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Jurisprudence : E-commerce

jeudi 18 octobre 2012
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Cour de justice de l’Union européenne Quatrième chambre Arrêt du 6 septembre 2012

Daniela M. / Ahmad et Wadat Y.

compétence territoriale - consommateur - contrat à distance - professionnel - tribunal compétent - union européenne - vente - vente en ligne

«Compétence judiciaire en matière civile et commerciale – Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs – Règlement (CE) n° 44/2001 – Article 15, paragraphe 1, sous c) – Limitation éventuelle de cette compétence aux contrats conclus à distance»

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1, ci-après le «règlement Bruxelles I»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme M. à MM. Y. et ayant pour objet la résolution pour vices cachés d’un contrat de vente d’un véhicule automobile, le remboursement du prix de vente ainsi que l’obtention de dommages-intérêts.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 13, premier alinéa, point 3, de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention (ci-après la «convention de Bruxelles»), est rédigé comme suit :

«En matière de contrat conclu par une personne pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ci-après dénommée ‘le consommateur’, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5 paragraphe 5 :

[…]

3) pour tout autre contrat ayant pour objet une fourniture de services ou d’objets mobiliers corporels si :

a) la conclusion du contrat a été précédée dans l’État du domicile du consommateur d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité

et que

b) le consommateur a accompli dans cet État les actes nécessaires à la conclusion de ce contrat.»

4 Selon le considérant 13 du règlement Bruxelles I, en matière de contrats d’assurance, de consommation et de travail, il est opportun de protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales.

5 L’article 2 du règlement Bruxelles I prévoit le principe selon lequel les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.

6 L’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I se lit comme suit :

«En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5, point 5 :

[…]

c) lorsque […] le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.»

7 L’article 16, paragraphes 1 et 2, du règlement Bruxelles I est libellé comme suit:

«1. L’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié.

2. L’action intentée contre le consommateur par l’autre partie au contrat ne peut être portée que devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur.»

8 Le considérant 7 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO L 177, p. 6, ci-après le «règlement Rome I»), énonce que le champ d’application matériel et les dispositions de ce règlement devraient être cohérents par rapport à ceux du règlement Bruxelles I.

9 Le considérant 24 du règlement Rome I est rédigé comme suit :

«S’agissant plus particulièrement des contrats de consommation, […] [l]a cohérence avec le règlement [Bruxelles I] exige, d’une part, qu’il soit fait référence à la notion d’‘activité dirigée’ comme condition d’application de la règle de protection du consommateur et, d’autre part, que cette notion fasse l’objet d’une interprétation harmonieuse dans le règlement [Bruxelles I] et le présent règlement, étant précisé qu’une déclaration conjointe du Conseil et de la Commission relative à l’article 15 du règlement [Bruxelles I] précise que ‘pour que l’article 15, paragraphe 1, point c), soit applicable, il ne suffit pas qu’une entreprise dirige ses activités vers l’État membre du domicile du consommateur, ou vers plusieurs États dont cet État membre, il faut également qu’un contrat ait été conclu dans le cadre de ces activités’. La déclaration rappelle également que ‘le simple fait qu’un site [I]nternet soit accessible ne suffit pas pour rendre applicable l’article 15, encore faut-il que ce site [I]nternet invite à la conclusion des contrats à distance et qu’un contrat ait effectivement été conclu à distance, par tout moyen. À cet égard, la langue ou la monnaie utilisée par un site [I]nternet ne constitue pas un élément pertinent.’.»

10 L’article 6, paragraphe 1, du règlement Rome I prévoit :

«1. Sans préjudice des articles 5 et 7, un contrat conclu par une personne physique (ci-après ‘le consommateur’), pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne (ci-après ‘le professionnel’), agissant dans l’exercice de son activité professionnelle, est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel :

a) exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou

b) par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci,

et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

11 Il ressort de la décision de renvoi et des pièces du dossier que Mme M., domiciliée en Autriche, a cherché, sur internet, une voiture de marque allemande qu’elle souhaitait acquérir pour ses besoins privés. Après s’être connectée à la plate-forme de recherche allemande dénommée «www.mobil[e].de», elle a spécifié la marque et le modèle de véhicule souhaités, obtenant ainsi une liste de véhicules répondant aux caractéristiques spécifiées.

