Jurisprudence : Diffamation
Cour d’appel de Toulouse 3ème chambre Arrêt du 23 juin 2008
Daniel AA / Socorest
diffamation
FAITS ET PROCEDURE
Par ordonnance en date du 25 janvier 2007, Monsieur Daniel AA… a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Toulouse pour avoir, sur le territoire national, le 10 décembre 2004, étant PDG de la société Speed Rabbit Pizza, par écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, vendu, distribué, mis en vente dans un lieu ou une réunion publique, ou un moyen de communication audio-visuelle, en l’espèce via le réseau internet, site amf-France.org, porté des allégations ou imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la société anonyme Socorest, représentée par son PDG, Monsieur Frantz C…, en l’espèce en indiquant « notre groupe qui s’était intéressé au rachat de cette enseigne en 2002 et en début d’année 2004, constate que les méthodes de communication ont évolué vers des mensonges institutionnalisés… le document pré-contractuel ne correspond pas aux données du réseau… les dizaines de fermeture de points de vente Boîte à Pizza, avec des redressement judiciaires et liquidations en série, n’apparaissent nulle part… les chiffres communiqués sont grossièrement faux, le parcours du dirigeant omet d’indiquer la liquidation judiciaire de son entreprise Boîte à Pizza (liquidation judiciaire avec un passif de 6,2 millions de francs et 483 872 de passif article 40, la faillite personnelle (sic) de Monsieur Frantz C… condamné à dix ans puis cinq ans de faillite personnelle ».
Faits prévus et réprimés, par les articles 23, 29 al. 1, 42, 43, 48-60 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse.
Par jugement en date du 26 novembre 2007, le tribunal, après avoir rappelé qu’il avait été une première fois renvoyé devant la même juridiction pour avoir commis le délit de diffamation envers la société Socorest alors qu’il avait été mis en examen pour avoir commis le délit de diffamation envers Monsieur L. D…, avant d’être mis en examen pour avoir commis le même délit envers la société Socorest, représentée par son PDG Monsieur C… et renvoyé de ce chef devant le tribunal qui s’est déclaré non saisi par jugement du 15 juin 2006, a constaté l’extinction de l’action publique et débouté la société Socorest de ses demandes sur l’action civile.
Par acte en date du 3 décembre 2007, Monsieur C… et la Socorest, représentés par leur avocat, ont déclaré interjeter appel dudit jugement et conclu, comme indiqué ci- après, à la réformation du jugement entreprise.
La position des parties sera examinée après un rappel des faits et de la procédure.
Par lettre en date du 16 décembre 2004, la société Socorest en la personne de Monsieur Frantz C…, PDG et Monsieur E… en son nom personnel ont déposé plainte avec constitution de partie civile contre X… des chefs de diffamation publique envers un particulier.
Des propos tenus dans un communiqué de presse du 8 décembre 2004 par la société Speed Rabbit Pizza dite SRP représentée par Monsieur Daniel AA… étaient visés comme étant diffamatoires.
Après versement de la consignation et suite à une ordonnance de soit communiqué du 13 janvier 2005, le Procureur de la République a rendu un réquisitoire introductif contre X… en date du 19 décembre 2005, en visant dans ledit réquisitoire les textes relatifs à l’injure et non la diffamation publique.
Après désignation du juge d’instruction, la partie civile était entendue le 11 mars 2005.
Le 28 avril 2005, le juge d’instruction a procédé à la mise en examen de Monsieur Daniel AA… pour des faits de diffamation publique commis au préjudice de Monsieur L. PDG de la société Socorest et dés le 29 avril 2005, le juge d’instruction délivrait un avis à partie visant les dispositions de l’article 175 du Code de Procédure Pénale.
Une requête en nullité de la plainte avec constitution de partie civile a été déposée le 20 mai 2005 au greffe de la Chambre de l’Instruction qui par arrêt en date du 16 septembre 2005 a déclaré celle-ci irrecevable en la forme.
Enfin le 13 octobre 2005, le Président de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a rendu une ordonnance de non admission du pourvoi de Monsieur Daniel AA….
Par ordonnance en date du 25 novembre 2005 le juge d’instruction, reprenant l’intégralité des motifs du réquisitoire définitif du 22 novembre 2005, a ordonné le renvoi de Monsieur Daniel AA… devant le tribunal correctionnel du chef de diffamation publique commise au préjudice de la société Socorest.
