Jurisprudence : Contenus illicites
Cour d’appel de rennes 5ème chambre Prud’homale Arrêt du 12 décembre 2006
Accel Informatique / Sébastien L. M.
contenus illicites
PROCEDURE
Par acte du 17 janvier 2006, la société Accel Informatique interjetait appel d’un jugement rendu le 22 décembre 2005 par le Conseil de Prud’hommes de Brest qui dans le litige qui l’oppose à Monsieur L. M. déclarait que son licenciement n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamnait l’employeur à lui verser des dommages et intérêts, les indemnité de ruptures, un rappel de salaire, des congés payés et des heures supplémentaires ;
Régulièrement convoqué par lettres recommandées reçues le 15 mars 2006 et le 1er juillet 2006, la société Accel Informatique et Maître Laurent es qualité de liquidateur de la société n’ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter à l’audience du 6 novembre 2006, le mandataire judiciaire ayant fait connaître par lettre du 20 octobre 2006 qu’il n’entendait pas soutenir l’appel faute de disponibilité ;
Le CGEA de Rennes demande à la Cour de débouter Monsieur L. M. de l’ensemble de ses demandes ;
Monsieur L. M. estime que le Conseil de Prud’hommes a fait une exacte application du droit et correctement calculé le montant de sa créance, il sollicite la confirmation du jugement et demande que l’arrêt de confirmation soit déclaré opposable au CGEA ;
Pour un exposé plus complet de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère au jugement déféré et aux conclusions régulièrement communiquées à l’adversaire qui ont été développées à l’audience des plaidoiries puis versées dans les pièces de procédure à l’issue des débats ;
DISCUSSION
Engagé le 8 novembre 1999 par la société Accel Informatique, spécialisée dans les prestations de service informatique en qualité d’informaticien technico-commercial, Monsieur L. M. se voyait infligé un avertissement le 12 décembre 2003. Le 26 avril 2004, il était mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave le 4 mai 2004. Il contestait cette décision devant le Conseil de Prud’hommes ;
Sur le licenciement
Considérant que dans la longue lettre de licenciement pour faute grave du 11 mai 2004, il est reproché à Monsieur L. M. quatre fautes :
– l’envoi sur son portable personnel de données informatiques de la société fichier client
– une dissimulation de fichiers informatiques à caractère pédophile
– des problèmes de service après vente
– des facturations incorrectes
Premier grief
Considérant que l’employeur ne reproche pas à Monsieur L. M. d’avoir détourné un fichier client de la société et de l’avoir exploité pour son propre compte, mais seulement d’avoir mis dans son ordinateur personnel, la copie des fiches clients de son secteur, or ce transfert dont l’objet était de permettre au salarié d’avoir, sous la main, lorsqu’il était en tournée les coordonnées des clients qu’il devait visiter, ce qui lui permettait de ne pas commettre d’erreur et de noter immédiatement sur son ordinateur les résultats de ses visites, ne constitue pas une faute mais l’utilisation rationnelle des méthodes actuelles de travail, ce motif ne peut être retenu pour justifier un licenciement ;
Deuxième grief
Considérant que depuis la loi du 17 juin 1998, le fait pour une personne de ne pas porter à la connaissance de l’autorité judiciaire ou administratives l’existence d’infractions à caractère pédophile ou d’effacer des traces, de détruire ou altérer un objet de nature à faciliter la recherche de preuve et l’identification des auteurs d’un crime ou d’un délit, constitue un délit pouvant justifier des poursuites pénales ;
Considérant qu’en sa qualité de technico-commercial engagé depuis 1999 par une société spécialisée dans la maintenance d’ordinateurs de particuliers, Monsieur L. M. informaticien de formation dont le travail était d’intervenir soit au domicile des clients soit dans l’atelier de l’entreprise pour procéder aux réparations, mises à jour et maintenance des appareils, ne pouvait méconnaître la procédure à suivre lorsqu’il découvrait à l’occasion de ses interventions que l’ordinateur qui lui était confié, avait été utilisé pour recueillir des images à caractère pédophile ce qui constitue une infraction prévue par l’article 227-23 du code pénal ;
que lorsque ce cas se présente, il doit immédiatement retenir l’ordinateur, sauvegarder les fichiers litigieux, en faire éventuellement une copie et en informer l’autorité judiciaire et son employeur ;
Considérant qu‘au mois de septembre 2003, Monsieur L. M. ayant découvert sur l’ordinateur d’un client des images à caractère pédophile en informait son employeur lequel saisissait la brigade des mineurs, l’un des inspecteurs à l’occasion de ses investigations dans l’entreprise rappelait au personnel de l’entreprise que “la découverte de ce type d’images devait impérativement être déclarée au commissariat sous peine de poursuite“ ce qui permet de dire que Monsieur L. M. était parfaitement informé de la procédure à suivre ;
Considérant qu’il est établi que Monsieur L. M. qui venait de découvrir dans l’ordinateur de Monsieur G. en avril 2004 des images pédophiles, avant d’en informer immédiatement son employeur prenait l’initiative de supprimer les fichiers litigieux et restituait l’appareil à son propriétaire, alors qu’il aurait du faire une sauvegarde de ces fichiers, garder l’ordinateur pour le mettre à la disposition des services de police et de l’autorité judiciaire et informer immédiatement son employeur de cette découverte ;
