Jurisprudence : Responsabilité
Tribunal de grande instance de Fort de France Ordonnance de référé du 26 novembre 2004
Mediatel / Didier Follet, société Gandi
nom de domaine - responsabilité - site inernet - transfert
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS
Par assignation délivrée le 7 juillet 2004 au pied d’une ordonnance d’autorisation du 6 juillet 2004, la société Mediatel a fait appeler à comparaître devant le président du tribunal de grande instance de ce siège statuant en référé d’heure à heure Didier Follet et la société Gandi pour voir :
– constater que Didier Follet cause volontairement le blocage de son site internet en dépit d’une sommation de faire et que la privation de ce site constitue un trouble manifestement illicite,
– ordonner la transmission immédiate des informations nécessaires à la remise en marche du système informatique au besoin sous astreinte de 1500 € par jour de retard dès signification de la décision,
– dire qu’à défaut l’opérateur de la société Gandi sera autorisé ou contraint à procéder aux modifications nécessaires à la remise en fonctionnement du site mediatel-antilles.com,
– condamner Didier Follet à payer d’ores et déjà :
* 10 000 € à titre de dommages-intérêts provisionnels pour trouble causé,
* 1800 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc.
Par conclusions du 14 septembre 2004, Didier Follet a demandé au juge des référés de :
– lui donner acte de ce qu’il ne bloquait pas le système informatique de la société et qu’il en rapporterait la preuve,
– lui donner acte de ce qu’il remettrait ce jour son autorisation pour le transfert du nom de domaine à Mediatel,
– constater qu’il ne pouvait pas appliquer la procédure de transfert indiquée par la société Gandi, les codes d’accès ayant été changés,
– dire l’assignation abusive et allouer 2000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc,
Par conclusion du 15 juillet 2004, la société Gandi a demandé au juge des référés de :
– lui donner acte de ce qu’elle était étrangère au site web et ne se trouvait pas en mesure de procéder à la remise en fonctionnement du site de la société Mediatel,
– lui donner acte de ce qu’elle procèdera à toute opération affectant le nom de domaine mediatel-antilles.com conformément à la décision à intervenir aux frais de la société Mediatel,
– dire mal fondé toute autre demande,
– dire la procédure abusive et inconsidérée,
– condamner la société Mediatel à lui payer 5000 € à titre de dommages-intérêts et 5000 € au titre de l’article 700 du ncpc.
La société Mediatel a répliqué par conclusions du 20 août pour voir :
– constater qu’aucune demande n’avait été formulée contre la société Gandi, seulement appelée à des fins d’opposabilité,
– constater que les mots de passe et code d’accès avaient été effectivement transmis par Didier Follet, ce qui avait permis la remise en service,
– constater qu’à ce jour le transfert de nom de domaine n’est pas réalisé et dire que Didier Follet y sera tenu sous astreinte de 1500 € par jour de retard,
– adjuger le bénéfice des écritures concernant l’allocation de dommages-intérêts (10 000 €) et d’article 700 du ncpc (1800 €).
DISCUSION
Il n’est pas discuté que Didier Follet a quitté la société Mediatel où il travaillait comme salarié associé en mai 1994 et s’est vu décerner par le gérant T. A. plusieurs sommations auxquelles il n’a pas répondu et qui ont amené la présente procédure.
Il résulte de la lettre de confirmation du 12 juillet 2004 concernant les mots de passe que ceux-ci ont été communiqués, et qu’il a ainsi été mis fin à ce premier désaccord.
Concernant la propriété du nom de domaine mediatel-antilles.com, il est admis par toutes les parties que ce nom ayant été enregistré par Didier Follet (par l’intermédiaire de la société Gandi, unité d’enregistrement en ligne bénéficiant d’une accréditation de l’Icann) ce dernier en est le seul propriétaire dans le monde virtuel à défaut de l’être dans le monde réel, ce qui lui donne toute latitude pour utiliser et modifier le site.
Or, il n’est pas discutable que dès le 7 mai 2004, le gérant de la société a alerté la société Gandi du contentieux qui l’opposait à Didier Follet quant à la gestion du site internet ce à quoi il a trouvé auprès de ce spécialiste de l’enregistrement des noms de domaine, la réponse à sa difficulté, et plus spécialement la marche à suivre pour procéder à un changement de propriétaire.
Il n’est pas discutable qu’en complétant le formulaire transmis en ligne et en y joignant le justificatif d’identité de l’ancien propriétaire ainsi que le justificatif de sa signature, la société Mediatel pouvait, contre règlement, procéder au changement qu’elle sollicite aujourd’hui par décision de justice.
Il n’est pas non plus discutable que le 8 juillet 2004 Didier Follet a par acte unilatéral signé par lui, en sa qualité de titulaire du nom de domaine mediatel-antilles.com, et en qualité d’associé de la société, donné son autorisation expresse pour le transfert du site sous le nom de la société comme propriétaire.
Il n’est pas non plus discutable que le 23 juillet 2004 la société Gandi a confirmé par écrit que la société pouvait initier la procédure de changement de propriétaire en se connectant sur le site www.gandi.net, « section Administration, cliquer sur lien changement de propriétaire, et en suivant la procédure pas à pas ».
En conséquence, c’est à tord que la société Mediatel :
– a fait appeler aux débats la société Gandi même à des fins d’opposabilité de la décision de justice,
– a maintenu sa demande dirigée contre Didier Follet pour obtenir le transfert sous astreinte de 1500 € par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance.
Dès lors la procédure apparaît abusive en ce que la société Mediatel a cherché à provoquer l’intervention de la société Gandi, en delà de son obligation, en la prenant comme un hébergeur de sites internet ; à ce titre, elle sera condamnée à lui verser une indemnité de 2000 €, outre 800 € pour frais irrépétibles.
Dès lors encore, la société Mediatel qui a reçu les codes dès le 12 juillet et l’accord écrit de Didier Follet dès le 8 juillet 2004 ne prouve pas suffisamment la réalité d’un préjudice qui autoriserait l’allocation d’une provision à valoir sur son indemnisation.
Enfin, le sens de la décision rend inutile l’examen des autres demandes, la société Mediatel et Didier Follet apparaissant devoir supporter chacun la charge des frais irrépétibles exposés.
Les dépens seront partagés.
DECISION
Le juge des référés, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,
. Constate que le trouble dénoncé a cessé avant l’audience du 9 juillet 2004,
. Constate que la société Gandi a été attraite à tord,
En conséquence,
. Dit qu’il appartient à la seule société Mediatel de procéder au changement de propriétaire du nom de domaine mediatel-antilles.com,
. Invite en tant que de besoin Didier Follet à lui fournir les justificatifs de son identité et de sa signature,
. Condamne la société Mediatel à payer à la société Gandi la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts pour mise en cause abusive et la somme de 800 € au titre de l’article 700 du ncpc,
. Rejette pour le surplus,
. Fait masse des dépens et dit qu’ils seront supportés par la société Mediatel et Didier Follet, à raison de 50% chacun.
Le tribunal : Mme Marie José Gravie Plande (président)
Avocats : Me Michel Langeron, SCP Dubois, Me Daniel Romain
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.