Une citation à comparaître devant le tribunal a enfin été délivrée le 19 décembre 2005 et par acte du 28 décembre 2005, l’huissier a notifié en application des dispositions de l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881, l’offre de preuve de la vérité des faits.
Par acte du 30 décembre 2005, la société Socorest prise en la personne de son PDG a notifié l’offre de contre preuve.
L’affaire a été examinée à l’audience du tribunal le 16 février 2006 et par jugement en date du 15 juin 2006, après plusieurs renvois, le tribunal a constaté qu’il n’était pas saisi et a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir.
Le 24 juillet 2006 un réquisitoire supplétif a été établi par le Ministère Public aux fins « de purger la saisine ».
Suite à ces réquisitions, le juge d’instruction a procédé à un interrogatoire de Monsieur AA… sur supplétif, le 28 septembre 2006, ce dernier ayant été mis en examen pour « diffamation publique commise au préjudice de la société Socorest représentée par son PDG Monsieur Frantz C… » et un avis à partie visant à nouveau les dispositions de l’article 175 du Code de Procédure Pénale a été délivré.
Suite au réquisitoire définitif du Ministère public du 11 décembre 2006, le juge d’instruction a renvoyé Monsieur Daniel AA… devant le tribunal par ordonnance en date du 27 janvier 2007, pour l’affaire être finalement retenue à l’audience de jugement du 17 octobre 2007.
Par jugement en date du 26 novembre 2007, le tribunal, après avoir constaté qu’aucun acte interruptif de prescription n’était intervenu antérieurement aux deux jugements rendus par lui, a constaté l’extinction de l’action publique et débouté en conséquence, la société Socorest de ses demandes sur l’action civile.
MOYENS
La société Socorest qui reprend l’argumentation développée devant les premiers juges, considère que l’exception de procédure soulevée par Monsieur AA…, tirée de la prescription, à seule fin d’échapper au débat au fond aurait dû être rejetée par le tribunal.
Il soutient en conséquence que Monsieur AA… n’est plus recevable a soutenir l’irrégularité de l’ordonnance du 25 novembre 2005 afin de faire valoir l’absence d’actes interruptifs de prescription et qu’en tout état de cause cet acte ne serait pas irrégulier ;
– qu’il existe une connexité entre les faits de diffamation publique commis au préjudice de Monsieur C… d’une part et les faits de diffamation publique commis au préjudice de la société Socorest d’autre part, de telle sorte que chaque acte interruptif de prescription à l’égard des faits poursuivis est, par connexité, interruptif à l’égard de l’autre fait, et qu’en conséquence la prescription aurait été régulièrement interrompue au cour de la première phase d’instruction par les actes postérieurs jusqu’à l’audience de plaidoirie ;
L’appelant considère ainsi que tous les actes de poursuite concernant notamment l’infraction de diffamation envers Monsieur C…, ont eu un effet interruptif à l’égard de l’infraction de diffamation envers la société Socorest, quand bien même la première infraction ne serait pas poursuivie aux termes des ordonnances de renvoi des 25 novembre 2005 et 25 janvier 2007 qui ont saisi la juridiction de jugement et qu’ainsi le jugement doit être réformé sur ce point, la Cour devant déclarer non prescrite l’action publique concernant l’infraction de diffamation publique envers la société Socorest.
Sur le fond, elle estime que l’auteur de l’infraction est identifié, que les imputations tenues sont diffamatoires et qu’ainsi le délit étant constitué, elle demande sa condamnation au paiement de la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts outre la publication par extrait de la décision à intervenir dans deux journaux de son choix, sans que le coût de chaque publication n’excède la somme de 2000 € et enfin une indemnité de 4000 € par application des dispositions de l’article 475- 1 du Code de Procédure Pénale.
