Jurisprudence : Vie privée
Tribunal de grande instance d’Annecy, Chambre correctionnelle, jugement correctionnel du 4 décembre 2015
TEFAL et Autres / M. M. C. et Mme J. L
accès et maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé des données - alerte - Atteinte au secret des correspondances - recel de biens
Jugement correctionnel
Entre :
Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près du tribunal,
PARTIES CIVILES :
TEFAL, Messieurs A. D., L. P., T. H., G. D.
et
Prévenu
M. C.
Prévenu des chefs de :
Atteinte au secret des correspondances émises par voie électronique faits commis du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2013 à Rumilly (74)
Accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données faits commis du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2013 à Rumilly (74)
Maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé des données faits commis du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2013 à Rumilly (74)
Prévenue
J. L. épouse P.
Prévenue des chefs de :
Recel de bien provenant d’un délit puni d’une peine n’excédant pas 5 ans d’emprisonnement faits commis du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2013 à Annecy (74)
Violation du secret professionnel faits commis du 1er octobre 2013 au
31 décembre 2013 à Annecy (74)
DEBATS
A l’appel de la cause, la présidente a constaté la présence et l’identité de M. C. et de J. L. épouse P. et a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.
La présidente a informé les prévenus de leur droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui leur sont posées ou de se taire.
La présidente a instruit l’affaire, interrogé les prévenus présents sur les faits et reçu leurs déclarations.
Puis il a été procédé à l’audition, hors la présence les uns des autres, des témoins selon les dispositions des articles 444 à 457 du code de procédure pénale.
R. C., B. P. et T. J.-P., après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, ont été entendus en leur déposition, selon les dispositions de l’article 454 du code de procédure pénale.
La SAS TEFAL, A. D., L. P., T. H., G. D. se sont constitués parties civiles par l’intermédiaire de Maitre Aguera Joseph et de Maître Blanvillain Caroline à l’audience par dépôt de conclusions.
Maitre Aguera Joseph, conseil de la SAS TEFAL, de A. D., G. D., L. P., T. H. a été entendu en sa plaidoirie.
Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.
Maitre Luce Jérôme, conseil de M. C. a été entendu en sa plaidoirie.
Maître Geistel Sophie, conseil de J. L. épouse P. a été entendue en sa plaidoirie.
Maître Leclerc Henri, conseil de J. L. épouse P. a été entendu en sa plaidoirie.
Les prévenus ont eu la parole en dernier.
Le greffier a tenu note du déroulement des débats.
Puis à l’issue des débats, la présidente a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que Je jugement serait prononce le 4 décembre 2015 à 08:30.
A cette date, vidant son délibéré conformément à la loi, le tribunal, composé de
Madame Meissirel Anne, vice-président, Madame Maistre Marjolaine, juge et
Madame Desgrandchamps, juge de proximité, assisté de Madame Larnac Sylvie, greffière, et en présence du ministère public a donné lecture de la décision, eu vertu de l’article 485 du code de procédure pénale.
Le tribunal a délibéré et statué conformément à la loi en ces termes :
M. C. a été cité par le procureur de la République pour l’audience du 05 juin 2015 par acte d’huissier signifié à personne le 20 avril 2015.
A l’audience du 05 juin 2015, l’affaire a été renvoyée contradictoirement à l’audience du 16 octobre 2015.
M. C. a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.
Il est prévenu :
– d’avoir à Rumilly (74) et sur le territoire national, entre le 1er octobre 2013 et le 31 décembre 2013 et depuis temps non couvert par la prescription, de mauvaise foi, intercepté, détourné, utilisé ou divulgué des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique et ce au préjudice de la SAS TEFAL prise en la personne de son représentant légal Monsieur P. L. et de Messieurs P. L., D. A. Directeur des Ressources Humaines de la société TEFAL, H. T. Directeur des Ressources Humaines du Groupe SEB et Monsieur G. Directeur des Ressources Humaines Directeur des Ressources Humaines du Groupe SEB pour la France, faits prévus par ART.226-15 AL.2 C.PENAL. et réprimés par ART.226-15 AL.2, ART.226-31 C.PENAL.
