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Jurisprudence : Marques

lundi 12 novembre 2012
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OHMI Première Chambre de recours Décision du 8 octobre 2012

Optilingua Holding / Michèle E.

appellation sociale - marque - marque communautaire - nom de domaine - opposition - preuve - site internet

FAITS

1 Par une demande qui s’est vue attribuer la date de dépôt du 25 juillet 1997, la société Alphatrad a sollicité l’enregistrement de la marque figurative pour les services suivants :
Classe 35 – Publicité, gestion des affaires commerciales ; administration commerciale, travaux de bureau ; expertises en affaires; renseignements d’affaires ; diffusion d’annonces publicitaires ; transcription de communications; services de dactylographie, de sténographie et de secrétariat ; reproduction de documents ; gestion de fichiers informatiques ; publication de textes publicitaires ; traitement de texte.

Classe 38 – Communications téléphoniques ; messagerie électronique ; transmission de messages et de télécopie ; transmission de messages et d’images assistée par ordinateur.

Classe 41 – Communications téléphoniques ; messagerie électronique ; transmission de messages et de télécopie ; transmission de messages et d’images assistée par ordinateur.

Classe 42 – Location de temps d’accès à un centre serveur de bases de données; services d’échange de correspondance ; location d’ordinateurs ; programmation pour ordinateurs ; photographie ; services de traductions pour les affaires ; interprétation par téléphone; services de dessinateurs d’arts graphiques ; dessin industriel; imprimerie; élaboration et mise à jour de logiciel.

2 La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 58/1998 du 3 août 1998 et la marque a été enregistrée le 27 janvier 1999. Par la suite, la marque a été successivement cédée le 20 octobre 2009 à M. Frédéric I., le 12 juillet 2011 à Traducta Switzerland, puis le 14 mars 2012 à Optilingua Holding (ci-après, « la titulaire »).

3 Le 7 janvier 2009, Michèle E. (ci-après, « le demandeur ») a présenté une demande en déchéance de la marque susmentionnée sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, point a) du RMC estimant que la marque contestée n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux pour les services pour lesquels elle a été enregistrée.

Il a en outre demandé que la déchéance soit prononcée avec effet à partir du 3 octobre 2003, ainsi que le permet l’article 55, paragraphe 1, du RMC.

4 Par décision rendue le 30 juin 2010 (ci-après « la décision attaquée »), la division d’annulation a accueilli la demande dans son intégralité et a, en conséquence, déclaré la déchéance avec effet à partir du 3 octobre 2003. Elle a en effet considéré que sept lettres de rappel pour des impayés n’étaient pas suffisantes pour prouver un usage sérieux de la marque contestée. Elle a considéré qu’en dépit du fait que le signe contesté apparaisse en haut de chacune des lettres dont les expéditeurs sont les filiales française et portugaise de la société titulaire, elles n’étaient pas suffisantes pour prouver l’importance de l’usage étant donné que seule une des lettres en question faisait référence à des montants. Au vu de ce qui précède, elle a conclu à l’absence de nécessité d’examiner les exigences concernant la période, la nature et le lieu de l’usage.

5 La division d’annulation a considéré que c’est à la date du 3 octobre 2003 que devait être prononcée la déchéance de la marque contestée. En effet, au regard du fait que le Tribunal de Naples a condamné le demandeur à cesser l’usage de la dénomination « Alphatrad » pour des produits et services similaires à ceux couverts par la marque communautaire contestée, elle a considéré que le demandeur avait un intérêt légitime à ce que la déchéance soit prononcée à partir du 3 octobre 2003. À l’inverse, il était illégitime, selon la division d’annulation, de placer la titulaire en position d’empêcher l’exploitation du signe par le demandeur alors qu’elle ne l’utilise pas de manière sérieuse en relation avec les services pour lesquels il a été enregistré. Elle a donc fait droit à la demande de déclaration de la déchéance à une date antérieure à la requête en déchéance.