12 Ayant choisi le véhicule qui correspondait le mieux à ses critères de recherche, elle fut renvoyée vers une offre des parties défenderesses, MM. Y., qui exploitent un commerce de vente au détail d’automobiles, par l’intermédiaire d’Autohaus Y. GbR (ci-après «Autohaus Y.»), une société civile établie à Hambourg (Allemagne).

13 Désireuse d’obtenir de plus amples renseignements sur le véhicule proposé sur ladite plate-forme de recherche, Mme M. a contacté les parties défenderesses au moyen du numéro de téléphone indiqué sur le site internet d’Autohaus Y., lequel incluait un préfixe international. Le véhicule en question n’étant plus disponible, un autre véhicule lui fut proposé, dont les caractéristiques furent ultérieurement détaillées par courriel. Il lui fut également précisé que sa nationalité autrichienne ne ferait pas obstacle à l’acquisition d’un véhicule auprès des parties défenderesses.

14 Par la suite, Mme M. s’est rendue en Allemagne et, par contrat de vente signé le 21 septembre 2009 à Hambourg, a acheté à MM. Y. le véhicule en question au prix de 11 500 euros, prenant immédiatement livraison de celui-ci.

15 De retour en Autriche, Mme M. a découvert que le véhicule acheté était affecté de vices substantiels et a dès lors demandé aux parties défenderesses de le réparer.

16 Les parties défenderesses ayant refusé de réparer le véhicule, Mme M. a saisi la juridiction de son domicile, le Landesgericht Wels (Autriche), d’une demande de résolution du contrat de vente du véhicule, qu’elle soutient avoir conclu en tant que consommatrice avec une entreprise ayant dirigé son activité commerciale ou professionnelle vers l’Autriche, une hypothèse couverte par l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I.

17 Les parties défenderesses ont contesté la qualité de «consommatrice» de Mme M. et la compétence internationale des juridictions autrichiennes, considérant que le litige devrait être porté devant les juridictions compétentes allemandes. Elles ont également soutenu qu’elles ne dirigeaient pas leurs activités vers l’Autriche et que la requérante a conclu le contrat au siège de leur entreprise en Allemagne.

18 Le 10 mai 2010, la juridiction de première instance, le Landesgericht Wels, a rejeté le recours en se déclarant incompétente. Bien que ne remettant pas en cause la qualité de «consommatrice» de Mme M., ladite juridiction a toutefois considéré que la possibilité de consulter le site internet d’Autohaus Y. en Autriche ne suffisait pas à fonder la compétence des juridictions autrichiennes, que l’appel téléphonique de la requérante avait été à l’origine de la conclusion du contrat et qu’il ne résultait pas du courrier, qui avait été ensuite envoyé, que les parties défenderesses avaient dirigé leurs activités vers l’Autriche. Mme M. a interjeté appel contre cette décision devant l’Oberlandesgericht Linz.

19 Le 17 juin 2010, ladite juridiction a confirmé la décision de première instance. Elle n’a pas non plus remis en cause la qualité de «consommatrice» de Mme M., mais, rappelant la déclaration conjointe du Conseil et de la Commission concernant les articles 15 et 73 du règlement Bruxelles I faite à l’occasion de l’adoption de ce règlement (ci-après la «déclaration conjointe»), selon laquelle un site internet purement «passif» ne suffisait pas pour considérer qu’une activité est dirigée vers l’État du consommateur, elle a relevé que le site internet d’Autohaus Y. avait les caractéristiques d’un tel site «passif». De plus, observant que, selon la déclaration conjointe, le contrat doit être conclu à distance, elle a constaté que ce n’était pas le cas en l’occurrence. Cette juridiction a toutefois autorisé le recours en «Revision» en admettant que la portée juridique de la déclaration conjointe était controversée.

20 Mme M. a introduit un recours en «Revision» contre ce jugement devant l’Oberster Gerichtshof.

21 Ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, ladite juridiction considère que les parties défenderesses ont dirigé leurs activités vers l’Autriche au sens de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I, eu égard à la possibilité de consulter le site internet d’Autohaus Y. en Autriche ainsi qu’à l’existence de contacts à distance entre les parties contractantes par téléphone et par courriel.

22 Toutefois, par un arrêt du 9 novembre 2010, l’Oberster Gerichtshof avait décidé de surseoir à statuer dans l’attente du prononcé de l’arrêt de la Cour dans les affaires Pammer et Hotel Alpenhof (arrêt du 7 décembre 2010, Pammer et Hotel Alpenhof, C-585/08 et C-144/09, Rec. 2010 p. I-12527), qui devait apporter des précisions sur la notion d’«activité dirigée vers l’État du domicile du consommateur».

