Jurisprudence : Jurisprudences
Tribunal de commerce de Paris, 3e ch., jugement du 25 mai 2023
Socateb et Cie, Galerie de l'Échaudé / GoWork
avis - dénigrement - incitation au dénigrement - plateforme
1. La SASU Socateb et Cie a une activité de construction et d’aménagement de second-œuvre ; la SARL Galerie de l’Échaudé exploite une galerie d’art ; les 2 entreprises ont les mêmes actionnaires et le même dirigeant, M. Patrick V., directeur général délégué de Socateb et gérant de Galerie de l’Échaudé, qui n’est pas dans la cause. Elles seront ci-après désignées Socateb.
2. La société Gowork.FR Sp.zoo, de droit polonais, exploite un site web Gowork.FR sur lequel les internautes peuvent déposer des avis anonymes.
3. Le 09 mars 2022, Socateb fait établir un constat d’huissier relevant la présence sur le site de Gowork de fiches d’avis la concernant, ainsi que Galerie de l’Échaudé ; Socateb considère que ces fiches portent préjudice à sa communication et à son image, car elles affichent des avis anonymes non vérifiés, associés à des publicités contestables.
4. Socateb met en demeure Gowork, par lettre recommandée avec accusé de réception de son conseil du 11 mars 2022 de retirer de son site ces fiches, et de lui communiquer les coordonnées de son prestataire d’hébergement.
5. Gowork ayant répondu négativement par un courriel signé de son « Service clients » le 15 mars 2022, c’est donc dans ces conditions que Socateb engage la présente instance à l’encontre de Gowork.
6. Par la suite, le site litigieux est hébergé, selon Socateb, par la société de droit polonais Gowork.ES Sp.zoo, qui n’est pas dans la cause, et, selon Gowork, par la société IQ PL Sp. z o.o., ul. Geodetéw 16, 80- 298 Gdansk https://www.iq.pl/kontakt, qui n’est pas dans la cause.
Procédure
7. Par acte extrajudiciaire du 23 mai 2022 signifié selon les dispositions de l’article 684 CPC et du règlement CE n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007, Socateb assigne Gowork, et à l’audience du 18 janvier 2023, demande au tribunal :
a) D’enjoindre à Gowork et Gowork.ES in solidum, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de retirer les fiches Socateb et Galerie de l’Échaudé du site Gowork.fr, et d’en demander le déréférencement auprès des moteurs de recherche;
b) Subsidiairement, de surveiller lesdites fiches et de prévenir toute réapparition de contenu illicite, subsidiairement de supprimer tous les avis ; subsidiairement supprimer tous avis signalés comme dénigrants ;
c) De condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur:
• La somme de 5 000 euros pour son préjudice moral au titre de l’incitation au dénigrement et non-respect des obligations de transparence incombant aux plateformes de collecte d’avis ;
• La somme de 5 000 euros pour préjudice moral pour non retrait des propos dénigrants ;
• La somme de 5 000 euros pour son préjudice moral au titre du parasitisme ;
• La somme de 5 000 euros pour préjudice moral pour incitation à l’atteinte au secret des affaires et à la vie privée des personnes morales ;
• La somme de 5 000 euros pour préjudice moral au titre de la non mention de l’hébergeur sur le site Gowork.fr à la date de l’assignation ;
• La somme de 5 000 euros pour préjudice moral au titre du chantage à l’image ;
• La somme de 5 000 euros pour préjudice moral pour complicité d’utilisation frauduleuse de données personnelles ;
d) De condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile couvrant les frais irrépétibles, et aux dépens ;
Subsidiairement, si les demandeurs étaient condamnés à verser à Gowork ou Gowork.ES des condamnations pécuniaires,
e) Ne pas prononcer l’exécution provisoire, et, subsidiairement, leurs (sic) accorder un délai de paiement de deux ans et une mise sous séquestre français, à la CARPA des avocats (sic), desdites condamnations, jusqu’à décision définitive.
