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Jurisprudence : E-commerce

vendredi 10 avril 2009
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Tribunal de commerce de Bobigny 2ème chambre Jugement du 9 décembre 2008

Waves Audio / Axiome Studios

e-commerce

FAITS ET PROCEDURE

La société Waves Audio Ltd (ci-après désignée « Waves ») a pour activité la création et la distribution de logiciels à destination des professionnels du son et notamment des studios d’enregistrement. Plus spécifiquement, elle crée des plugins, composants logiciels qui viennent s’intégrer dans d’autres logiciels et leur ajoutent des effets acoustiques particuliers. Ainsi, la société Waves est titulaire de brevets enregistrés, l’un auprès de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle et l’autre auprès de l’Office Européen des Brevets.

La société Axiome Studios (ci-après désignée « Axiome ») a son siège social à Plessis Belleville (60330) mais elle exerce son activité de studio d’enregistrement dans des locaux situés à Montreuil (93). Dans le cadre de son activité, la société Axiome utilise un pack logiciel commercialisé par la société Waves.

Par ordonnance sur requête de Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny en date du 23 novembre 2007, la société Waves a fait procéder le 27 novembre 2007 a une saisie contrefaçon du pack logiciel Diamond TDR dans les locaux de la société Axiome après avoir constaté sur un ordinateur de la société qu’un logiciel dénommé « interlock@reset2 » était installé et dont les caractéristiques seraient de pirater les logiciels de la société Waves en brisant les verrous techniques limitant la durée d’utilisation des versions de démonstration disponibles sur le site internet www.waves.com.

C’est dans ces circonstances que ce Tribunal a été saisi du litige.

Par acte d’huissier du 11 décembre 2007 déposé en étude, la société Waves Audio Ltd assigne la société Axiome Studios à comparaître pour le 24 janvier 2008 devant le Tribunal de Commerce de Bobigny auquel il est demandé de :
– condamner la société Axiome Studios à payer à la société Waves Audio Ltd la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts,
– Ordonner à la société Axiome Studios de cesser toute utilisation illicite des plugins de la société Waves dans un délai de dix jours à compter de la signification de son jugement et ce, sous astreinte de 1000 € par jour de retard et par infraction constatée. – Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
– Condamner la société Axiome Studios à payer à la société Waves Audio Ltd la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du NCPC.
– Condamner la société Axiome Studios aux dépens.

[…]

MOYENS

Waves Audio fait valoir que :

Sur l’atteinte aux droits d’auteur de Waves Audio par Axiome Studios

– Aux termes des dispositions conjuguées des articles L112-1 et L112-2 du CPI, « les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire » sont protégés au titre du droit d’auteur. A ce titre, est un délit de contrefaçon la violation de l’un des droits de l’auteur d’un logiciel parmi lesquels figure notamment le droit de reproduction (Art. L335-3 du CPI).
– L’article L122-6 du CPI précise pour sa part que, dans la mesure où le chargement ou le stockage d’un logiciel nécessite une reproduction, de tels actes ne sont possibles qu’avec l’autorisation de l’auteur.
– La contrefaçon est ici constituée par le fait que les logiciels de démonstration étaient piratés moyennant l’utilisation d’un logiciel nommé interlok@reset2 qui permet de remettre zéro de façon permanente le décompte du logiciel de démonstration et ainsi de l’utiliser de façon pérenne.
– L’argumentation adverse selon laquelle le logiciel aurait été installé en version de démonstration le 25 novembre 2007 soit 2 jours avant la saisie contrefaçon permet de démontrer la contrefaçon car la fenêtre n’aurait pas affiché « 14 days (14 jours) » mais 12 jours, le décompte de validité s’effectuant tous les jours jusqu’à arriver à zéro.
– Le logiciel acheté par Axiome Studios le 8 décembre 2007 après une période de test n’est pas celui retrouvé lors de la saisie : pack Renaissance acquis pour la somme de 610 € alors que le pack Diamond TDM saisi coûte 5250 €. Par ailleurs, cet achat a été réalisé pour les besoins de la cause.

Sur les demandes en réparation

Waves Audio fait valoir qu’elle supporte chaque année de lourds investissements en recherche et développement pour créer et mettre à jour ses logiciels (soit environ 5 millions de dollars sur 10 ans) et qu’il convient de prendre en considération cet élément pour apprécier le montant du préjudice qu’elle subit (cass. Crim, 14 mai 1997, n° 96-82.278).

Axiome Studios expose principalement que :

Sur l’atteinte aux droits d’auteur de Waves Audio par Axiome Studios

– Le matériel sur lequel le logiciel était installé, objet de la saisie contrefaçon, est la propriété personnelle de M. Aurélien P. qui le prête gracieusement à la société et que cet ordinateur est utilisé par la clientèle d’Axiome Studios sans garde permanente de cette dernière. Ce fait à lui seul exclut la responsabilité d’Axiome.
– Le procès verbal de saisie contrefaçon du 27 novembre 2007 fait état de la présence d’un logiciel de démonstration installé le 25 novembre 2007 et valable 14 jours ce qui tend à prouver, que le logiciel était utilisé en toute légalité pendant la période des 14 jours d’évaluation.
– Elle ignore comment ce qui servirait à pirater le logiciel ou à « débloquer les verrous » a été installé sur l’ordinateur.
– Elle a fait l’acquisition en décembre 2007 auprès de Waves Audio d’un Pack logiciel intitulé Renaissance.

