Jurisprudence : Vie privée
Cour d’appel de Nancy Chambre sociale Arret du 25 juin 2001
Miguel P. / société Allied signal industrial fibers
licenciement pour faute - vie privée
Faits et procédure
Miguel P. a été embauché à partir du 1er novembre 1993 en qualité d’opérateur par la société Allied signal industrial fibers (devenue depuis société Honeywell).
Il a été licencié pour fautes simples par courrier en date du 30 avril 1998, le licenciement étant prononcé par les trois motifs suivants :
– non respect réitéré de l’obligation de badger,
– absence non excusée du 5 avril 1998,
– violation réitérée du règlement intérieur.
Contestant la légitimité de son licenciement, Miguel P. a saisi le Conseil de Prud’hommes de Longwy lequel, par un jugement avant dire droit en date du 14 mai 1999 a ordonné la désignation de deux conseillers rapporteurs afin de mettre l’affaire en état d’être jugée.
Par jugement en date du 3 décembre 1999, le Conseil de Prud’homme a débouté Miguel P. de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
La société Allied signal industrial fibers a été condamnée à payer à Miguel P. la somme de 721,10 F à titre de prime d’intéressement pour l’année 1997 (somme portant intérêts de droit au taux légal à compter du 13 mai 1998).
Miguel P. a été condamné à payer à son ancien employeur la somme de 100 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive (somme portant intérêts de droit au taux légal à compter du 3 décembre 1999).
Miguel P. a régulièrement interjeté appel par acte du 10 janvier 2000.
Moyens et prétentions
Pour obtenir l’infirmation du jugement, Miguel P. soutient que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
S’agissant du grief tiré du non badgeage à la sortie, Miguel P. fait valoir le caractère tardif du reproche.
Il ajoute que certains de ses collègues ne badgeaient pas à la sortie, lesquels n’avaient cependant pas été sanctionnés.
Miguel P. fait remarquer par ailleurs que l’obligation de badgeage n’avait pas fait l’objet d’une recommandation particulière.
Il argue encore de la défectuosité de l’appareillage (Gestor) ainsi que du non respect de l’obligation de déclaration à la Cnil du système de badgeage, lequel constitue un traitement nominatif au sens de l’article 16 de la loi du 6 janvier 1978.
Miguel P. conclut au caractère disproportionné de sa sanction.
Il réclame une somme de 261 790 F net de dommages-intérêts pour licenciement abusif outre une somme de 1159,92 F brut à titre de remboursement de la mise à pied des 18 au 20 novembre 1996 (ainsi qu’une somme de 116 F brut au titre d’indemnité compensatrice de congés payés).
Miguel P. sollicite enfin la condamnation de la société Honeywell au paiement d’une somme de 3000 F au titre des dispositions de l’article 700 du ncpc.
La société Honeywell conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu comme fondé le licenciement pour fautes simples de Miguel P.
Formant appel incident, elle sollicite la condamnation de Miguel P. au paiement d’une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive outre une somme de 6000 F au titre des dispositions de l’article 700 du ncpc.
Vu le dossier de la procédure et les pièces produites
La lettre de licenciement adressée le 30 avril 1998 à Miguel P. retient trois griefs :
– un non respect délibéré et réitéré du règlement intérieur dans l’entreprise en refusant de badger à la sortie de l’entreprise, 19 fois entre le 1er février et le 9 avril 1998,
– une absence non excusée du 5 avril 1998,
– des violations réitérées du règlement intérieur.
En ce qui concerne le premier motif, en l’espèce le refus de badger en violation des dispositions du règlement intérieur dont il ne conteste pas avoir eu connaissance, il résulte d’une lettre de la Cnil du 26 avril 2001 que ce mode de traitement informatisé du personnel n’a été enregistré par la Cnil que le 17 juillet 2000, soit plus de deux ans après le licenciement de Miguel P.
Cette violation par l’employeur des dispositions de l’article 16 de la loi du 6 janvier 1978 sur le traitement informatisé des informations nominatives concernant son personnel le prive de pouvoir opposer à Miguel P. le non respect du règlement intérieur sur ce point et ne peut servir de cause à un licenciement.
En ce qui concerne l’absence injustifiée du 5 avril 1998, il résulte des constatations des conseillers rapporteurs commis en première instance que Miguel P. en avait bien informé son employeur.
Le troisième motif, en l’espèce des violations réitérées du règlement intérieur, est trop imprécis pour pouvoir être vérifié.
Les motifs retenus pour licencier Miguel P. sont donc insuffisants pour être constitutifs d’une cause réelle et sérieuse.
La mise à pied du 18 au 20 novembre 1996 n’a pas contestée été en sont temps par Miguel P. qui ne peut en demander l’indemnisation.
Compte tenu de son ancienneté de 4 ½ ans dans l’entreprise et de son salaire de 10 904 F par mois, il convient de lui allouer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 80 000 F.
Le jugement entrepris doit être confirmé en tant qu’il a fixé à la somme de 721,10 F le rappel de prime d’intéressement de Miguel P. pour l’année 1997.
Il doit par contre être infirmé en tant qu’il avait condamné Miguel P. à payer à la société Allied signal industrial fibers la somme de 100 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Il apparaît équitable d’allouer à Miguel P. la somme de 1500 F au titre de ses frais irrépétibles.
Décision
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
. Infirme le jugement du Conseil de prud’hommes de Longwy du 14 décembre 1999 et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Miguel P. est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
. Condamne la société Allied signal industrial fibers à payer à Miguel P. les sommes de :
– prime d’intéressement de 1997 721,10 F
– dommages-intérêts pour licenciement
sans cause réelle et sérieuse 80 000 F
– l’article 700 du ncpc 1500 F
. Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
. Condamne la société Allied signal industrial fibers aux entiers frais et dépens de la procédure.
La cour : M. Eichler (président), Mme Conte et M. Schamber (conseillers)
Avocats : Me Michel Gamelon, M. Robert Giovanardi (délégué syndical)
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