8. Gowork, à l’audience du 15 février 2023, demande au tribunal de :
Vu l’article 1240 du Code civil,
Vu le Code de la Consommation,
a) DEBOUTER PUREMENT ET SIMPLEMENT la société Socateb ET CIE et la société Galerie de l’Échaudé de l’ensemble de leurs demandes et prétentions formulées à l’encontre de la société Gowork. FR ;
b) CONDAMNER la société Socateb ET CIE et la société Galerie de l’Échaudé, solidairement, payer à la société Gowork.FR la somme de 7 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du CPC et les entiers dépens.
9. L’ensemble de ces demandes a fait l’objet du dépôt d’écritures ; celles-ci ont été échangées en présence d’un greffier qui en a pris acte sur la cote de procédure.
10. Les parties régulièrement convoquées à l’audience du 05 avril 2023 sont présentes par leurs conseils ; après les avoir entendues en leurs explications et observations, le juge chargé d’instruire l’affaire clôt les débats, met l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 mai 2023, ce dont les parties ont été avisées en application de l’article 450, alinéa 2 du code de procédure civile.
Moyens des parties
11. Après avoir pris connaissance de tous les moyens et arguments développés par les parties dans leurs écritures, le tribunal les résumera succinctement de la manière suivante. Ils seront plus amplement développés en même temps qu’ils seront discutés.
12. En demande, Socateb fait valoir que :
a) Gowork lui porte un double préjudice : un préjudice d’image et un effet de parasitisme ;
b) Gowork est coupable de pratiques trompeuses car elle publie des avis d’utilisateurs non vérifiés et associe le nom d’entreprises victimes avec des publicités sans rapport avec leur activité ;
c) Gowork incite les salariés à la déloyauté ;
d) Contrairement à ses allégations, Gowork a un rôle d’éditeur ; elle est responsables des contenus qu’elle publie ;
e) Gowork s’efforce de limiter sa responsabilité envers les « utilisateurs » mais elle ne peut le faire vis-à-vis de tiers qui n’ont pas accepté ses conditions générales d’utilisation ;
f) Gowork enfreint la réglementation relative au droit de réponse et à l’information sur la qualité des avis – qui doit être apparente et immédiate ;
g) L’anonymat des utilisateurs de Gowork ne permet pas aux entreprises victimes de dénigrement de répondre de manière circonstanciée aux avis négatifs ;
h) Gowork commet des actes de parasitisme car elle n’obtient du trafic que par les avis – de préférence négatifs – qu’elle suscite en abusant du nom des entreprises qu’elle recense ;
i) Le préjudice d’image et le parasitisme causent à Socateb des dommages qui appellent réparation ;
j) Contrairement aux affirmations de Gowork, celle-ci peut agir sur le déréférencement des fiches de Socateb.
13. En défense, Gowork réplique :
a) Qu’elle est bien avertie de la réglementation concernant les plateformes d’avis anonymes et des dispositions du code de la consommation ;
b) Que ses conditions générales d’utilisation sont conformes à ces exigences ;
c) Que les utilisateurs de sa plateforme doivent prendre connaissance de ces CGU et s’engagent à les respecter ;
d) Que le caractère non modéré des avis est indiqué clairement ;
e) Qu’elle n’est pas responsable des contenus et n’effectue aucun contrôle a priori ;
f) Qu’elle effectue un contrôle a posteriori et remplit ses obligations de suppression des contenus diffamatoires, raciste etc. ;
g) Que les entreprises objet d’une fiche disposent d’un droit de réponse ;
h) Qu’elle ne collecte que les adresses IP – se conformant ainsi aux exigences indiquées plus haut, donc qu’elle n’est ni tenue ni en mesure de communiquer l’identité des utilisateurs à Socateb ;
i) Qu’en réponse aux questions de Socateb, elle fournit les coordonnées de son hébergeur ;
j) Que Socateb ne démontre pas le préjudice dont elle aurait souffert, ni la justification économique des dommages-intérêts qu’elle réclame.
