Jurisprudence : Contenus illicites
Tribunal de commerce de Paris 8ème chambre Jugement du 2 novembre 2005
KBC Lease France / DMS / Normaction
contenus illicites - licence d'utilisation - logiciel - salarié - site internet - virus
FAITS
Le 24 novembre 2003 DMS a signé avec Normaction un contrat de service n°1126 lui donnant accès au réseau de télécommunications sur deux lignes en présélection.
Le même jour les parties ont signé un contrat d’adhésion prévoyant la fourniture du service «action back-up» permettant de sauvegarder les données informatiques sur un serveur distant, et prévoyant dans ses conditions particulières une «action antivirus». Sur le même imprimé apparaît un contrat de location évolutive signé uniquement par DMS prévoyant dans ses conditions particulières : description des équipements la seule indication «action antivirus».
Le même jour les parties ont signé un contrat de location évolutive sur un imprimé semblable au précédent prévoyant dans ses conditions particulières : description des équipements la seule indication «Back-up IBM Tivoli storage manager». A ce contrat est attaché un acte de cession des équipements de ce contrat par lequel Normaction, loueur, transfère à KBC, cessionnaire, ledit contrat de location évolutive, transfert accepté par DMS, locataire.
DMS voyant son système informatique infesté par des virus et rencontrant des difficultés avec le matériel installé, sans obtenir que Normaction y porte remède, a résilié le contrat de sauvegarde par LRAR du 6 janvier 2004 et cessé de payer les loyers contractuels à KBC à partir d’avril 2004.
PROCEDURE
Le 11 octobre 2004, KBC assigne DMS pour le voir condamné à lui payer 9801,29 € avec ITL à compter de l’assignation et anatocisme, majorés de 1000 € au titre de l’article 700 du ncpc, à restituer le matériel loué sous astreinte de 155 € par jour à compter du troisième jour suivant la signification du jugement, exécution provisoire et dépens requis. Elle confirme ces demandes dans ses conclusions du 18 mai 2005.
Le 30 novembre 2004, DMS assigne Normaction pour voir constater la résiliation du contrat et la voir condamnée à payer 9801,29 € à KBC majorés de 1000 € au titre de l’article 700 du ncpc, à restituer le matériel loué sous astreinte de 155 € par jour à compter du troisième jour suivant la signification du jugement, exécution provisoire et dépens requis. Dans ses conclusions du 9 mars 2005, il demande de condamner Normaction à le garantir de toute condamnation, ainsi qu’à lui payer 3348,80 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice et 1500 € au titre de l’article 700 du ncpc.
Dans ses conclusions du 9 mars 2005, Normaction demande de débouter DMS de toutes ses demandes et, à titre reconventionnel, de le condamner à lui payer 166,79 € au titre de deux factures téléphoniques et 7271,68 € au titre du contrat antivirus avec ITL à compter du 23 septembre 2004, date de la mise en demeure, majorés de 5000 € au titre de l’article 700 du ncpc.
Le juge rapporteur a entendu les parties à son audience du 28 septembre 2005 et y a clos les débats.
MOYENS
KBC expose que DMS a pris à bail un matériel de sauvegarde «action back-up» qu’il a choisi auprès de Normaction, fournisseur. Un acte écrit matérialise le contrat de location intervenu entre DMS et KBC qui lui a été cédé par Normaction (sic). Le PV de réception a été signé sans réserve. En ne réglant pas les mensualités prévues, malgré mise en demeure, DMS est responsable de la résiliation du contrat le liant à KBC et doit être condamné à lui verser les sommes contractuellement dues.
DMS expose que dès le début du contrat conclu avec Normaction elle a rencontré des difficultés de fonctionnement du matériel fourni et que Normaction n’a pu y remédier. Ceci l’a conduit à résilier le contrat et à présenter une facture de 3348,80 € correspondant au préjudice financier subi.
Normaction expose que DMS est à l’origine du dysfonctionnement de l’antivirus. Les virus présents sur son système proviennent de téléchargement divers, dont certains illégaux, et de connexion sur des sites non protégés. Le système de protection a fonctionné mais n’a pu éradiquer les très nombreux virus qui ont atteint le disque dur. Les ordinateurs de bureau ne doivent pas être utilisés à des fins autres que professionnelles (jeux, téléchargement de musique et de DVD) car ces sites infestent les ordinateurs. En ce qui concerne la sauvegarde des données, DMS n’a pas fourni la moindre explication sur le dysfonctionnement. Son installation nécessitait un fonctionnement manuel qu’elle n’indique pas avoir activé.
DMS seule responsable des dysfonctionnements est donc mal fondé dans son action.
DISCUSSION
Jonction
Les deux instances se rapportent aux mêmes faits. Le tribunal ordonnera leur jonction.
Contrat de service téléphonique
Le contrat de service téléphonique est sans lien avec les autres contrats. DMS qui ne fait état d’aucune difficulté dans son exécution reste redevable de 166,79 €. II sera condamné à les payer à Normaction avec ITL à compter de la mise en demeure du 23 septembre 2004.
Relations entre les contrats concernant les actions sauvegarde et antivirus
Le contrat d’adhésion prévoit la fourniture par Normaction à DMS d’une sauvegarde (action back-up) et d’une action antivirus. Le contrat de location évolutive concernant l’action antivirus, faisant partie de la même liasse n’a été signé que par DMS ; le tribunal constate donc qu’il n’a pas d’existence et que seuls Normaction et DMS sont concernés par l’action antivirus.