– d’avoir à RUMILLY (74) cl sur le territoire national, entre le 1er octobre 2013 et le 31 décembre 2013. et depuis temps non couvert par la prescription, accédé frauduleusement à tout ou partie d’un système de traitement automatisé de donnée, faits prévus par ART.32.3-1 AL.1 C.PENAL et réprimés par ART.323-1 AL.1, ART.323-5 C.PENAL.
-de s’être à RUMILLY (74) et sur le territoire national, entre le 1er octobre et le 31 décembre 2013 et depuis un temps non couvert par la prescription, frauduleusement maintenu dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données, faits prévus par ART.323-1 AL.1 C.PENAL,. et réprimés par ART.323-1 AL.1. ART.323-5 C.PENAL.
***
J. L. épouse P. a été citée par le procureur de la République pour l’audience du 05 juin 2015 par acte d’huissier signifié à étude le 11 mai 2015, accusé de réception signé le 15 mai 2015.
A l’audience du 05 juin 2015, l’affaire a été renvoyée contradictoirement à l’audience du 16 octobre 2015.
J. L. épouse P. a comparu à l’audience assistée de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.
Elle est prévenue :
• d’avoir à Annecy (74) et sur le territoire national, entre le 1er octobre 2013 et le 31 décembre 2013 et depuis temps non couvert par la prescription, sciemment recelé des correspondances électroniques (courriels) et des données internes à la société SAS TEFAL qu’elle savait provenir du délit d’interception, détournement, utilisation ou divulgation commis de mauvaise foi de correspondances émises transmises ou reçues par la voie électronique, délit commis au préjudice de la SAS TEFAL, prise en la personne de son représentant légal Monsieur P. L. et de messieurs P. L., D. A. Directeur des Ressources Humaines de la société TEFAL, H. T. Directeur des Ressources Humaines du Groupe SEB Et Monsieur G.Directeur des Ressources Humaines du Groupe SEB pour la France faits prévus par ART.321-11 C.PENAL. et réprimés par ART.321-1 AL.3., ART.321-3, ART.321-9 C.PENAL.
• d’avoir à ANNECY (74) et sur le territoire national, entre le 1er octobre 2013 et le 31 décembre 2013, et depuis temps non couvert par la prescription, étant par état ou par profession, en l’espèce fonctionnaire de l’inspection du Travail, ou en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, dépositaire d’une information à caractère secret, révélé celle-ci, en l’espèce en communiquant à divers syndicats professionnels des correspondances électroniques confidentielles (courriels) et des données internes à la société SAS TEFAL qu’elle savait provenir du délit d’interception, détournement, utilisation ou divulgation commis de mauvaise foi de correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique, faits prévus par ART.226-13 C.PENAL. et réprimés par ART.226-13, ART.226-31 C.PENAL.
SUR L’ACTION PUBLIQUE :
Il résulte des éléments du dossier et des débats que le 20 décembre 2013, le conseil de la société TEFAL a déposé plainte contre X auprès du Procureur de la
République du Tribunal de Grande Instance d’Annecy pour :
-délit d’atteinte au secret des correspondances électroniques,
– délit d’accès et de maintien frauduleux dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données,
– recel de secret des correspondances et de délit d’accès ou de maintien frauduleux dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données.
Il expliquait que la société TEFAL disposait d’un système de traitement automatisé de données hébergé par la société Easy à Nanterre et soumis pour maintenance et sécurité à des administrateurs réseau de la société TEFAL exerçant sur RUMILLY et ÉCULLY.
Une charte informatique, dite charte d’utilisation des systèmes d’information et de communication du groupe SEB, définissait les règles d’utilisation et de sécurité ainsi que celles de maintenance, de surveillance et de contrôle. Elle était annexée au règlement intérieur du site de la société TEFAL.