DISCUSSION
Sur la loi applicable
14. Les parties s’appuyant pour faire valoir leurs droits sur les articles du code civil français, du code de commerce et du code de la consommation, le tribunal dira que la loi applicable est la loi française ;
Sur les demandes de Socateb
15. Le code de la consommation dispose :
a) A l’article L111-7-2 : « Sans préjudice des obligations d’information prévues à l’article 19 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et aux articles L. 111-7 et L. 111-7-1 du présent code, toute personne physique ou morale dont l’activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, à modérer ou à diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs est tenue de délivrer aux utilisateurs une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis mis en ligne. Elle précise si ces avis font ou non l’objet d’un contrôle et, si tel est le cas, elle indique les caractéristiques principales du contrôle mis en œuvre. Elle affiche la date de l’avis et ses éventuel/es mises à jour. Elle indique aux consommateurs dont l’avis en ligne n’a pas été publié les raisons qui justifient son rejet. Elle met en place une fonctionnalité gratuite qui permet aux responsables des produits ou des services faisant l’objet d’un avis en ligne de lui signaler un doute sur l’authenticité de cet avis, à condition que ce signalement soit motivé. » ;
b) A l’article D111-16 : « Pour l’application des dispositions de l’article L. 111-7-2, un avis en ligne s’entend de l’expression de l’opinion d’un consommateur sur son expérience de consommation grâce à tout élément d’appréciation, qu’il soit qualitatif ou quantitatif L’expérience de consommation s’entend que le consommateur ait ou non acheté le bien ou le service pour lequel il dépose un avis. Ne sont pas considérés comme des avis en ligne au sens de l’article L. 111- 7-2, les parrainages d’utilisateurs, les recommandations par des utilisateurs d’avis en ligne, ainsi que les avis d’experts. » ;
c) A l’article D111-18 : « Lorsque la personne exerçant l’activité mentionnée à l’article L. 111-7-2 exerce un contrôle sur les avis, elle veille à ce que les traitements de données à caractère personnel réalisés dans ce cadre soient conformes à la loin° 78-17 du 6janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée et précise dans la rubrique prévue au 2° de l’article O. 111-17 : 1° Les caractéristiques principales du contrôle des avis au moment de leur collecte, de leur modération ou de leur diffusion ; 2° La possibilité, le cas échéant, de contacter le consommateur auteur de l’avis ; 3° La possibilité ou non de modifier un avis et, le cas échéant, les modalités de modification de l’avis ; 4° Les motifs justifiant un refus de publication de l’avis. » ;
Sur la demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour son préjudice moral au titre de l’incitation au dénigrement et non-respect des obligations de transparence incombant aux plateformes de collecte d’avis
16. Le tribunal constate que la reprise de l’information sur l’identité des sociétés lors de la création de leur fiche par Gowork : raison sociale, numéro d’inscription RCS, adresse et autres, n’est pas illicite, dès lors que ces données sont publiques, que toute société commerciale se doit de les porter à la connaissance des tiers, dont ses clients et ses fournisseurs, sur ses factures, bons de commande etc., et que d’une manière générale, outre le registre du commerce, elles sont librement accessibles sur le site de l’INPI et d’autres sites, marchands ou non ;
17. Le tribunal constate aussi que la collecte d’avis anonymes et leur mise en ligne à destination du public français exercée par Gowork n’est pas illicite ; qu’elle est régie par les articles du code de la consommation précités ;
18. Dès lors, il conviendra d’examiner chacune des exigences posées par le législateur et leur respect par Gowork ;
Quant au contrôle des avis au moment de leur collecte et l’information du consommateur
19. Les Conditions générales d’utilisation (ou CGU) du site Gowork mentionnent à plusieurs reprises que le contrôle des avis n’est fait qu’a posteriori (pages 4 et 6 de la pièce n°06 de Gowork) ; ce point figure aussi dans la pièce n°02 de Gowork ;
20. Toutefois, bien que cette information figure dans les CGU, et apparaisse en bas d’écrans successifs, en dessous des fiches, la mention « avis vérifié » ou « avis non vérifié » n’y figure pas explicitement ;
21. Elle n’est pas suffisamment apparente pour un consommateur peu attentif qui consulterait rapidement le site, et qui peut être induit en erreur ;
22. Le tribunal dit que l’information fournie par Gowork sur le type d’avis qu’elle publie, sur leur nature non vérifiée, leur caractère anonyme ne satisfait pas les conditions de l’article L117-7-2 du code de la consommation cité en §15 ci-dessus ;
Quant à la possibilité de contacter le cas échéant le consommateur auteur de l’avis
23. Gowork affirme que les avis sont par principe anonymes, et le rappelle à plusieurs reprises tant sur les pages du site que dans ses CGU (pièce n°06 de Gowork).