Considérant que Monsieur L. M. n’a pas averti les services de police et n’a informé son employeur qu’après avoir supprimé les fichiers contenant des photographies et restitué l’ordinateur à Monsieur G., ce qui est contraire aux dispositions impératives de la loi et ne permettait plus aux services de police de procéder utilement à la moindre recherche ;
Considérant que la présentation des faits devant la Cour par Monsieur L. M., selon laquelle il aurait seulement constaté dans le fichier “Historique” de l’ordinateur les seules références d’un site pédophile et aurait effacé les fichiers lors de la réinstallation du logiciel Windows, ne peut être retenue, car cette version n’est pas celle exposée en première instance :
– d’une part, contrairement à ce qui est soutenu, la réinstallation d’un logiciel comme Windows sur un ordinateur n’a pas pour effet de supprimer automatiquement les fichiers existants qui sont conservés et seule une manipulation volontaire est nécessaire pour faire disparaître un fichier ;
– d’autre part, l’on ne comprend pas pourquoi cet informaticien averti a pris la précaution de supprimer les fichiers dans l’intérêt “d’un bon client” s’ils ne contenaient pas d’images à caractère pédophile alors que la présence d’images pédophiles sur le disque dur d’un ordinateur indique qu’il y a eu téléchargement et enregistrement de documents dont la publication est interdite pour en faire un usage illicite (Echange, vente, diffusion …) ce qui constitue une infraction pénale ;
Considérant que ce seul fait imputable à de Monsieur L. M. qui aurait pu entraîner des poursuites pénales et pouvait mettre la société Accel en difficulté, constitue une faute grave qui justifie que l’employeur ait pris l’initiative de mettre fin à son contrat de travail, sur ce point le jugement sera infirmé sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deux autres motifs relatifs aux facturations incorrectes et au service après vente défectueux ;
DECISION
Par ces motifs,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
. Infirme le jugement en date du 22 décembre 2005,
. Dit que le licenciement de Monsieur L. M. est fondé sur une faute grave, le déboute de toutes ses demandes,
. Déclare le présent arrêt opposable au CGEA,
. Condamne Monsieur L. M. aux dépens.
Par arrêt n° 459 en date du 23 octobre 2007, l’arrêt ci-dessus a été rectifié en ce sens :
“Par ces motifs :
“Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
“Vu les articles 462 et 463 du Nouveau Code de Procédure Civile, “Vu l’arrêt n° 718 du 12 décembre 2006.
“Déboute Monsieur L. M. de sa demande de rectification d’erreur matérielle ;
“Fait droit à sa demande d’omission de statuer
“Dit que dans les motifs de l’arrêt n° 718 du 12 décembre 2006 page 5 il y a lieu d’ajouter le paragraphe suivant :
“Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires :
“Considérant que Monsieur L. M. réclame un rappel de salaire pour heures supplémentaires, il justifie avoir régulièrement travaillé 40 heures par semaine mais avoir été payé que pour 39 heures de travail, ce que l’employeur n’a pas contesté devant les premiers juges, cette demande de rappel de salaire doit être retenue pour les sommes de 1683,94 € et de 224,19 € au titre des congés payés
que, s’agissant de la seconde réclamation d’un montant de 494,82 € et les congés payés afférents, elle correspond à l’engagement de l’employeur qui avait, avec l’accord des salariés, réduit provisoirement leurs rémunérations, de rétablir leur salaire à leur niveau normal à compter du 31 décembre 2003, engagement qui n‘a pas été tenu, il est du un rappel de salaire pour la période du 1er janvier au 12 mai 2004, date du licenciement”
et de substituer au dispositif page 5 le paragraphe suivant :
“Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire
“Infirme pour partie le jugement du 22 décembre 2005
“Dit que le licenciement de Monsieur L. M. est fondé sur une faute grave, le déboute de ses demandes de dommages et intérêts, de versement des indemnités de rupture et de rappel de salaire correspondant à la mise à pied
“Confirme pour le surplus le jugement en ce qui concerne :
“Le rappel de salaire et les congés payés pour la période du 1er janvier au 12 mai 2004 soit les sommes de 494,82 € et 49,48 € le rappel de salaire pour heures supplémentaires et les congés payés sur heures supplémentaires soit les sommes de 1683,94 € et de 224,19 €
“et l’indemnité au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, soit la somme de 1000 €
“Dit que Maître Laurent sera tenu de remettre au salarié les documents sociaux conformes au présent arrêt rectifié
“Fixe la créance de Monsieur L. M. à l’égard de la liquidation judiciaire aux sommes retenues par la Cour
“Condamne Maître Laurent es qualité aux dépens
« Dit que mention de ces rectifications sera faite en marge de l’arrêt du 12 décembre 2006 par le greffe de la Cinquième Chambre de la Cour.
La cour : M. Louis Marc Ploux (président), Mmes Simone Citray et Catherine Legeard (conseillers)
Avocat : Me Benjamine Faugere Recipon
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