6 Le 1er juillet 2010, la division d’annulation aurait notifié la décision à la titulaire par fax. Cependant, par la suite, la titulaire a envoyé plusieurs lettres demandant à ce que la décision de la division d’annulation lui soit notifiée afin que le délai de recours commence à courir. Le 21 décembre 2010, la division d’annulation a reconnu que cette transmission par fax avait échoué et invoquait une deuxième notification transmise par courrier de laquelle il n’y avait pourtant pas de preuve d’envoi ni de réception. Elle a donc finalement procédé à une nouvelle notification par fax ce même 21 décembre, précisant que le délai de recours serait compté à partir de la date de ce dernier envoi par fax.

7 Le 18 février 2011, la titulaire de la marque communautaire a introduit un recours à l’encontre de la décision attaquée. Elle a transmis le mémoire exposant les motifs de recours le 15 avril 2011.

8 Le 19 juillet 2011, le demandeur a présenté ses observations. Moyens et arguments des parties

9 La titulaire de la marque communautaire contestée sollicite l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité étant donné que sa marque fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire de l’Union européenne. Ses arguments peuvent être résumés comme suit :
– L’usage sérieux a été défini par la jurisprudence communautaire comme l’usage qui est conforme à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au public de référence l’identité d’origine du produit ou service.
– L’usage doit en outre être apprécié en tenant compte notamment de la nature du produit ou service en cause, des caractéristiques du marché, du public de référence, etc.
– En l’espèce, le public de référence est composé de professionnels et de consommateurs intéressés dans la traduction.
– Au regard du développement exponentiel de la traduction automatique, il doit être tenu compte du fait qu’il est difficile pour une entreprise de traduction manuelle de s’imposer sur le marché de la traduction.
– Au surplus, au regard de la jurisprudence, il doit être considéré qu’il suffit que les produits ou services couverts par la marque contestée soient offerts à la vente pour que la déchéance ne soit pas encourue.
– La division d’annulation aurait dû prendre en compte neuf et non pas seulement sept lettres s’étalant sur une période allant de 2004 à 2007, ainsi que les pages extraites d’Internet jointes au mémoire en réponse à la demande de déchéance.
– La division d’annulation a erronément considéré que l’usage de la marque était sporadique car la marque contestée est exploitée telle qu’enregistrée en relation avec les produits couverts par l’enregistrement sur un marché très concurrentiel. À cet égard, il convient de rappeler que, dans les arrêts du 8 juillet 2004, T-203/02, « Vitafruit », et du 8 juillet 2004, T-334/01, « Hipoviton », la Cour de Justice a considéré que le faible volume de vente n’empêchait pas l’usage sérieux de la marque au regard des caractéristiques du marché sur lequel étaient commercialisés les produits couverts par la marque en cause.
– Enfin, dans le cas où la déchéance de la marque contestée devait être confirmée, ses effets ne devraient être fixés qu’à compter du 7 janvier 2009, date de la requête en déchéance pour défaut d’usage et non à compter du 3 octobre 2003.

10 Le demandeur en déchéance, lui, plaide l’irrecevabilité du recours et le manque de fondement du recours. Ses arguments peuvent être résumés comme suit :

a) Irrecevabilité du recours sur le fondement des règles 61 et 62, paragraphe 1, et 68 du REMC
– La règle 68 du REMC doit être comprise en ce sens qu’elle reconnaît à l’Office la possibilité d’établir la date à laquelle un document est parvenu à son destinataire, lorsqu’il n’est pas en mesure de prouver qu’il a été dûment notifié ou lorsque les dispositions applicables à sa notification n’ont pas été respectées, et qu’elle attache à cette preuve les effets de droit d’une notification régulière. Néanmoins, l’Office n’a produit aucune pièce attestant l’envoi correct du document concerné (la notification, à la titulaire, de la décision attaquée) au sens des règles 61 et 62, paragraphe 1, du REMC, qui aurait pu établir la preuve que l’Office a essayé de transmettre correctement à destination la décision sur la déchéance de la marque susvisée ou d’établir la date de sa remise au destinataire, à savoir conformément aux formalités requises par le règlement.
– Il en résulte que le présent recours n’est pas recevable si les dispositions générales sur les notifications prévues par les règles 61 et 62 n’ont pas été précédemment remplies et accomplies par l’Office.
– Le recours est en outre irrecevable pour violation manifeste de l’article 81 du RMC et de la règle 49 du REMC, En effet, bien que la titulaire affirme depuis le mois d’octobre 2010 ne pas avoir été en mesure d’observer le délai utile pour être rétablie dans ses droits à l’égard de l’Office quant à l’introduction du recours susvisé, elle n’a jamais présenté une requête par écrit au sens de l’article 81 du RMC, à savoir dans un délai de deux mois à compter de la cessation de l’empêchement.
– Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que la titulaire de la marque contestée a saisi en 2008 la justice italienne pour obtenir l’annulation d’une marque italienne (enregistrée par le demandeur), sur la base de sa marque communautaire qui, pourtant, ne fait pas l’objet d’un usage sérieux. Dans le cadre de cette procédure, elle a en outre obtenu un dédommagement journalier de 1000 €.
À cet égard, au vu des irrégularités et de la violation des règles de procédure communautaire ci-dessus, dans le cas où les prétentions de la titulaire de la marque contestée seraient accueillies, il ne saurait être exclu que la responsabilité extracontractuelle de l’Office soit engagée en raison des dommages subis résultant du maintien de la validité de la marque communautaire contestée.