24. Toutefois, Gowork déclare disposer de l’adresse IP des auteurs des avis mais, ces données étant des données personnelles, elles ne peuvent être communiqués librement aux professionnels, sauf en cas d’injonction d’une autorité judiciaire.
25. Le tribunal dit que, ce faisant, Gowork satisfait la condition posée par l’article 0111-18 du code de la consommation cité en §15 ci-dessus ;
Quant à la possibilité donnée – ou non – de modifier un avis
26. Gowork indique dans ses conditions générales d’utilisation (pièce n°06 de Gowork, en page 9), la faculté pour le titulaire d’une fiche de répondre aux avis laissés le concernant. Elle lui permet à la fois d’apporter des précisions, de donner sa version des faits ou même de remercier l’auteur de l’avis ;
27. Il y a également possibilité pour le titulaire d’une fiche dit « le Professionnel» de faire une demande à Gowork.FR d’un contrôle a posteriori ;
28. Le tribunal dit que, ce faisant, Gowork satisfait la condition posée par l’article L117- 7-2 du code de la consommation cité en §15 ci-dessus ;
Quant à l’indication des motifs pouvant justifier un refus de publication de l’avis
29. Gowork indique dans ses CGU (page 7 de la pièce n°06 de Gowork) les différents motifs justifiant un rejet de publication d’un avis ; cela comprend notamment les caractères injurieux et grossiers des avis, un commentaire inapproprié, si un avis contient des informations personnelles sur des personnes non publiques ;
30. Le tribunal dit que, ce faisant, Gowork satisfait la condition posée par l’article L117-7-2 du code de la consommation cité en §15 ci-dessus ;
Quant au dénigrement allégué par Socateb
31. L’article L 120-1 du code de commerce dispose: « Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. » et la doctrine a précisé que le dénigrement constitutif de concurrence déloyale consiste à jeter publiquement le discrédit sur la personnalité, les produits ou les prix de l’entreprise concurrente ;
32. Socateb, à qui incombe la charge de la preuve, ne caractérise pas le dénigrement dont Gowork serait fautive, et qui aurait entraîné pour elle une perte de clientèle, d’où une baisse de son chiffre d’affaires ou de sa marge ;
33. Cependant, le tribunal relève que les avis déposés ne sont pas regroupés par catégorie, par exemple clients, salariés, fournisseur etc. ; que Gowork, qui dit publier les avis de collaborateurs d’une entreprise, ne fournit pas à l’internaute qui consulte son site des indications plus précises à cet égard ; que la consultation de la fiche d’une entreprise amène des avis et des publicités dont le caractère non, pertinent voire « farfelu » comme l’ont remarqué plusieurs observateurs cités au dossier, est manifeste ;
34. Socateb produit (ses pièce n°01 et 04, constats d’huissier des 09 mars et 23 décembre 2022) des critiques sur le site Gowork, notamment :
• « anonyme2021-12-10 16:26Date de l’expérience: 2021-12-10 Je me permets de rebondir sur ce problème car Gowork à l’air d’un site (supprimé par l’administrateur) … Mon entreprise est aussi dessus alors que nous n’avons donnés aucun accord avec des candidats « fantôme » et des avis écrit digne de robots informatique … Cela n’est pas tolérable de nos jours surtout avec la puissance d’internet. » ;
• « Anonyme 16942021-12-06 11:20Date de l’expérience: 2021-12-06 Gowork, site peu scrupuleux, non fiable, hors la loi. Société Polonaise » ;
35. Socateb produit (ses pièce n°01 et 04, constats d’huissier des 09 mars et 23 décembre 2022) des exemples d’avis tels :
• « nom d’utilisateur supprimé2022-07-13 23:24Date de l’expérience: 2022-07- 13 a mourir de rire go work j’étais auto entrepreneur jusqu’en2013 environ , j’ai du reste fait une demande en Amérique pour effacer cette (supprimé par l’administrateur) qu’est l’auto entrepreneur c’est ingérable , vous voulez s’avoir combien je gagnait par jour 85 euros et ticket pour manger de resta j’ai honte pavillon sou bois n’a jamais été la domiciliation de mr Valente’ Patrick . par contres répondu au courrier de l’huissier ,? » ;
• « anonyme2022-09-06 22:54 @phil78 tu n’as pas honte (supprimé par l’administrateur) , prend un peu l’air et apprend que tu t’es trompé de société , salle RACISTE. » ;