Position de Monsieur Daniel AA… :
Monsieur AA… considère que :
– l’argumentation relative à la régularité de l’ordonnance du 25 janvier 2005 ne peut être sérieusement soutenue dès lors que ce n’est pas l’irrégularité en elle-même de cette ordonnance qui importe, mais bien le fait qu’elle ne produit aucun effet sur la procédure ;
– le renvoi lui même devant le tribunal n’était pas recevable et ne pouvait interrompre dès lors la prescription, pas plus que la citation subséquente, l’audience et le jugement ;
– aucun acte interruptif concernant les faits de diffamation à l’encontre de la société Socorest ne sont valablement intervenus dans les trois mois depuis l’audition de la partie civile devant le juge d’instruction, soit le 11 mars 2005 et la prescription était acquise antérieurement à l’ordonnance du 25 novembre 2005 ;
– relativement à la connexité entre les faits de diffamation à l’encontre de la société Socorest et les faits de diffamation à l’encontre de Monsieur C…, l’argumentation développée est inopérante sur la prescription de l’action publique, dans la mesure où, en tout état de cause la prescription de l’action publique concernant les faits de diffamation au préjudice de Monsieur C… était également acquise et ce dès le 13 octobre 2005, date de la décision de la Cour de Cassation constituant le dernier acte de poursuite ou d’instruction interruptif concernant ces faits ;
– les ordonnances de renvoi ne constituent pas des actes de poursuites ou d’instruction valables de même que les actes subséquents.
Aux termes de ces considérations, il conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a constaté l’extinction de l’action publique.
A titre subsidiaire, et sur le fond, il demande à la Cour de :
– Constater l’absence de faute civile, distincte du délit de diffamation ;
– Dire le délit non constitué, constater, encore subsidiairement, la preuve de sa bonne foi et débouter, en tout état de cause, la partie civile de l’ensemble de ses demandes.
Le Ministère Public a été entendu en ses observations.
DISCUSSION
Attendu que Monsieur Daniel AA… a soutenu, in limine litis, dans le cadre de la procédure de première instance la prescription de l’action publique s’agissant des faits de diffamation à l’encontre de la société Socorest pour lesquels il a été renvoyé devant le tribunal par ordonnance en date du 25 janvier 2007, comme rappelé ci-dessus ;
que cette exception a été reprise en cause d’appel et jointe au fond ; que pour échapper à la dite prescription, la société Socorest invoque les principes applicables en matière de connexité, invoquant en outre l’existence de divers acte interruptifs de prescription concernant l’infraction de diffamation tant envers Monsieur C… que la société Socorest.
Attendu que, comme déjà indiqué, Monsieur Daniel AA… a été une première fois renvoyé devant le tribunal pour avoir commis le délit de diffamation envers la société Socorest, alors qu’il avait été mis en examen pour avoir commis ce délit envers Monsieur G… Frantz ;
que suite au jugement du 20 juin 2006, alors que la prescription était déjà acquise, il a ensuite été mis en examen pour avoir commis le délit de diffamation avec la société Socorest représentée par son PDG et renvoyé devant le tribunal de ce chef ; que s’agissant de ces derniers faits la prescription était déjà acquise, comme justement relevé par le tribunal dont la motivation ne peut qu’être reprise ;
Attendu d’ailleurs que s’agissant de la connexité entre les faits de diffamations à l’encontre la société Socorest et les faits de diffamation à l’encontre de Monsieur G…, l’argumentation développée par la partie civile est inopérante puisque la prescription de l’action publique concernant les faits de diffamation au préjudice de Monsieur C… était également acquise dès le 13 octobre 2005 ; qu’en effet le délit de diffamation au préjudice de Monsieur C…n’a fait objet d’aucun acte de poursuite ultérieure et n’était même pas visé dans les deux ordonnances de renvoi ;
que l’argumentation relative à la connexité des faits ne peut en conséquence prospérer ; que sauf à la Cour de se répéter de manière invariable il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a constaté l’extinction de l’action publique ;
Attendu qu’il y a lieu en conséquence de débouter la société Socorest de son appel et de toutes ses demandes fins et conclusions.
DECISION
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
. Déclare l’appel de la société Socorest recevable,
. Au fond, l’en déboute,
. Confirme le jugement déféré en ce qu’il a constaté l’extinction de l’action publique, et déboute en conséquence la société Socorest prise en la personne de son représentant légal Monsieur C… Frantz de ses demandes.
La cour : M. Lapeyre (président), M. Lamant et Mme Favreau (conseillers)
Avocats : Me Fabienne Delcroix, Me Laurent De Caunes
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