23 Le prononcé dudit arrêt a conforté l’Oberster Gerichtshof dans sa conviction que MM. Y. ont dirigé leurs activités commerciales ou professionnelles vers l’Autriche. Cette juridiction ne doute pas non plus de la qualité de «consommatrice» de Mme M.

24 Cependant, ladite juridiction se demande s’il ne découle pas des points 86 et 87 de l’arrêt Pammer et Hotel Alpenhof, précité, que l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I ne s’applique qu’aux contrats conclus à distance.

25 Dans ces conditions, l’Oberster Gerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

«L’application de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du […] règlement Bruxelles I […] suppose-t-elle que le contrat entre le consommateur et le professionnel ait été conclu à distance ?»

Sur la question préjudicielle

26 Il y a lieu, d’abord, de rappeler que l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I constitue une dérogation tant à la règle générale de compétence édictée à l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, attribuant compétence aux juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur est domicilié, qu’à la règle de compétence spéciale en matière de contrats, énoncée à l’article 5, point 1, de ce même règlement, selon laquelle le tribunal compétent est celui du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée (arrêt Pammer et Hotel Alpenhof, précité, point 53).

27 Il s’ensuit qu’une telle dérogation doit nécessairement faire l’objet d’une interprétation stricte, une dérogation ou une exception à une règle générale devant être interprétée restrictivement.

28 Ensuite, il convient de rappeler que les notions employées par le règlement Bruxelles I − et, notamment, celles figurant à l’article 15, paragraphe 1, sous c), de ce règlement − doivent être interprétées de façon autonome, en se référant principalement au système et aux objectifs dudit règlement, en vue d’assurer l’application uniforme de celui-ci dans tous les États membres (voir, en ce sens, arrêts du 20 janvier 2005, Engler, C‑27/02, Rec. p. I‑481, point 33, ainsi que Pammer et Hotel Alpenhof, précité, point 55).

29 À cet égard, la Cour a déjà jugé que, dans le système établi par le règlement Bruxelles I, l’article 15, paragraphe 1, sous c), de celui-ci occupe, ainsi qu’il ressort du considérant 13 de ce même règlement, la même place et remplit la même fonction de protection du consommateur comme partie la plus faible que l’article 13, premier alinéa, point 3, de la convention de Bruxelles (voir arrêt du 14 mai 2009, Ilsinger, C‑180/06, Rec. p. I‑3961, point 41).

30 Enfin, il convient de préciser qu’il n’y a pas lieu de vérifier si les activités commerciales de MM. Y. étaient dirigées vers l’Autriche, la juridiction de renvoi ayant déjà considéré cette condition comme remplie.

31 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de répondre à la question posée.

32 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I doit être interprété en ce sens qu’il exige que le contrat entre le consommateur et le professionnel ait été conclu à distance. Dans ce contexte, cette juridiction se pose la question de savoir s’il résulte des points 86 et 87 de l’arrêt Pammer et Hotel Alpenhof, précité, que le champ d’application de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I est limité aux seuls contrats de consommation conclus à distance.

33 À cet égard, il est vrai que, même si l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I vise à protéger les consommateurs, cela n’implique pas que cette protection soit absolue (voir arrêt Pammer et Hotel Alpenhof, précité, point 70). Par ailleurs, la nécessité d’une conclusion des contrats de consommation à distance est mentionnée dans la déclaration conjointe et au considérant 24 du règlement Rome I, qui reprend cette déclaration conjointe.

34 Toutefois, tous les gouvernements ayant déposé des observations ainsi que la Commission avancent des arguments liés à l’interprétation littérale, à la genèse et à l’interprétation téléologique de cette disposition qui militent en faveur d’une réponse négative à la question préjudicielle.

35 En premier lieu, il convient de constater que l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I ne conditionne pas explicitement son application au fait que les contrats soumis à son champ d’application aient été conclus à distance.

36 En effet, il résulte du libellé de cette disposition qu’elle trouve application lorsque deux conditions spécifiques sont remplies. Il est ainsi nécessaire, premièrement, que le commerçant exerce ses activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre du domicile du consommateur ou que, par tout moyen, il dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et, deuxièmement, que le contrat en litige entre dans le cadre de telles activités.