• « Pour Albert À qui c’est tiré la langue chez leq imbéciles et oui les américains ont du chemin à faire..</ » ;
• « Peinture /on retire tout tout2022-10-08 11:27Date de l’expérience: 2022-10- 08 @phil78/Composition/Formule qui fait disparaître les champignons. » ;
• « actualités2021-12-17 14:51 : Comment orienter son lit en fonction du feng shui pour bien dorir ? Nous savons tous qu’une bonne nuit de sommeil est une partie importante de notre vie. Afin de dormir suffisamment, notre lit doit être placé au bon endroit, conformément aux principes du feng shui. À quoi faut-il faire attention ? Il est recommandé de mettre l’appui-tête contre le mur pour se sentir en sécurité. Ne placez pas le lit juste à côté d’une fenêtre ou à côté d’une porte, car cela pourrait avoir un effet négatif sur le flux d’énergie. » ;
• « un algo humain2021-12-19 11:26Date de l’expérience: 2021-12-19 ici , gowork crois du verbe croire ,que diviser pour mieux régner estEn politique et en sociologie, diviser pour régner (du latin divide et impera) est une stratégie visant à semer la discorde et à opposer les éléments d’un tout pour les affaiblir et à user de son pouvoir pour les influencer. » ;
• « Buzz2021-12-20 17:08Date de l’expérience: 2021-12-20 algo-trading permet agir selon une stratégie préalablement définie. Ainsi, tous les aspects psychologiques liés à la peur de perdre. » ;
36. De sorte que la manière dont Gowork exerce son activité nécessite pour les demanderesses, soucieuses de leur image, une surveillance constante du site Gowork pour y déceler les avis inappropriés, et les corriger ou en demander le retrait ;
37. Le préjudice pour les demandeurs ne vient pas de la mise en ligne des avis anonymes, dont Socateb peut demander la correction ou la suppression, mais de la nécessité pour elle d’éviter l’association à des publicités sans cohérence avec l’activité et l’image de l’entreprise, qui ne peuvent que nuire à celle-ci ;
38. Le tribunal en déduit que la manière dont Gowork se rémunère, par le biais d’annonces non contrôlées et vérifiées associées à des publicités non ciblées, fait peser sur Socateb une charge, d’où un préjudice ;
39. Le tribunal, au vu des éléments dont il dispose, fixera à 2 000 euros le préjudice subi par chacune des demanderesses, Socateb et Galerie de l’Échaudé ; il dit qu’il n’y a lieu à condamner Gowork ES, qui n’a pas été attrait dans la cause bien que Socateb évoqué cette éventualité dans ses écritures ;
40. En conséquence, le tribunal condamnera Gowork à verser à Socateb et Galerie de l’Échaudé la somme de 2 000 euros chacune pour son préjudice moral au titre de l’incitation au dénigrement et non-respect des obligations de transparence incombant aux plateformes de collecte d’avis, déboutant pour le surplus ;
Quant à la demande de retrait des fiches Socateb et Galerie de l’Échaudé et leur déréférencement auprès des moteurs de recherche
41. Le tribunal relève que les conditions générales d’utilisation du site de Gowork permettent déjà à Socateb et Galerie de l’Échaudé de signaler à Gowork les avis qu’elles considèrent comme dénigrants et d’en demander le retrait ;
42. La création de fiches au nom de Socateb et Galerie de l’Échaudé par Gowork, qui exerce une activité dont il a été rappelé qu’elle n’est pas illicite, relève de la liberté du commerce ;
43. Il n’y a donc pas lieu d’ordonner à Gowork de retirer de son site les fiches de Socateb et Galerie de l’Échaudé, ni d’ordonner leur déréférencement auprès des moteurs de recherche ;
44. De même, il n’y aura lieu à statuer sur la demande subsidiaire de surveiller lesdites fiches et de prévenir toute réapparition de contenu illicite, subsidiairement de supprimer tous les avis ; subsidiairement supprimer tous avis signalés comme dénigrants ;
45. En conséquence, le tribunal déboutera Socateb et Galerie de l’Échaudé de leurs demandes de ce chef, tant principale que subsidiaire ;
Quant à la demande de condamner Gowork et Gowork. ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour préjudice moral pour non retrait des propos dénigrants