La charte prescrivait notamment « de ne pas utiliser ou essuyer d’utiliser des comptes utilisateur autres que le sien ou de masquer sa véritable identité et de ne pas tenter de lire, copier, copier des données dont l’utilisateur n’a pas la responsabilité. » Était plus généralement prohibé « toute utilisation des ressources techniques et informations du groupe qui serait contraire aux lois et règlements en vigueur et toute atteinte à la confidentialité d’un message ou d’une correspondance dont le destinataire est individualisé notamment par sa lecture son interception ou encore son réacheminement non autorisé »
Il résultait de la plainte déposée: que des documents confidentiels établis par
Monsieur A. Directeur de Ressources Humaines de la société TEFAL, et
des mails émis ou reçus par celui-ci avaient fait l’objet de publications : le 12
décembre 2013, sur le site lnternet de la Confédération Nationale du Travail, le 3
décembre 2013 via un compte Facebook et le 12 décembre 2013 par le journal
l’humanité.
Par la suite d’autres journaux publiaient copie de ces documents.
Une enquête était confiée à la section de recherche de la gendarmerie de
Chambéry.
Parallèlement à l’enquête en cours, il était procédé, début janvier 2014, au sein de la société TEFAL, à la saisie en présence d’un huissier de justice, de l’ensemble des disques durs des administrateurs réseaux de la société.
La société TEFAL confiait une expertise de ces disques durs à la société LEXSI expert en informatique, avec mission de procéder à l’audit des postes de travail des personnes possédant des droits d’accès privilégiés sur le système de messagerie de l’entreprise et d’effectuer l’analyse et la recherche de traces numériques des documents litigieux.
Monsieur A. directeur des ressources humaines de la société TEFAL soupçonnait que les faits avaient été commis par un des administrateurs réseau.
Monsieur R. responsable sécurité informatique du groupe SES et SEB développement, expliquait que le serveur était de type Exchange physiquement basé à Nanterre. Les administrateurs, ne pouvant se connecter directement via des interfaces matérielles telles que les ports USB, disposaient d’un serveur intermédiaire pour se connecter.
Il ajoutait que les recherches effectuées au sein de l’entreprise s’étaient avérées infructueuses pour identifier précisément l’auteur des faits.
L’expertise diligentée par la société LEXSI mettait en évidence la manipulation par Monsieur M. de certains des documents qui avaient été publiés.
Monsieur A. directeur des ressources humaines de la société TEFAL, était réentendu. Il précisait que Monsieur M. était administrateur réseau en charge de différents comptes informatiques permettant l’accès aux services de messagerie, ainsi qu’à des systèmes informatiques à usage professionnel de l’entreprise. Il avait ainsi connaissance d’environ 800 mots de passe de l’entreprise.
Monsieur D., expert réseau sécurité, confirmait que Monsieur M. avait la possibilité de se connecter sur une voie de contrôle d’administration qui lui permettait d’avoir accès aux boites mail de l’entreprise.
Monsieur M., entendu le 10 avril 2014 par la Section de Recherche de la Gendarmerie de Chambery, expliquait avoir été embauché par la société TEFAL
en 1994, avoir intégré le service informatique du groupe à RUMILL Y en 1995 en tant que technicien micro, pour évoluer en 2001 en tant qu’administrateur système, puis administrateur infrastructure réseau.
Il expliquait que son rôle consistait à développer plus particulièrement le WIFI qu’il disposait des droits d’administrateur ct qu’il lui arrivait de créer des comptes utilisateurs.
Il affirmait détenir les droits pour accéder à tous les serveurs de fichiers mais pas pour les boites mail.
Monsieur M. expliquait qu’il était en conflit avec son entreprise pour le paiement des heures supplémentaires ayant vainement tenté d’obtenir leur paiement ainsi qu’un rendez-vous avec Monsieur A.