b) Quant au fond
– Quant au fond, la titulaire aurait dû démontrer l’usage sérieux de la marque contestée pour les quatre classes désignées dans l’enregistrement et la totalité ou une partie des biens et services inclus dans ces classes.
– Pour justifier l’absence de preuve quant à l’usage de la marque contestée, la titulaire invoque le caractère très concurrentiel du marché de la traduction en raison de l’usage croissant par les entreprises de la traduction automatique.
– Cependant, les résultats de récentes études, enquêtes et observations menées en Europe par la Fédération Internationale des Traducteurs et par la Société Française des Traducteurs (exposés dans les documents joints aux observations) montrent une réalité tout à fait différente par rapport à celle prospectée par la titulaire, à savoir qu’il existe un marché considérable et composé surtout par des traducteurs humains, un marché qui d’ailleurs déconseille la traduction automatisée.
– De même, il ne peut être donné aucun crédit aux affirmations de la titulaire selon lesquelles un faible volume de ventes peut être compensé par une forte densité ou par une grande constance dans le temps étant donné que la titulaire n’a jamais apporté une facture ou un quelconque volume d’affaires lié aux services qu’elle affirme avoir commercialisés sous la marque contestée. Elle n’a jamais démontré non plus une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque. Enfin, aucune raison valable n’a été apportée pour justifier l’absence de cette preuve. Ainsi, la jurisprudence qu’elle allègue au soutien de ses prétentions n’est pas pertinente en l’espèce et ne saurait en aucun cas pallier l’absence de preuve aux fins d’accréditer l’usage sérieux de la marque contestée.

DISCUSSION

Sur la recevabilité du recours

11 Le demandeur en déchéance plaide l’irrecevabilité du recours sur le fondement des règles 61, 62, paragraphe 1, et 68 du REMC.

12 En vertu de l’article 60 du RMC, un recours contre une décision de l’Office doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

13 En vertu de la règle 61, paragraphe 2, du REMC, l’Office peut notifier un document par les moyens suivants : (a) par voie postale ; (b) par voie de signification (c) par dépôt dans une boîte postale à l’Office ; (d) par télécopieur ou tout autre moyen technique de communication ; (e) par voie de publication.

14 Cette règle s’applique aussi à la notification d’une décision sujette à un délai de recours qui peut être notifiée par un des moyens prévus par cette disposition (voir arrêt du 19 avril 2005, T-380/02 et T-128/03, « Pan & Co », point 60).

15 La Chambre relève qu’il n’y a pas de preuve dans le dossier de la bonne réception ou de l’envoi correct de la notification de la décision attaquée à la titulaire de la marque contestée avant son envoi par fax en date du 21 décembre 2010. La division d’annulation a expressément reconnu que la transmission du premier fax du 1er juillet 2010 avait échoué et qu’il n’y avait pas de preuve de l’envoi de la notification de la décision attaquée par courrier, motif pour lequel elle a estimé nécessaire de procéder, en date du 21 décembre 2010, à la notification de ladite décision par fax en précisant que le délai de recours commencerait à courir à partir de cette dernière notification.