46. Socateb reproche à Gowork son refus de retrait d’avis qu’elle considère comme dénigrants ;
47. Les CGU de Gowork prévoient le retrait de tout avis ayant un caractère injurieux ou grossier (pièce n°06 de Gowork) ;
48. Cependant, la détermination du caractère dénigrant est laissée à la libre appréciation de la modération de Gowork ; Socateb ne peut dès lors exiger le retrait de ces avis sans en apporter la justification ;
49. Comme souligné par Gowork, les avis cités par Socateb sont des avis négatifs contenant des critiques du travail de Socateb; ces propos, bien qu’étant rédigés dans une écriture familière et non littéraire, ne constituent pas des avis injurieux et relèvent de la liberté d’expression et d’opinion de leurs auteurs, tels :
• « phil782022-09-06 08:48Date de l’expérience: 2022-07-20 Cette société qui a été choisi par le syndic de l’immeuble nous a causer pleins de problème et ils doivent encore revenir. » ;
• « phil2022-09-15 18:56Date de l’expérience: 2022-09-15 Cette société se sont des incapables ils sont venu faire le ravalement mais ils ne savent pas travailler. attention travailleurs étranger sans expérience ils ont fais n’importe quoi et en plus ils nous ont fais pleins de problèmes les finitions. » ;
50. Socateb n’apporte pas d’éléments démontrant que ces avis qu’elle juge dénigrants lui aient causé un préjudice moral donnant droit à réparation ;
51. Socateb, à qui incombe la charge de la preuve, ne caractérise pas le dénigrement dont Gowork serait fautive, et qui aurait entraîné pour elle une perte de clientèle, d’où une baisse de son chiffre d’affaires ou de sa marge ;
52. En conséquence, le tribunal la déboutera de sa demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour préjudice moral pour non retrait des propos dénigrants ;
Quant à la demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour préjudice moral au titre du parasitisme
53. La jurisprudence définit le parasitisme comme un comportement par lequel un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ;
54. Socateb ne justifie pas être un acteur majeur de la vente de publicité sur internet ni avoir investi des sommes importantes dans ce domaine, ni à quel titre les recettes que Gowork tirerait de la vente de publicités sur les fiches Socateb et Galerie de l’Échaudé correspondraient à des recettes manquées pour ces 2 entités ;
55. Le tribunal dit que Socateb, à qui incombe la charge de la preuve, échoue à démontrer le parasitisme qu’elle allègue à l’encontre de Gowork ;
56. En conséquence il la déboutera de sa demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour préjudice moral au titre du parasitisme ;
Quant à la demande de condamner Gowork et Gowork. ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour préjudice moral pour incitation à l’atteinte au secret des affaires et à la vie privée des personnes morales
57. Le code de commerce dispose, à l’article L151-4, que : « L’obtention d’un secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et qu’elle résulte : 1 ° D’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d’une appropriation ou d’une copie non autorisée de ces éléments ; 2° De tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale. », et, à l’article L152-3 : « I. – Dans le cadre d’une action relative à la prévention ou la cessation d’une atteinte à un secret des affaires, la juridiction peut, sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts, prescrire, y compris sous astreinte, toute mesure proportionnée de nature à empêcher ou à faire cesser une telle atteinte. Elle peut notamment : 1° Interdire la réalisation ou la poursuite des actes d’utilisation ou de divulgation d’un secret des affaires ; 2° Interdire les actes de production, d’offre, de mise sur le marché ou d’utilisation des produits résultant de manière significative de l’atteinte au secret des affaires ou l’importation, l’exportation ou le stockage de tels produits à ces fins ; 3° Ordonner la destruction totale ou partielle de tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique contenant le secret des affaires concerné ou dont il peut être déduit ou, selon Je cas, ordonner leur remise totale ou partielle au demandeur. II.