37 Il convient, en outre, de relever que, dans l’exposé des motifs de la proposition de règlement (CE) du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, présentée par la Commission à Bruxelles, le 14 juillet 1999 [COM(1999) 348 final], cette institution considère que «le fait que la condition figurant dans l’ancien article 13 [de la convention de Bruxelles], que le consommateur ait accompli dans son État les actes nécessaires à la conclusion du contrat, disparaisse signifie que l’article 15, premier alinéa, point 3) [devenu article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I], s’applique également aux contrats conclus dans un État membre autre que celui du consommateur».

38 La Cour a elle aussi constaté que le libellé de l’article 15, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I n’est pas en tous points identique à celui de l’article 13, premier alinéa, de la convention de Bruxelles. En particulier, elle a considéré que les conditions d’application que les contrats de consommation doivent remplir sont désormais libellées de manière plus générale que précédemment, afin que soit assurée une meilleure protection des consommateurs eu égard aux nouveaux moyens de communication et au développement du commerce électronique (voir arrêt Pammer et Hotel Alpenhof, précité, point 59).

39 Le législateur de l’Union a ainsi remplacé les conditions incombant, d’une part, au commerçant d’avoir fait spécialement une proposition ou d’avoir adressé une publicité dans l’État du domicile du consommateur et, d’autre part, au consommateur d’avoir accompli dans cet État les actes nécessaires à la conclusion du contrat par des conditions applicables au seul commerçant (arrêt Pammer et Hotel Alpenhof, précité, point 60).

40 À cet égard, il n’est pas sans importance de relever que, dans le rapport du 18 septembre 2000 de la commission juridique et du marché intérieur du Parlement européen sur la proposition du futur règlement Bruxelles I (document final A5-0253/2000, amendement 23 et exposé des motifs), il est fait état du débat concernant l’opportunité d’ajouter la condition selon laquelle les contrats de consommation doivent avoir été conclus à distance ainsi que des arguments qui ont finalement conduit à la non-adoption d’un tel amendement.

41 La nouvelle formulation, moins restrictive, de l’ancien article 13 de la convention de Bruxelles, ainsi que le relève M. l’avocat général au point 17 de ses conclusions, se reflète également dans des accords parallèles à la convention de Bruxelles et au règlement Bruxelles I, notamment à l’article 15, paragraphe 1, sous c), de la convention jointe à la décision 2007/712/CE du Conseil, du 15 octobre 2007, relative à la signature, au nom de la Communauté, de la convention sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 339, p. 1).

42 En deuxième lieu, s’agissant de l’interprétation téléologique de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I, il convient d’observer que l’adjonction d’une condition liée à la conclusion des contrats de consommation à distance irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par cette disposition, dans sa nouvelle formulation moins restrictive, notamment celui de la protection des consommateurs, parties faibles au contrat.

43 En troisième lieu, s’agissant de l’arrêt Pammer et Hotel Alpenhof, précité, la Cour a constaté aux points 86 et 87 de celui-ci, en répondant aux arguments avancés par la société Hotel Alpenhof, selon lesquels l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I ne peut pas s’appliquer puisque le contrat avec le consommateur avait été conclu sur place et non à distance, que ces arguments étaient inopérants en l’espèce vu que, dans les faits, la réservation de la chambre d’hôtel et la confirmation de celle-ci avaient été faites à distance.

44 En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 36 à 38 de ses conclusions dans la présente affaire, il y a lieu de constater que les points 86 et 87 dudit arrêt ne représentent qu’une réponse apportée par la Cour aux arguments présentés par la société Hotel Alpenhof, sans que leur portée puisse être étendue au-delà des circonstances spécifiques de cette affaire. Il demeure que la condition essentielle à laquelle est subordonnée l’application de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I est celle liée à l’activité commerciale ou professionnelle dirigée vers l’État du domicile du consommateur. À cet égard, tant la prise de contact à distance, telle que celle en cause au principal, que la réservation d’un bien ou d’un service à distance ou, a fortiori, la conclusion d’un contrat de consommation à distance sont des indices de rattachement du contrat à une telle activité.

45 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I doit être interprété en ce sens qu’il n’exige pas que le contrat entre le consommateur et le professionnel ait été conclu à distance.

Sur les dépens

46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

DÉCISION

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

L’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’il n’exige pas que le contrat entre le consommateur et le professionnel ait été conclu à distance.

La Cour : M. J.-C. Bonichot (président de chambre), MM. K. Schiemann, L. Bay Larsen, Mme C. Toader (rapporteur) et M. E. Jarašiūnas (juges)

Avocats : Me C. Schönhuber, Mes U. Schwab et G. Schwab

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