Sur les demandes en réparation

Elle expose que la demande n’est pas chiffrée (sic) et qu’elle représente plus de 5 fois le chiffre d’affaires de la société Axiome Studios. En conséquence, aucune indemnité ne serait due.

Elle se prévaut des dispositions de l’article L331-1-3 du Code de la Propriété Intellectuelle exposant ainsi :

« Pour fixer des dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisées par l’auteur de l’atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l’atteinte.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il porte atteinte ».

DISCUSSION

Connaissance prise du rapport du juge rapporteur et des pièces versées aux débats.

1. Sur la recevabilité

Attendu qu’il résulte de l’examen de l’acte introductif d’instance, que la demande a été régulièrement engagée et qu’elle doit dès lors être déclarée recevable ;

2. Sur l’atteinte aux droits d’auteur de la société Waves Audio Ltd par la société Axiome Studios

Attendu qu’en date du 27 novembre 2007, agissant en vertu d’une ordonnance sur requête du Président du TGI de Bobigny, la société Waves a fait procéder par huissier de Justice et en présence d’un expert informaticien, à une saisie contrefaçon d’un pack logiciel intitulé « Bundle Diamonds » ou encore Diamond TDM, dans les locaux de la société Axiome Studios situés à Montreuil ;

Attendu qu’il ressort de cette saisie, la présence au sein de l’ordinateur désigné comme servant pour les besoins des activités professionnelles de la société Axiome, de plugins audio téléchargés depuis le site internet de la société Waves en version «démo », ainsi qu’un programme informatique nommé « interlok@reset2 »,

Attendu qu’il résulte des documents produits aux débats, qu’au jour de l’installation de la version « démo », apparaît un compte à rebours journalier commençant par le nombre 14 et dont la signification est le nombre de jours restant à courir pour tester le logiciel, pour atteindre le chiffre zéro traduisant la fin de la période d’essai du produit, le rendant dès lors inexploitable,

Attendu qu’au jour de la saisie contrefaçon, soit 2 jours après la prétendue première l’installation des plugins par la société Axiome, le compte à rebours affichait le nombre 14 alors qu’il aurait dû indiquer 12 ; que ce faisant, il est vain pour la défenderesse de nier la provenance du logiciel « interlok@reset2 » dans l’ordinateur de la société et pour lequel il en a spécifiquement la garde, s’agissant d’un programme dont les spécificités sont reconnues à travers les forums internet comme étant capable de maintenir continuellement à 14 jours les versions de démonstration de plugins commercialisés par Waves et de pouvoir ainsi les utiliser sans limite dans le temps,

Qu’en agissant ainsi, en détenant un moyen -le fichier «interlok@reset »- dont le but est de neutraliser le dispositif technique mis en place par la société Waves pour protéger ses droits d’auteur sur ses logiciels, constitue un délit de contrefaçon au sens de l’article L335-3 du CPI.

3. Sur les réparations

Attendu que le demandeur dit avoir subi un préjudice à hauteur de 40 000 € calculé sur la base de ses nombreux investissements,

Attendu que ce montant n’est étayé par aucun document mais qu’il y a lieu néanmoins de prendre en considération le manque à gagner subi par la partie lésée,

Attendu que depuis la présente instance, la société Axiome a fait l’acquisition auprès de Waves Audio d’un pack Renaissance obtenu pour la somme de 610 € alors que le pack saisi contrefait utilisé par l’assignée était le pack Diamonds TDM, dont les fonctionnalités sont plus larges mais dont le prix d’acquisition divulgué est de 5250 €,

Qu’il y aura donc lieu en conséquence de prendre en compte ce manque à gagner, et en l’absence d’autres préjudices établis, le Tribunal accordera à Waves Audio la somme de 5250 € – 610 € soit 4640 €, et la déboutera du surplus.

4. Sur l’astreinte sollicitée

Attendu que depuis l’acquisition du Pack Renaissance par Axiome, aucun trouble n’est établi et qu’il conviendra de ne pas faire droit à cette demande.

5. Sur l’exécution provisoire

L’estimant nécessaire et compatible avec la nature de la présente affaire, il y aura lieu de l’ordonner sans constitution de garanties.

6. Sur la demande au titre de l’article 700 du CPC

Il est équitable d’accorder à la société Waves la somme de 100 € application de l’article 700 du CPC et la déboutera du surplus de sa demande.

7. Sur les dépens

Le Tribunal condamnera la société Axiome qui succombe, au paiement des dépens.

DECISION

Par ces motifs, le Tribunal, par jugement contradictoire, en premier ressort :

. Reçoit la société Waves Audio Ltd en sa demande, la dit partiellement fondée,

. Condamne la société Axiome Studios payer à la société Waves Audio Ltd la somme de 4640 € à titre de dommages et intérêts, déboute pour le surplus de la demande à ce titre,

. Condamne la société Axiome Studios à payer à la société Waves Audio Ltd la somme de 1000 € en application de l’article 700 du CPC,

. Ordonne l’exécution provisoire, du présent jugement sans constitution de garantie,

. Condamne la société Axiome au paiement des dépens,

. Liquide les dépens.

Le tribunal : Mme N. Veron (président), MM. D. Adda et D. Rollet (juges)

Avocat : Me Nathalie Chemla

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.