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Jurisprudence : Jurisprudences

mardi 19 février 2019
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Tribunal administratif de la Guadeloupe, jugement du 4 février 2019

UNEF

accès au traitement algorithmique - données personnelles - open data - traitement algorithmique - traitement de données - traitement public

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2018 et un mémoire enregistré le 28 janvier 2019 et non communiqué, l’union nationale des étudiants de France (Unef), demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite née le 18 août 2018 par laquelle le président de l’université des Antilles a refusé de lui communiquer les procédés algorithmiques utilisés par l’outil d’aide à la décision dans le cadre du traitement des candidatures d’entrée en licence via la plateforme Parcoursup, ainsi que le ou les codes sources correspondants ;

2°) d’enjoindre au président de l’université des Antilles de lui communiquer ces documents dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’université des Antilles la somme de 500 euros au titre des frais de procès ;

L’Unef soutient qu’en application des articles L. 311-1 et L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration ces documents doivent lui être communiqués.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2019, l’université des Antilles conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que celle-ci est infondée.

Vu :
– les autres pièces du dossier ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code de l’éducation ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Wegner,
– les conclusions de Mme Pater, rapporteur public,
– et les observations de M.A., représentant l’Unef.

Considérant ce qui suit :

1. L’Unef demande au tribunal d’annuler la décision implicite née le 18 août 2018 par laquelle le président de l’université des Antilles a refusé de lui communiquer les procédés algorithmiques utilisés par l’outil d’aide à la décision dans le cadre du traitement des candidatures d’entrée en licence via la plateforme Parcoursup, ainsi que le ou les codes sources correspondants.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Aux termes de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. » L’article L. 311-5 dispose, notamment, que les documents contenant des secrets protégés par la loi ne sont pas communicables.

3. Aux termes de l’article L. 300-2 du même code : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. (…) »

4. Aux termes de l’article L. 311-3-1 du même code : « Sous réserve de l’application du 2° de l’article L. 311-5, une décision individuelle prise sur le fondement d’un traitement algorithmique comporte une mention explicite en informant l’intéressé. Les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées par l’administration à l’intéressé s’il en fait la demande. (…) ».

5. Aux termes de l’article L. 312-1-3 du même code : « Sous réserve des secrets protégés en application du 2° de l’article L. 311-5, les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2, à l’exception des personnes morales dont le nombre d’agents ou de salariés est inférieur à un seuil fixé par décret, publient en ligne les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l’accomplissement de leurs missions lorsqu’ils fondent des décisions individuelles. »

6. Aux termes du deuxième alinéa du I de l’article L. 612-3 du code de l’éducation : « L’inscription dans une formation du premier cycle dispensée par un établissement public est précédée d’une procédure nationale de préinscription qui permet aux candidats de bénéficier d’un dispositif d’information et d’orientation qui, dans le prolongement de celui proposé au cours de la scolarité du second degré, est mis en place par les établissements d’enseignement supérieur. (…) »

7. Aux termes du cinquième alinéa du I du même article : « Afin de garantir la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques chargées de l’examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au même deuxième alinéa, les obligations résultant des articles L. 311-3-1 et L. 312-1-3 du code des relations entre le public et l’administration sont réputées satisfaites dès lors que les candidats sont informés de la possibilité d’obtenir, s’ils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise.(…) »

8. L’université des Antilles indique, dans son mémoire en défense, que les membres des commissions chargées d’examiner les vœux des candidats à l’entrée en licence via la plateforme Parcoursup se sont appuyés sur des traitements de données dont ils ont défini les paramétrages et précise que ces traitements ne se sont pas substitués à l’appréciation portée par les membres de ces commissions.

9. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la communication à un candidat ou la mise en ligne des traitements algorithmiques utilisés dans le cadre de la procédure de préinscription instituée par le deuxième alinéa du I de l’article L. 612-3 du code de l’éducation fait l’objet d’un régime spécial dérogatoire aux articles L. 311-3-1 et L. 312-1-3 du code des relations entre le public, en application des dispositions du cinquième alinéa du I de l’article L. 612-3 du code de l’éducation.

10. Toutefois, ces dernières dispositions n’ont pas écarté celles de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration lorsqu’elles ne sont pas présentées par la personne ayant fait l’objet d’une décision prise à l’aide d’un traitement algorithmique et qu’elles ne tendent pas à la mise en ligne de ces traitements.

11. En outre, contrairement à ce que soutient l’université des Antilles, la communication à l’Unef des traitements algorithmiques sollicités ne porte pas atteinte au secret des délibérations, protégé par l’article L. 612-3 du code de l’éducation, puisque cette communication ne portera que sur la nature des critères pris en compte pour l’examen des candidatures, leur pondération et leur hiérarchisation, et non sur l’appréciation portée par la commission sur les mérites de chacune de ces candidatures.

12. Il résulte de ce qui précède que l’Unef est fondée à demander la communication des procédés algorithmiques utilisés par l’université des Antilles dans le cadre du traitement des candidatures d’entrée en licence via la plateforme Parcoursup, ainsi que le ou les codes sources correspondants. Il y a lieu, par suite, d’annuler la décision implicite née le 18 août 2018 par laquelle le président de l’université des Antilles a refusé de communiquer à l’Unef les documents demandés par celle-ci.

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

13. L’exécution du présent jugement implique nécessairement que le président de l’université des Antilles communique à l’Unef les documents demandés par celle-ci par la délivrance d’une copie sur un support identique à celui utilisé par l’administration ou compatible avec celui-ci, conformément aux dispositions de l’article L. 311-9 du code des relations entre le public et l’administration. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à cette communication dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Sur les frais de procès :

14. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’université des Antilles la somme de 300 euros à verser à l’Unef au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCISION

Article 1er : La décision implicite née le 18 août 2018 par laquelle le président de l’université des Antilles a refusé de communiquer à l’Unef les procédés algorithmiques utilisés par l’université dans le cadre du traitement des candidatures d’entrée en licence via la plateforme Parcoursup, ainsi que le ou les codes sources correspondants est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à l’université des Antilles de communiquer à l’Unef les documents visés à l’article 1erpar la délivrance d’une copie sur un support identique à celui utilisé par l’administration ou compatible avec celui-ci et ce dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Article 3 : L’université des Antilles versera à l’Unef la somme de 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l’union nationale des étudiants de France et à l’université des Antilles. Copie en sera adressée à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.


Le Tribunal :
Stéphane Wegner (président), Mme Pater (rapporteur public), Arsénia Cétol (greffière), M-L Corneille (greffière en chef)

Source : guadeloupe.tribunal-administratif.fr

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.