Il déclarait avoir trouvé le 16 octobre 2013 dans une imprimante utilisée par le services des ressources humaines un document dans lequel il apparaissait que le groupe TEFAL avait l’intention de le licencier en utilisant des moyens déloyaux.
Il avait décidé, une quinzaine de jours après, de consulter les serveurs de fichiers RUM17NT à la recherche de documents qui auraient pu le concerner, car ces
serveurs de fichiers abritaient toutes les données des documents partagés au sein de la société TEFAL.
Il s’était rendu dans le répertoire des ressources humaines et avait découvert un document intitulé « capteurs sociaux » sur lequel figurait le nom de l’inspectrice du travail et de son supérieur ainsi que des éléments la concernant.
Monsieur M. indiquait avoir décidé alors de faire une copie écran par des
manipulations de copier-coller sur son PC, puis avoir effacé le document après l’avoir copié sur la carte SD de son téléphone portable.
Il ajoutait que le même jour, au cours de sa recherche, il avait aussi découvert un document informatique intitulé « msg »qu’il avait également copié, précisant « je savais que je n’aurais pas dû ».
Monsieur M. affirmait avoir gardé ces documents plusieurs semaines, puis, après, avoir consulté le site internet de l’inspection du travail pour trouver les coordonnées de l’inspectrice concernée. Il lui avait adressé un message sur sa boite mail professionnelle lui indiquant qu’il avait »trouvé des documents qui laissaient entendre que la direction de la société TEFAL exerçait des pressions sur elle, par l’intermédiaire de son supérieur. Je lui ai indiqué que j’avais en ma possession les copies d’écran de ces documents et que je pouvais les lui transmettre sur une boîte mail autre que sa boîte professionnelle ». Celle-ci lui ayant répondu en lui communiquant son adresse personnelle, il lui avait adressé les documents sur cette boite mail après avoir créée lui-même une boite mail à cette seule fin.
Monsieur M. indiquait avoir refusé de lui communiquer son identité ajoutant que l’inspectrice lui avait indiqué pouvoir éventuellement le protéger.
Il avait appris en fin d’année 2013 par divers collègue qu’un article de l’humanité faisait état des documents qu’il avait fournis.
Monsieur M. affirmait qu’il n’avait pas imaginé que l’inspectrice allait tout diffuser à la presse ajoutant que si c’était à refaire il n’aurait pas copié ces documents.
Madame J. épouse P. était entendue le 24 juin 2014 par la Section de Recherche de la Gendarmerie de CHAMBERY. Elle indiquait être arrivée à ANNECY en qualité d’inspectrice du travail en janvier 2012 sur un secteur territorial défini dans lequel se trouvait notamment la société TEFAL.
Elle déclarait avoir rencontré des difficultés avec sa hiérarchie en la personne de son directeur Monsieur D.
Elle expliquait qu’à la suite des entretiens avec celui-ci notamment celui du 18 avril 2013, elle avait été particulièrement affectée. Elle s’estimait victime de sa part d’un harcèlement moral destiné à la faire changer dans son mode relationnel avec la société TEFAL. Monsieur D. lui reprochant sa trop grande rigidité notamment à l’égard de la société TEFAL lui prédisait des difficultés dans sa carrière.
Au cours de son arrêt de travail, elle avait reçu un appel téléphonique de sa secrétaire lui indiquant la réception, sur sa boite mail professionnelle, d’un mail << bizarre >> la concernant. Celle-ci le lui avait transféré sur sa boite mail personnelle.
Madame J. affirmait avoir détruit ce mail dans lequel l’auteur lui indiquait
« qu’il avait des documents probants, comme quoi il pouvait me prouver que TEFAL avait une implication dans ma situation personnelle ».
Elle avait contacté l’auteur afin qu’il lui fasse parvenir les documents.