16 Or, en vertu de la règle 65, paragraphe 1, du REMC, « la notification par télécopieur s’effectue par la transmission, soit de l’original, soit d’une copie, en vertu de la règle 61, paragraphe 1, du document à notifier. La notification est réputée faite à la date à laquelle la communication a été reçue par le télécopieur du destinataire ».

17 En outre, selon la règle 70, paragraphe 2, du REMC, « le délai commence à courir le jour suivant la date de l’événement qui fait courir le délai, qu’il s’agisse d’un acte de procédure ou de l’expiration d’un délai antérieur. Sauf disposition contraire, lorsque l’acte de procédure est une notification, la réception du document notifié constitue l’événement qui fait courir le délai ».

18 À cet égard, il faut rappeler que les dispositions contraires auxquelles il est fait référence – parmi lesquelles notamment la règle 62 invoquée par le demandeur – ne trouvent pas à s’appliquer en l’espèce dans la mesure où elles ne concernent pas les notifications par fax.

19 II ressort de la lecture conjointe des règles 65, paragraphe 1, et 70, paragraphe 2, du REMC que la transmission par fax de la première notification ayant échoué, le délai ne pouvait commencer à courir. La notification suivante n’a eu lieu que le 2 décembre 2010. Le recours contre la décision de la division d’annulation pouvait donc être introduit, en vertu de la règle 70, paragraphe 4, jusqu’au 21 février 2011 et le mémoire expliquant les motifs du recours jusqu’au 21 avril 2011.

20 Partant, la division d’annulation n’a violé aucune des règles susmentionnées et le recours, comme le mémoire expliquant les motifs du recours, ont été présentés dans les délais.

Sur la violation de l’article 81 du RMC

21 Le demandeur fait valoir que les affirmations du représentant de la titulaire selon lesquelles elle n’aurait pas été en mesure d’observer le délai utile pour être rétablie dans ses droits à l’égard de l’Office quant à l’introduction du recours susvisé, doivent être rejetées puisque la titulaire n’a jamais présenté de requête au sens de l’article 81 du RMC, à savoir dans un délai de deux mois à compter de la cessation de l’empêchement.

22 Cependant, la Chambre observe que la titulaire a fait parvenir à l’Office son recours contre la décision attaqué dans le délai de deux mois à partir de la notification du 21 décembre 2010 (le 18 février 2011). Elle a en outre fait parvenir son mémoire exposant les motifs du recours dans un délai de quatre mois suivant cette notification (le 15 avril 2011). La titulaire n’avait donc aucune raison d’invoquer ou de présenter une requête en restitution de ses droits dans la mesure où elle n’en a perdu aucun.

23 II ressort de ce qui précède que le recours est conforme aux articles 58, 59 et 60 du RMC et à la règle 48 du REMC tel que modifié. Il est dès lors recevable.

Sur la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée

24 Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, point a) du RMC, le titulaire d’une marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’OHMI, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de juste motif pour son non-usage ; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits, si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux; cependant, le commencement ou la reprise d’usage fait dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à courir au plus tôt à l’expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n’est pas pris en considération lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l’usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande ou la demande reconventionnelle pourrait être présentée.

25 Selon la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir arrêt du 12 mars 2003, T-174/01, « Silk Cocoon », point 39),

26 Néanmoins, l’usage sérieux ne doit pas être confondu avec la notion de succès commercial.

27 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la division d’annulation a considéré que la titulaire n’avait pas rapporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée.

28 La marque contestée ayant été enregistrée le 27 janvier 1999 et la demande en déchéance ayant été introduite le 7 janvier 2009, plus de cinq ans se sont écoulés entre son enregistrement et l’introduction de la demande en déchéance. À ce titre, si elle n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans les cinq ans qui précèdent la demande en déchéance, la titulaire est susceptible d’être déchue de ses droits sur cette marque.

29 La période devant être couverte par la preuve s’étend donc, conformément à l’article 51, paragraphe 1, point a) du RMC, du 7 janvier 2004 au 6 janvier 2009 inclus.

30 La règle 40, paragraphe 5, du REMC dispose que l’Office, dans le cas d’une demande en déchéance, impartit au titulaire de la marque communautaire un délai dans lequel celui-ci apporte la preuve de l’usage de la marque. Si la preuve n’est pas apportée dans le délai imparti, la déchéance de la marque communautaire est prononcée.