- La juridiction peut également ordonner que les produits résultant de manière significative de l’atteinte au secret des affaires soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, modifiés afin de supprimer l’atteinte au secret des affaires, détruits ou, selon le cas, confisqués au profit de la partie lésée. III.- Lorsque la juridiction limite la durée des mesures mentionnées aux 1° et 2° du I, la durée fixée doit être suffisante pour éliminer tout avantage commercial ou économique que l’auteur de l’atteinte au secret des affaires aurait pu tirer de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation illicite du secret des affaires. IV.- Sauf circonstances particulières et sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient être réclamés, les mesures mentionnées aux I à III sont ordonnées aux frais de l’auteur de l’atteinte. Il peut y être mis fin à la demande de l’auteur de l’atteinte lorsque les informations concernées ne peuvent plus être qualifiées de secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 pour des raisons qui ne dépendent pas, directement ou indirectement, de lui. » ;
58. Socateb soutient que Gowork incite les salariés à violer le secret des affaires et, ce faisant, va contre les dispositions des articles du code de commerce cités ci dessus ;
59. Le tribunal constate que Socateb, à qui incombe la charge de la preuve, n’apporte aucun document ni pièce exposant, d’une part la nature du secret des affaires la concernant qui auraient été violé par Gowork, d’autre part le préjudice qui en a résulté ou qui pourrait en résulter pour elle ;
60. Le tribunal a vu que les informations concernant Socateb et Galerie de l’Échaudé en tant que personnes morales, et publiées par Gowork sur leur fiche, sont déjà librement accessibles notamment sur les registres du commerce tenu par les greffes ou sur le site de l’INPI voire d’autres sites ;
61. Le tribunal a dit que, dans le cas de Socateb et Galerie de l’Échaudé comme de toutes les sociétés commerciales, ce sont elles-mêmes qui publient ces informations, se conformant aux obligations légales ; dès lors, il ne peut y avoir violation de la vie privée des personnes morales ;
62. En conséquence, le tribunal déboutera Socateb et Galerie de l’Échaudé de leur demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum à verser à chaque demandeur 5 000 euros au titre de l’incitation à l’atteinte au secret des affaires et à la vie privée des personnes morales ;
Quant à la demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros au titre de la non-mention de l’hébergeur sur le site gowork.fr à la date de l’assignation ;
63. La loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dispose que les coordonnées de l’hébergeur d’un site doivent être communiquées, ce qui, selon Socateb, n’était pas le cas pour le site Gowork à la date de l’assignation, peu important que Gowork ait satisfait ultérieurement à cette demande;
64. Socateb, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas le préjudice que ce non-respect de la réglementation lui aurait causé ou lui cause ;
65. En conséquence, le tribunal déboutera Socateb de sa demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros au titre de la non-mention de l’hébergeur sur le site gowork.fr à la date de l’assignation ;
Quant à la demande de condamner Gowork et Gowork. ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour préjudice moral au titre du chantage à l’image
66. Tant dans ses écritures qu’à l’audience, Socateb renvoie aux publicités accompagnant les fiches, et inadéquates – selon elles ; elle soutient qu’il est nécessaire de souscrire à l’abonnement « PREMIUM » de Gowork pour être pleinement en mesure de détecter les faux avis, les publicités inadéquates et de répliquer ; qu’il s’agit là d’un véritable chantage, d’où un préjudice moral qui appelle indemnisation ;