Elle précisait qu’il s’agissait d’un fichier Excel et pour le mail d’une capture d’écran et qu’elle avait encore reçu d’autres documents notamment des mails échangés entre son directeur et Monsieur A. ainsi qu’un mail échangé entre Monsieur A. et Madame R. la responsable des ressources humaines de
TEFAL à RUMILLY.
Madame J. expliquait avoir directement saisi le Conseil National de l’inspection du Travail début décembre 2013 par un courrier avec accusé de réception pour atteinte à son indépendance et avoir transmis tous les documents reçus.
Elle avait aussi mis en copie et transmis copie de ces documents aux organisations syndicales du département : la CNT, le SNU, la CGT, FO, la CFDT, INSA et SUD.
Lors de son audition le 24 juin 2014, elle déclarait, au sujet de la diffusion de ces
documents sur les sites internet et dans la presse, qu’il s’agissait d’un problème qui venait de TEFAL et qu’elle avait juste fait son travail.
Sur les faits reprochés à Monsieur M.:
Monsieur R. responsable de sécurité informatique de la société TEFAL a fait procéder à la vérification des personnes qui ont été destinataires des mails copiés et publiés et il s’est avéré que la seule personne intervenant dans tous les mails était Monsieur A.
Sur l’introduction et le maintien frauduleux dans le système informatique de la société TEFAL :
Monsieur D. expert réseau et sécurité de la société TEFAL a expliqué que Monsieur M., en sa qualité d’administrateur réseau (admin infrastructure sur un périmètre France), avait la possibilité de se connecter à la boîte de contrôle d’administration, n’ayant plus alors qu’à choisir la boite à laquelle il voulait s’attribuer des droits.
Cela lui permettait d’accéder ainsi à n’importe quelle boite en qualité d’administrateur et notamment à celle de Monsieur A.
Avec l’infrastructure de l’époque de la société TEFAL, aucun log ne permettait d’obtenir des informations sur tes changements de droits sur les boites. Au-delà de 8 jours, il n’était plus possible de savoir qui s’était attribué des droits.
Monsieur M. a admis avoir pénétré dans le système automatisé de traitement de données de la société TEFAL à la recherche d’éléments le concernant.
Il a consulté les serveurs de fichiers RUM17NT sans lien avec sa fonction, s’y est maintenu dans une intention autre que celle d’exécuter son travail habituel de développement du WIFI.
Les documents copiés ne résultent donc pas d’une découverte effectuée par hasard.
L’introduction et le maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données apparaissent caractérisés, et il ne peut être considéré de bonne foi.
Sur la violation du secret des correspondances :
Monsieur M. avait la possibilité de s’attribuer des droits pour accéder à la boite mail de Monsieur A. Une partie des documents publiés sont des copies de mails émis ou reçus par Monsieur A. ne concernant Monsieur M. à aucun titre.
S’il prétend ne pas s’être introduit dans la boîte mail de Monsieur A., il admet avoir effectué des copies d’écran des mails de celui-ci après s’être introduit dans le répertoire ressources humaines. Il reconnait les avoir enregistrées sur la carte SD de son téléphone et les avoir transmis, en connaissance de cause, à Mme J. épouse P.
Cela a été fait en violation de la charte d’utilisation des systèmes d’information et de communication annexe au règlement intérieur de la société TEFAL.
Monsieur M. a contacté Madame J. épouse P. sur sa boîte professionnelle, lui a envoyé les documents sur une boite personnelle, a créé une boite spécifique pour cet envoi qu’il a supprimée par la suite. Il a demandé à rester anonyme, ayant donc parfaitement conscience d’agir en infraction à la loi, et en fraude à la charte informatique du groupe SEB et au règlement intérieur de la société TEFAL.
L’interception, l’utilisation et le détournement de correspondances électroniques de mauvaise foi apparaissent caractérisés.
S’agissant du statut de lanceur d’alerte :
L’article L1132-3-3 du Code du Travail prévoit qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
En cas de litige relatif à l’application du premier alinéa, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Ce texte relatif au droit du travail a été créé par la loi du 06 décembre 2013 soit postérieurement aux faits.