Le contrat de location évolutive concernant l’action sauvegarde, analogue dans sa forme au précédent et signé par les trois parties, constate la cession des droits et obligations relatifs à la location de l’équipement informatique nécessaire à la sauvegarde de Normaction à KBC.
Exception d’inexécution invoquée par DMS
Les parties reconnaissent que le système informatique de DMS était infesté de virus. Normaction estime que DMS a commis une faute en connectant son système à des sites illégaux ou connus pour être des sources de virus. Cependant le contrat ne contient aucun avertissement, mise en garde ou restriction de garantie à ce sujet. Il n’existe donc aucun fondement à l’allégation de Normaction. Si l’on peut à la rigueur considérer que Normaction n’a qu’une obligation de moyens à l’encontre de nouveaux virus, ce ne peut être le cas en ce qui concerne des situations qu’elle prétend bien connues.
La présence de virus constatée dans le système de DMS est la preuve que Normaction n’a pas correctement exécuté l’action antivirus prévue au contrat d’adhésion. DMS est donc fondé à se prévaloir de l’exécution d’inexécution en ce qui concerne cette action.
II appartenait dans ces conditions à Normaction de prouver que la présence de virus chez DMS n’interdisait pas, ou ne rendait pas moins opérante, l’action de sauvegarde. Faute d’une telle preuve, DMS, qui n’est pas un spécialiste de l’informatique et a fait appel à Normaction pour corriger les dysfonctionnements constatés sans obtenir satisfaction est bien fondé à se prévaloir de l’exception d’inexécution pour l’ensemble du contrat d’adhésion. Le contrat de location évolutive concernant la seule action de sauvegarde cédé par Normaction à KBC ne saurait dans ces conditions subsister plus longtemps que le contrat principal dont il dérive.
Le tribunal dira donc les deux contrats résiliés le 6 février 2004, date de la résiliation notifiée à Normaction par DMS, et ce aux torts de Normaction.
Droits de KBC
KBC n’a commis aucune faute et est donc en droit de demander l’indemnité de résiliation prévue contractuellement au contrat de location évolutive qui lui a été cédé et la restitution du matériel. La résiliation étant prononcée aux torts de Normaction, celle-ci sera condamnée à lui payer, conformément à la demande de DMS, les sommes contractuellement dues soit 9.801,29 € avec ITL à compter du 11 octobre 2004, date de l’assignation, et anatocisme.
Il a également droit à la restitution du matériel. Celui-ci étant apparemment sous la garde de DMS, il sera ordonné à celui-ci de le restituer sous une astreinte limitée à 25 € par jour à compter du quinzième jour suivant la signification du présent jugement.
Sur les dommages et intérêts
DMS justifie sa demande par une facture libellée «Préjudice sur poste informatique suite à la défaillance de votre système antivirus avec un prêt d’un poste informatique non compatible avec nos activités (sans lecteur de disquettes, sans graveur CD. Blocage sur système d’exploitation 14 jours à 200 €) d’un montant de 2800 € HT soit 3348,80 € TTC.
Il est notoire que la présence de virus perturbe les installations informatiques ce qui justifie l’octroi de dommages et intérêts. Usant de son pouvoir d’appréciation, le tribunal fixera à 1500 € le montant à attribuer à ce titre à DMS.
Sur l’exécution provisoire
Attendu que le Tribunal l’estime nécessaire, vu la nature de l’affaire, il y a lieu de l’ordonner dans les tenues ci-après.
Sur l’article 700 du ncpc
* 1500 € sollicités par l’Eurl Duval Métallerie Serrurerie «D.M.S.» à l’encontre de la société Normaction.
Attendu que la partie demanderesse a dû pour faire reconnaître ses droits exposer des frais, non compris dans les dépens, qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge ;
Qu’il est justifié de lui allouer par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civil, une indemnité de 1000 €, la déboutant pour le surplus.
DECISION
Le Tribunal statuant publiquement en premier ressort par jugement contradictoire:
. Joint les causes ;
. Condamne l’Eurl Duval Métallerie Serrurerie «D.M.S.» à payer 166,79 € à la société Normaction avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2004 ;
. Condamne la société Normaction à payer 9801,29 € à la société KBC Lease France anciennement Socrea Location avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2004,
. Condamne la société Normaction à payer 1500 € à l’Eurl Duval Métallerie Serrurerie «D.M.S.» à titre de dommages et intérêts ;
. Ordonne à l’Eurl Duval Métallerie Serrurerie «D.M.S.» de restituer le matériel faisant l’objet du contrat de location évolutive du 24 septembre 2003 à la société KBC Lease France anciennement Socrea Location sous astreinte de 25 € par jour à compter du quinzième jour suivant la signification du présent jugement ;
. Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement sans constitution de garanties ;
. Condamne la société Normaction à payer 1000 € à l’Eurl Duval Métallerie Serrurerie «D.M.S.» en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
. Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
. Condamne la société Normaction aux dépens.
Le tribunal : M. Michoudet (président), MM. Laubie et Darmon (juges)
Avocats : Me Marie France Dufour Lucet, Me Jean Yves Seve, SCP Hourblin-Papazian
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