67. Le tribunal a déjà dit, au§ 28, que les entreprises dont les fiches sont mises en ligne par Gowork disposent, aux termes des conditions générales d’utilisation de celle ci, d’un droit de rectification et de demande de retrait des avis ; que ce droit peut être exercé gratuitement ; que, ce faisant, Gowork satisfait la condition posée par l’article L117-7-2 du code de la consommation cité en §15 ci-dessus;
68. Le tribunal constate que Socateb, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas le chantage à l’image ;
69. En conséquence, il la déboutera de sa demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour préjudice moral au titre du chantage à l’image ;
Quant à la demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour préjudice moral pour complicité d’utilisation frauduleuse de données personnelles
70. Socateb, à qui incombe la charge de la preuve, ne cite aucune donnée personnelle dont Gowork aurait permis, indirectement ou directement, une utilisation frauduleuse, et n’apporte aucun élément en soutien de cette prétention ;
71. En conséquence, le tribunal déboutera Socateb et Galerie de l’Échaudé de leur demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque 5 000 euros pour préjudice moral pour complicité d’utilisation frauduleuse de données personnelles ;
Sur les dépens et l’article 700 CPC
72. Socateb et Galerie de l’Échaudé ont dû, pour faire valoir leurs droits, engager des frais non compris dans les dépens ;
73. En conséquence, le tribunal condamnera Gowork à verser à chaque demandeur la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus, ainsi qu’aux dépens ;
DECISION
74. Le tribunal statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire :
a) Condamne la société Gowork.FR Sp.zoo, de droit polonais à verser à la SAS Socateb et Cie et la SARL la Galerie de l’Échaudé chacune la somme de 2 000 euros pour son préjudice moral au titre de l’incitation au dénigrement et non-respect des obligations de transparence incombant aux plateformes de collecte d’avis ;
b) Déboute la SAS Socateb et Cie et la SARL la Galerie de l’Échaudé de leur demande d’enjoindre à Gowork et Gowork.ES in solidum, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de retirer les fiches Socateb et Galerie de l’Échaudé du site Gowork.fr, et d’en demander le déréférencement auprès des moteurs de recherche ;
c) Déboute la SAS Socateb et Cie et la SARL la Galerie de l’Échaudé de leur demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour préjudice moral pour non retrait des propos dénigrants ;
d) Déboute la SAS SOCATES et Cie et la SARL la Galerie de l’Échaudé de leur demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour son préjudice moral au titre du parasitisme ;
e) Déboute la SAS Socateb et Cie et la SARL la Galerie de l’Échaudé de leur demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour préjudice moral pour incitation à l’atteinte au secret des affaires et à la vie privée des personnes morales ;
f) Déboute la SAS Socateb et Cie et la SARL la Galerie de l’Échaudé de leur demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour préjudice moral au titre de la non-mention de l’hébergeur sur le site Gowork.fr à la date de l’assignation ;
g) Déboute la SAS Socateb et Cie et la SARL la Galerie de l’Échaudé de leur demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour préjudice moral au titre du chantage à l’image ;
h) Déboute la SAS Socateb et Cie et la SARL la Galerie de l’Échaudé de leur demande de condamner Gowork et Gowork.ES in solidum, à verser à chaque demandeur la somme de 5 000 euros pour préjudice moral pour complicité d’utilisation frauduleuse de données personnelles ;
i) Condamne la société Gowork.FR Sp.zoo, de droit polonais, à verser à la SAS Socateb et Cie et la SARL la Galerie de l’Échaudé chacune la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
j) Rejette les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;
k) Condamne la société Gowork.FR Sp.zoo, de droit aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.
Le Tribunal : Olivier Brossollet, Olivier Veyrier, Maxime Goldberg (juges), Catherine Soyez (greffier)
Avocats : Me Pierre de Roquefeuil, Selarl Schermann Masselin, Me Marta Bledniak, Me Anne Daumas
Source : Legalis.net
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