Monsieur M. aurait pu, après décembre 2013, ébranlé à la lecture du document attestant de l’intention de la société TEFAL de le licencier, utiliser ultérieurement ce document, qu’il a affirmé avoir trouvé par hasard dans la photocopieuse, dans le cadre d’une procédure prudhommale.
S’agissant des documents obtenus par celui-ci à la suite de son intrusion dans le système de traitement automatisé de la société TEFAL, il n’en a pas eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, ils ne le concernaient pas personnellement et n’étaient pas nécessaires à l’exercice de sa défense dans un cadre prudhommal.
Les faits reprochés à Monsieur M. sont établis.
Attendu que M. C. n’a pas été condamné au cours des cinq années précédant les faits pour crime ou délit du droit commun aux peines prévues par les articles 132-30, 132-31 et 132-33 du code pénal ; qu’il peut en conséquence, bénéficier du sursis simple dans les conditions prévues par les articles 132-29 à 132-34 de ce même code ;
Il sera en conséquence condamné à une peine d’amende de 3 500 € assortis du sursis,
Sur les faits reprochés à Madame J. épouse P. :
Sur le recel de correspondance électronique et de données internes à la société
Tefal provenant du délit d’interception de détournement d’utilisation ou de divulgation de mauvaise foi de correspondances émises transmises reçues par voie électronique ;
Madame J. épouse P. a été contactée, sur sa boite mail professionnelle par Monsieur M. de manière anonyme alors qu’elle se trouvait en arrêt maladie.
Sa secrétaire, interpellée par le caractère « bizarre » du mail l’a contactée téléphoniquement et lui a transféré ce mail sur sa boîte personnelle.
Elle affirme que les mails lui ont été transmis sur sa boite mail personnelle intitulée pl@yahoo.fr. Monsieur M. souvenant lui d’une boite mail se terminant par alice.fr.
En tout état de cause aucun de ces échanges de mails ne semblent avoir été conservé par les protagonistes qui ont préféré les supprimer.
Madame J. épouse P. confirme avoir été destinataire des copies de mails provenant de la boite mail de Monsieur A.
Elle ne pouvait ignorer, tant par le contenu des mails, que par l’identité des destinataires, qu’ils avaient été obtenus sans l’accord des titulaires des boîtes mail ; l’évidence de cette connaissance est renforcée par l’organisation de leur envoi anonyme.
La connaissance de la provenance douteuse des documents et le fait qu’elle les ait utilisés suffit à caractériser l’élément intentionnel de l’infraction de recel.
L’infraction de recel de détournement de correspondance électronique apparaît en conséquence constituée.
Sur les faits de violation du secret professionnel :
L’article 226-13 du code pénal prévoit que la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Madame J. épouse P. inspectrice du travail est, comme tout fonctionnaire, tenu au respect des dispositions de l’article 26 de la loi du 13 juillet 1983 qui rappelle l’obligation de respecter le secret professionnel.
Il résulte des règles déontologiques applicables à la profession d’inspecteur du travail que pour l’inspection du travail le secret professionnel a pour objet dans l’intérêt des personnes de garantir la sécurité des confidences recueillies et de protéger les informations à caractère secret auxquelles elle a accès ».
Madame J. épouse P. a estimé à la lecture des documents qui lui avaient été communiqués à titre personnel, sous couvert de l’anonymat, qu’ils attestaient de pressions de la société TEFAL à son encontre, qu’ils étaient des éléments d’information nécessaires dans le conflit qui l’opposait à son supérieur hiérarchique et qu’ils devaient être portés à la connaissance du CNT qu’elle avait décidé de saisir.