31 La titulaire de la marque contestée a fourni, dans le délai imparti, divers documents qui peuvent être présentés et analysés comme suit :
– Neuf lettres en haut desquelles figure la marque contestée ayant apparemment pour objet des règlements impayés, datées entre octobre 2004 et mars 2007 et adressées à des clients en France et au Portugal accompagnées de leur avis de réception respectifs ;- Une ordonnance en référé du Tribunal des marques de Naples rendue le 14 janvier 2009 et interdisant au demandeur l’usage de la dénomination « Alphatrad » en relation avec des services de traduction et ordonnant le transfert de son nom de domaine www.alphatrad.it sur la base de l’enregistrement de la marque communautaire contestée ;
– Un guide de reproduction du drapeau européen ;
– Des extraits tirés du site Internet www.alphatrad.fr où sont présentés, d’une part, les services de traduction de la société Alphatrad et, d’autre part, ses filiales/succursales au Royaume-Uni, en Allemagne, en Suisse, au Portugal et en Espagne. Ces extraits sont datés du 15 juin 2009.

32 La Chambre observe à titre liminaire que les extraits du site Internet de la titulaire étant datés du 15 juin 2009, ils sont postérieurs à la période de référence et, dès lors, ne peuvent être pris en compte aux fins de prouver l’usage sérieux de la marque contestée. En outre, le guide de reproduction du drapeau européen apparaît dénué de pertinence afin de prouver l’usage sérieux de la marque contestée. Par conséquent, seules les lettres ayant pour objet des règlements impayés semblent pertinentes.

33 La Chambre note à cet égard que la titulaire conteste le nombre de lettres prises en compte par la division d’annulation (sept et non neuf). Il apparaît que la lettre de mise en demeure du 17 novembre 2004 est en fait une lettre-type envoyée à trois destinataires différents. Dès lors, contrairement à ce qu’a constaté la division d’annulation, la titulaire a bel et bien fourni neuf lettres et non sept.

34 Cependant, à l’instar de la division d’annulation, la Chambre considère que ces lettres de mise en demeure ne sont pas suffisantes afin de prouver un usage sérieux de la marque contestée.

35 En effet, bien que ces lettres aient pour objet des services de traduction, qu’elles soient étalées sur une période allant de 2004 à 2009, que leur en-tête soit constitué d’une représentation de la marque contestée et enfin qu’elles soient adressées à des destinataires en France et au Portugal, il doit être relevé qu’elles ne font référence à aucun montant à l’exception de l’une d’entre elles sur laquelle on peut lire que le montant réclamé est de 338,02 €.

36 À cet égard, il est vrai qu’un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une certaine constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement. Ainsi, il est de jurisprudence constante qu’il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux.

37 En outre, la quantité de ventes de produits sous la marque antérieure ne saurait être appréciée dans l’absolu, mais doit l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné (voir arrêt du 11 mars 2003, C-40/01, « Minimax », point 43).

38 En l’espèce, la titulaire justifie le faible volume de ventes par le caractère très concurrentiel du marché de la traduction. Au soutien de son argument, elle apporte un extrait de recherche Google pour le mot « traduction » laissant apparaître comme premiers résultats des sites offrant des traductions automatisées.

39 Cependant, cet extrait ne saurait suffire à lui seul à accréditer l’affirmation selon laquelle « il est difficile de s’imposer sur ce marché, les entreprises ayant de plus en plus recours à la traduction automatique ». Au contraire, il ressort clairement des études et enquêtes menées par la Fédération Internationale des Traducteurs et par la Société Française des Traducteurs, apportées par le demandeur, qu’il existe un marché considérable composé en grande partie de traducteurs manuels et que la traduction automatique subit des critiques quant à sa qualité.

40 En outre, l’activité de la titulaire semble limitée aux services de traduction de sorte que le faible volume de vente ne peut pas non plus être expliqué par le degré de diversification.

41 De plus, il ressort de la jurisprudence de la Cour de Justice que plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que la partie titulaire de la marque contestée apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque concernée (voir arrêt du 8 juillet 2004, T-334/01, « Hipoviton », point 37).

