’expression Dermo Esthetique par la société L’Oréal en mai 2005, ce que Reine A. ne pouvait pas ignorer : absence de caractère distinctif de la marque, le terme Dermo Esthetique étant la désignation nécessaire et générique de produits et services et reprenant la qualité essentielle des dits produits,
– Reine A. est déchue de ses droits, n’exploitant pas cette marque et n’ayant concédé aucune œuvre de marque à la société Dermo Esthetique Reine, seul le nom étant utilisé à titre de dénomination sociale ou de nom commercial, de plus, ces marques sont devenues la désignation usuelle des soins de la peau pour les professionnels de l’esthétique corporelle,
– elle n’a commis aucun acte de contrefaçon, l’utilisation de l’expression Dermo Esthetique servant à désigner les soins d’embellissement de la peau.

Elle conclut donc à la confirmation de la décision déférée et à l’allocation d’une somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de celle de 15 000 € en application de l’article 700 du ncpc.

DISCUSSION

Attendu en droit qu’en application de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle, la demande d’interdiction d’actes argués de contrefaçon n’est admis que si l’action au fond apparaît sérieuse et a été engagée dans un bref délai à compter du jour où le propriétaire de la marque ou le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation a eu connaissance des faits sur lesquels elle est fondée ;

Sur le bref délai

Attendu que Reine A., dès qu’elle a appris que la société L’Oréal faisait usage de la marque Dermo Esthetique a fait vérifier par un huissier l’utilisation de cette marque sur différents sites (procès verbal de constat du 28 novembre 2005) ;

Que l’assignation au fond délivrée le 17 janvier 2006 respecte le bref délai exigé, étant précisé que la société L’Oréal ne démontre pas que Reine A. ait eu connaissance de cet usage dès mai 2005 ;

Sur le caractère sérieux de l’action au fond

Attendu que les marques déposées par Reine A. devaient concerner les produits et services suivants :
– produit de beauté et de parfumerie, soins de beauté et méthodes particulières pour les administrer (Cf. certificats de dépôt des 10 juin 1981 et 2 août 1983) ;

Que le mot « dermo » fait référence au derme et donc à la peau ;

Que le terme « esthétique » définit un sentiment du beau, sans se rattacher nécessairement à des soins corporels ;

Que les deux termes de cette marque ne sont pas descriptifs des produits ou services auxquels ils s’appliquent ;

Que leur combinaison est arbitraire et que l’expression « Dermo Esthetique » est distinctive ;

Attendu que les marques litigieuses sont exploitées par la société Dermo Esthetique Reine depuis 1989 et sans discontinuité ;

Qu’en effet, Reine A. a concédé à cette société l’utilisation des dites marques moyennant un reversement de royalties (Cf. attestation du commissaire aux comptes du 27 décembre 2006) ;

Qu’aucune déchéance ne peut être invoquée par la société L’Oréal ;

Attendu qu’il n’est pas établi que les marques « Dermo Esthetique » et « Dermo Esthetique Reine » désignent dorénavant tous soins de la peau, même si certains professionnels de l’esthétique corporel ont tendance à utiliser ces expressions ;

Qu’en tout cas, il résulte des documents versés aux débats que Reine A. a introduit de nombreuses procédures dès qu’elle avait connaissance de l’utilisation de ces marques ;

Attendu qu’au vu de ces différents éléments, le caractère sérieux de l’action au fond est établi ;

Attendu en conséquence que l’utilisation notamment de la marque Dermo Esthetique par la société L’Oréal, pour des produits ou des services similaires entraîne une confusion dans l’esprit du public entre le signe utilisé par cette société sur son site internet et les marques appartenant à Reine A. ;

Qu’il y a donc lieu de faire droit à la demande d’interdiction pour la seule marque Dermo Esthetique, la société L’Oréal ne reproduisant pas la marque Dermo Esthetique Reine, et ce sous astreinte de 500 € par infraction constatée ;

Attendu que l’appel interjeté par Reine A. étant bien fondé, il y a lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société L’Oréal ;

Attendu qu’il est inéquitable de laisser à la charge de l’appelante les sommes exposées par elle non comprises dans les dépens et qu’il y a lieu de lui allouer la somme de 3000 € en application de l’article 700 du ncpc ;

Que la société L’Oréal doit être déboutée de ce chef de demande ;

DECISION

Par ces motifs, la cour,

. Reçoit Reine A. en son appel du 23 mai 2006,

. Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 16 mai 2006 par monsieur le président du tribunal de grande instance de Lyon à l’exception de celles ayant constaté que la société Dermo Esthetique Reine se désistait de ses demandes et ayant dit n’y avoir lieu à annuler l’assignation délivrée par Reine A. à l’encontre de la société L’Oréal,

Et statuant à nouveau,

. Condamne à la société L’Oréal à cesser tout acte de contrefaçon à l’encontre de Reine A. par la copie, l’imitation ou l’usage frauduleux de la marque Dermo Esthetique, et à supprimer, toute mention des termes Dermo Esthetique de son site internet www.lorealparis.fr sous astreinte de 500 € par infraction constatée passé le délai de huit jours à compter de la signification du présent arrêt,

. Condamne la société L’Oréal à payer à Reine A. la somme de 3000 € en application de l’article 700 du ncpc,

. Déboute la société L’Oréal de ses demandes de dommages-intérêts et d’indemnité en application de l’article 700 du ncpc,

. Condamne la société L’Oréal aux entiers dépens.

La cour : Mme Jeanne Stutzmann (présidente), Mme Bayle et M. Jean Denizon (conseillers)

Avocats : Me Chanu, Me Bizollon

Voir décision de Cour de cassation

 
 

En complément

Maître Bizollon est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

En complément

Maître Chanu est également intervenu(e) dans les 2 affaires suivante  :

 

En complément

Le magistrat Bayle est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

En complément

Le magistrat Jean Denizon est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

En complément

Le magistrat Jeanne Stutzmann est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.