Elle a ajouté dans son audition qu’elle avait dressé procès-verbal estimant que des infractions pénales étaient caractérisées. Pourtant elle n’avait pas encore, le 24 juin 2014 lors de celle audition, soit plus de six mois après la réception des documents, saisi le Procureur de la République des infractions qu’elle affirme constituées ; alors qu’elle avait transmis, dès décembre 2013, à sept organisations syndicales l’ensemble de ces documents.
Elle a, en outre, prétendu à tort dans son audition devant les services de gendarmerie que cette diffusion avait été faite en application d’un article du code du travail.
Cette diffusion aux organisations syndicales a rendu possible la publication
dans la presse et sur internet de ces documents internes à la société TEFAL, diffusion qui a conduit à l’identification de Monsieur M. et à son licenciement de la société TEFAL.
Cette large diffusion, qui ne se limite pas à la simple diffusion a l’éventuelle organisation syndicale chargée de défendre ses propres intérêts, ne saurait s’apparenter à l’exercice des droits de la défense déjà pleinement mis en oeuvre par la saisine du CNT, où siègent des représentants d’organisations syndicales. Elle atteste d’un choix délibéré de communiquer des documents secrets et internes à une entreprise, avec une volonté de large diffusion, qui dépasse l’échelon individuel.
Madame J. épouse P. ne saurait de ce fait invoquer un quelconque fait justificatif tiré de l’exercice des droits de la défense.
Les faits de violation du secret professionnel apparaissent caractérisés.
Quant au statut de lanceur d’alerte :
L’article L 1132-3-3 du Code du Travail a été créé par la loi du 06 décembre
2013 postérieurement aux faits.
Les documents diffusés aux organisations syndicales par Madame J. épouse P. n’ont pas été obtenus dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, ils n’ont pas été utilisés dans le strict exercice de sa défense et il n’est pas établi qu’ils constituent un crime ou un délit.
En conséquence le délit de violation du secret professionnel apparaît constitué.
Les failli reprochés à Madame J. épouse P. sont établis.
Attendu que J. L. épouse P. n’a pas été condamnée au cours des cinq années précédant les faits pour crime ou délit de droit commun aux peines prévues par les articles 132-30, 132-31 et 132-33 du code pénal ; qu’elle peut, en conséquence, bénéficier du sursis simple dans les conditions prévues par les articles 132-29 à 132-34 de ce même code ;
Elle sera en conséquence condamnée à une peine d’amende de 3 500 € assortis du sursis.
SUR L’ACTION CIVILE :
Les constitutions de partie civile de la Société TEFAL, de messieurs L., A., T. et G. apparaissent recevables et bien fondées.
Ils convient de faire droit à leur demande de dommages et intérêts.
La SAS TEFAL, messieurs L., A., T. et G. parties civiles, sollicitent chacun la somme de un euro (1 euro) en réparation du préjudice qu’ils ont subi ;
Madame J. épouse P. et Monsieur M. doivent être déclarés entièrement responsables des préjudices subis ct condamnés à payer solidairement à la Société TEFAL à Messieurs L., A., T. et G. la somme de 1€ à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudices.
La SAS TEFAL, Messieurs L., A., T. et G., parties civiles, sollicitent la somme de quatre milles euros (4 000 euros) en vertu de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
Madame J. épouse P. et Monsieur M. seront condamnés à payer solidairement à la Société TEFAL, à Messieurs L., A., T. et G. 2 500 € en application de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale.
DECISION
Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et contradictoirement à l’égard de M. C., J. L. épouse P., la SAS TEFAL, A. D., L. P., T. H. et G. D.
SUR L’ACTION PUBLIQUE :
Déclare M. C. coupable des faits qui lui sont reprochés.
