Jurisprudence : Marques
Tribunal de grande instance de Draguignan Ordonnance de référé du 8 avril 1998
M. T c/ M. M : AFFAIRE PACANET
contrefaçon de marque - déchéance de la marque - marques - nom de domaine
EXPOSE DU LITIGE
M. P. T a assigné Mrs M et D ainsi que Mme G pour obtenir le retrait sous astreinte de 10 000 F par jour de retard du nom de domaine PACANET du réseau INTERNET dans un délai de 48 heures en France et de 15 jours dans le reste du monde, une provision de 400 000 F, la publication de la décision à intervenir pour un montant de 10 0000 F et de 15 000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il précise être titulaire de la marque PACANET déposée le 16 février 1996 dans les classes de produits ou services 35, 38 et 42.
Il ajoute que Mrs D et M et Mme G, qui se proposaient de créer une S.A.R.L PACANET, utilisent cette marque comme nom de domaine sur le réseau INTERNET pour proposer à la clientèle de nombreux services et n’ont pas, contrairement à ce qu’ils affirment, pris les dispositions nécessaires pour mettre un terme à la contrefaçon puisqu’il est toujours possible de consulter le domaine PACANET par l’intermédiaire de plusieurs serveurs.
MM. M, D et Mme G. souhaitent la mise hors de cause des deux derniers d’entre eux ainsi que le rejet des demandes outre 5.000 F pour débours non remboursables.
Ils font valoir :
– que seul M. M est concerné par le litige ;
– que l’action se fonde sur l’article 20 de la loi 91-7 du 4 janvier 1991 exigeant une action au fond sérieuse dont la mise en oeuvre n’est en l’occurrence pas démontrée ;
– que la loi ne permet au juge des référés que d’interdire l’utilisation de la marque ;
– que sur le réseau INTERNET, le premier utilisateur d’une appellation en devient un titulaire ;
– qu’il s’est rapproché de M. T dès qu’il a appris le dépôt de la marque mais que celui-ci a proposé de la céder pour le prix exorbitant de 70 000 F ;
– que dès le 12 décembre 1997, il a saisi le service INTERNIC d’une demande de modification de son nom sur le réseau INTERNET ;
– que concomitamment, la marque PACA ON LINE a été déposée auprès des services de l’I.N.P.I
– que M. T n’exerce aucune activité commerciale et a pour seul objectif de monnayer des marques qu’il n’entend pas exploiter.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des pièces versées aux débats, spécialement du certificat d’enregistrement 96611740, que M. T. a déposé le 16 février 1996 la marque PACANET pour désigner des produits ou services en matière de publicité, gestion d’affaires, télécommunication, programmation pour ordinateur dans les classes de produits ou services 35,38 et 42.
La possibilité pour une personne d’utiliser une appellation sur le réseau INTERNET dès lors qu’il n’y a pas d’autres utilisateurs n’annihile pas les dispositions nationales et internationales destinées à protéger les droits d’auteurs, les brevets et les marques. Celui qui prétend la mettre en oeuvre doit donc s’assurer qu’il n’existe pas de droits antérieurs protégés.
L’utilisation de la marque PACANET sur le réseau INTERNET sans l’autorisation de M. T qui l’avait déposée en qualité de marque caractérise en conséquence une contrefaçon.
L’absence d’exploitation par son dépositaire, dès lors qu’elle n’est pas supérieure à une durée de cinq ans, n’emporte pas déchéance de la marque de sorte que les développements à ce sujet ne peuvent avoir d’influence que sur le préjudice effectivement subi mais certainement pas sur la qualification des actes contrefaisants.
La création du domaine PACA ON LINE n’a quant à elle pas fait disparaître le domaine PACANET de sorte que les agissements délictuels perdurent ainsi que le révèle au demeurant l’interrogation de divers serveurs.
La mauvaise foi n’est pas un élément constitutif de la contrefaçon. La bonne foi est donc vainement invoquée. De surcroît , M.M n’est pas en mesure de la caractériser car il n’a pas pris la précaution élémentaire de consulter l’Institut National de la Propriété Intellectuelle avant de solliciter la création du domaine PACANET.
L’action entreprise pour contrefaçon devant le tribunal de grande instance de Draguignan sous le n° de rôle 98/1433 est dans ces conditions sérieuse.
Dès lors, il convient, sur le fondement de l’article L.707-6 du Code de la propriété intellectuelle, d’interdire à titre provisoire, sous astreinte, la poursuite des actes argués de contrefaçon en obligeant notamment M.M à retirer le nom du domaine du réseau INTERNET.
A ce stade de la procédure, il n’y a pas lieu de condamner les deux autres défendeurs. Aucun document émanant directement de M.G n’est en effet de nature à établir qu’elle utilise personnellement l’appellation PACANET.
M.D n’est quant à lui mis en cause que dans deux articles de presse susceptibles de comporter des inexactitudes. La responsabilité des intéresés n’est dans ces conditions pas avérée.
Il sied par ailleurs de rejeter les demandes de provision et de publication fondées sur l’article 809 du nouveau code de procédure civile.
La pratique de M.T consistant à déposer des marques pour les vendre sans les exploiter est en effet de nature à amoindrir très sensiblement le préjudice qu’il subit. Les modalités de son indemnisation, étant rappelé que la publication n’est qu’un mode de réparation, doit en conséquence être appréciée par le juge du fond.
M.M, qui succombe pour l’essentiel, doit supporter les débours non remboursables et les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant en premier ressort, publiquement et contradictoirement,
Condamnons M. F. M à faire retirer sous astreinte de trois cents francs (300F) par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, le nom de domaine PACANET du réseau INTERNET en France ;
Le condamnons également, sous la même astreinte, à faire retirer dans les deux mois de cette signification, le nom de domaine PACANET du réseau INTERNET dans le monde entier ;
Lui interdisons tout autre usage, sous quelque forme que ce soit et sur quelque support que ce soit, de la marque PACANET sous astreinte de mille francs (1.000F) par infraction constatée passé le délai de quinze jours à partir de la même date ;
Rejetons toutes autres prétentions ;
Condamnons M. M à payer à M. T une somme de mille francs (1.000 F) sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que les dépens de l’instance.
Le tribunal : M. J. Degrandi (Président),Mme Cressier (greffier).
Avocats : Me Lestournelle-Perrin, SCP Rose Rodriguez Rouge
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