42 À cet égard, il convient de souligner que l’ordonnance de référé du Tribunal de Naples est basée exclusivement sur l’enregistrement de la marque contestée mais ne traite à aucun moment la question de son usage. Elle ne constitue donc pas une indication supplémentaire permettant de déterminer l’importance de l’usage de la marque contestée en relation avec les services de traduction.

43 Ainsi, il doit être conclu que les seuls documents pertinents aux fins de prouver l’importance de l’usage sont les lettres de mise en demeure mentionnées. Néanmoins, la valeur probante de ces éléments est limitée dans la mesure où il ne s’agit pas de documents comptables et le montant qui y figure est résiduel.

44 II ressort donc de ce qui précède que les preuves apportées par la titulaire ne permettent pas de déterminer l’importance de l’usage qu’elle fait de la marque communautaire contestée.

45 Or, la règle 22, paragraphe 3, du REMC, qui est applicable aux demandes en déchéance en vertu de la règle 40, paragraphe 5, du même règlement, établit des exigences cumulatives concernant la preuve de l’usage, laquelle doit contenir des indications concernant le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage de la marque en rapport avec les produits ou services qu’elle désigne. La titulaire n’ayant pas justifié l’importance de l’usage de sa marque, l’examen de la preuve au regard des exigences concernant la période, la nature et le lieu de l’usage n’est pas nécessaire.

46 II résulte de ce qui précède que l’usage sérieux de la marque contestée en relation avec des services de traduction n’a pas été prouvé.

47 En ce qui concerne la date à laquelle la déchéance doit prendre effet, la titulaire conteste la décision de la division d’annulation de faire prendre effet à la déchéance au 3 octobre 2003.

48 À cet égard, aux termes de l’article 55, paragraphe 1, du RMC, «la marque communautaire est réputée n’avoir pas eu, à compter de la date de la demande en déchéance ou de la demande reconventionnelle, les effets prévus au présent règlement, selon que le titulaire est déclaré déchu de ses droits en tout ou en partie. Une date antérieure, à laquelle est survenue l’une des causes de la déchéance, peut être fixée dans la décision, sur demande d’une partie ».

49 II ressort de l’article 55, paragraphe 1, du RMC que la déchéance de la marque communautaire peut, sur demande d’une partie, être déclarée à compter d’une date antérieure à celle de la requête. Le demandeur a fait valoir devant la division d’annulation qu’il a un intérêt légitime à ce que la déchéance de la marque contestée soit prononcée à une date antérieure au dépôt de la demande en déchéance de la marque de la titulaire, dans la mesure où seule une telle date lui permettrait de faire annuler l’ordonnance du Tribunal de Naples à son encontre et dans la mesure où la marque contestée n’a, en tout état de cause, pas fait l’objet d’un usage sérieux.

50 Par conséquent, il doit être considéré, à l’instar de la division d’annulation, qu’étant donné que la titulaire a eu toute latitude pour utiliser sa marque mais n’en a pas fait l’usage, et dans la mesure où le demandeur a démontré son intérêt à ce que la déclaration de déchéance soit antérieure à sa requête, la déchéance de la marque contestée doit être déclarée à compter du 3 octobre 2003.

51 Partant, la décision attaquée doit être confirmée dans son intégralité.

FRAIS

52 Bien que la titulaire de la marque communautaire ait succombé au sens de l’article 85, paragraphe 1 du RMC, elle n’est pas tenue de rembourser au demandeur en déchéance les frais de représentation, étant donné que celui-ci ne justifie pas d’une représentation professionnelle au titre de l’article 93, paragraphe 1 du RMC (voir règle 94, paragraphe 7, point d) du REMC).

53 Les frais à payer par la titulaire au demandeur en nullité sont donc de 700.

DÉCISION

Par ces motifs,

La chambre déclare et décide :

1. Rejette le recours ;

2. Condamne la titulaire aux dépens dans la procédure de recours et la procédure en déchéance ;

3. Fixe le montant des dépens que la titulaire devra payer au demandeur pour les procédures en annulation et de recours à un total de 700 €.

La Cour : Th. M. Margellos (président), M. Bra (rapporteur), C. Bartos (membre)

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