Pour les faits de ATTEINTE AU SECRET DES CORRESPONDANCES EMISES
PAR VOIE ELECTRONIQUE commis du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2013 à RUMILLY (74)
Pour les faits de ACCES FRAUDULEUX DANS UN SYSTEME DE TRAITEMENT
AUTOMATISE DE DONNEES commis du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2013 à
RUMILLY (74)
Pour les faits de MAINTIEN FRAUDULEUX DANS UN SYSTEME DE TRAITEMENT AUTOMATTSE DE DONNEES commis du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2013 à RUMILLY (74)
Condamne M.C. au paiement d’une amende de trois mille cinq cents euros (3 500 euros) ;
Vu l’article 132-31 al. I du code pénal :
Dit qu’il sera sursis totalement à l’exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles ;
***
Déclare J. L. épouse P. coupable des faits qui lui sont reprochés.
Pour les faits de RECEL DE BIEN PROVENANT D’UN DELIT PUNI D’UNE PEINE N’EXCEDANT PAS 5 ANS D’EMPRISONNEMENT commis du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2013 à ANNECY (74)
Pour les faits de VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL commis du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2013 à ANNECY (74)
Condamne J. L. épouse P. au paiement d’une amende de trois mille cinq cents euros (3 500 euros) ;
Vu l’article 132-31 al.l du code pénal ;
Dit qu’il sera sursis totalement à l’exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles ;
Et aussitôt, la présidente, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l’avertissement, prévu à l’article 132-29 du code pénal, à la condamnée en l’avisant que si elle commet une nouvelle infraction, elle pourra faire l’objet d’une condamnation qui sera susceptible d’entrainer l’exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu’elle encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du code pénal.
En application de l’article 1018 A du code général des impôts, la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 127 euros dont sont redevables chacun :
– M. C. ;
– J. L. épouse P. ;
Les condamnés sont informés qu’en cas de paiement du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date où ils ont eu connaissance du jugement, ils bénéficient d’une part de la suppression de l’éventuelle majoration du droit fixe de procédure ramenant celui-ci à 127 euros, cette suppression de majoration n’est pas applicable à la somme prévue à l’alinéa 4 de l’article 1018 A du CGI, ct d’autre part d’une diminution de 20% sur la totalité de la somme à payer. Le paiement du droit fixe ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours. Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressé de demander la restitution des sommes versées.
SUR L’ACTION CIVILE:
Déclare recevable les constitutions de partie civile de la SAS TEFAL de Messieurs
L. P., A. D., G. D. et T. H. ;
Déclare M. C. et J. L. épouse P. responsables du préjudice subi par la SAS TEFAL, Messieurs L. P., A. D., G. D. et T. H., parties civiles ;
Condamne M. C. et J. L. épouse P. à payer solidairement :
-la somme de un euro (1 euro) au titre de dommages-intérêts à la SAS TEFAL, partie civile, pour tous les faits commis à son encontre,
-la somme de un euro (1 euro) au titre de dommages-intérêts à L. P., partie civile, pour tous les faits commis à son encontre,
-la somme de un euro (1 euro) au titre de dommages-intérêts à A. D., partie civile, pour tous les bits commis à son encontre,
– la somme de un euro (1 euro) au titre de dommages-intérêts à G. D., partie civile, pour tous les faits commis à son encontre,
– La somme de un euro (1 euro) au titre de dommages-intérêts à T. H., partie civile, pour tous les faits commis à son encontre.
En outre, condamne M. C. et J. L. épouse P. à payer solidairement à la SAS TEFAL. Messieurs L. P., A. D., G. D., T. H., parties civiles, la somme de 2 500
euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
Informe les condamnés de la possibilité pour les parties civiles, non éligibles à la
CIVI de saisir le SARVI, s’ils ne procèdent pas au paiement des dommages-intérêts auxquels ils ont été condamnés dans le délai de 2 mois à compter du jour où la décision est devenue définitive.
Le Tribunal : Anne Meissirel (vice-président), Marjolaine Maistre (juge), Francine Desgrandchamps (juge de proximité), Sylvie Larnac (greffière), Eric Maillaud (procureur de la République)
Avocats : Me Joseph Aguera, Me Caroline Blanvillain, Me Jérôme Luce, Me Henri Leclerc, Me Sophie Geistel
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.