Jurisprudence : Contenus illicites
Tribunal de Grande Instance de Mâcon Ordonnance de référé du 24 avril 2001
Louis S. / Serge-René Q., Bruno P.
contenus illicites - publicité trompeuse - site internet - suppression du site
Faits et Procédure
Par exploit en date des 3 et 5 avril 2001, Louis S., pris en sa qualité de mandataire de la société Colombe Mines, société unipersonnelle régie par l’acte uniforme pour l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, a fait assigner en référé devant le président du tribunal de grande instance de Mâcon Serge-René Q. et Bruno P. aux fins d’entendre :
1) ordonner à Bruno P. et à Serge-René Q., sous astreinte de 100 000 F par jour de retard, le retrait de la publication paraissant sur le site internet sous la rubrique : http://perso.club-internet.fr/P./centrafrique/menus.htm avec le titre « Contact Centrafrique. Les Concessions Diamantifère et Aurifère du Président de la République Centrafricaine. Business Plan »,
2) dire et juger que ceux-ci seront tenus d’informer le requérant par tous moyens dans un délai de 8 jours à compter de la date de l’ordonnance à intervenir qu’ils ont effectivement procédé au retrait de ladite publicité,
3) donner acte à Louis S. ès qualités de ce qu’il se réserve d’engager toutes poursuites pénales à l’encontre des auteurs de la publicité,
4) condamner solidairement Bruno P. et Serge-René Q.t au paiement de la somme de 100 000 F en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Louis S. a exposé sa demande ainsi qu’il suit :
» Monsieur Ange-Félix Patasse dirigeait une entreprise individuelle enregistrée au registre analytique du Commerce de Bangui (République Centrafricaine) sous le numéro 637/A dénommée » La Colombe Domaine Agro-industriel et Minier « , » CDAIM « .
Du fait de son statut, il a, par acte sous seing privé du 18 juin 1998, donné mandat à Serge-René Q., de nationalité française, aux fins d’administrer et de gérer l’ensemble de cette entreprise individuelle.
Par la suite, les activités de l’entreprise ont été scindées en plusieurs branches.
C’est ainsi qu’a été créée la société Colombe Mines, » CM « , régie par l’Acte Uniforme de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, » OHADA « , société unipersonnelle anonyme, avec Ange-Félix Patasse comme actionnaire unique, dont la gestion était également confiée à Serge-René Q..
Cette société exerce comme activité la recherche et l’exploitation de substances minérales en Centrafrique.
Serge-René Q. a précipitamment quitté la République Centrafricaine courant l’année 2001, sans rendre compte à son mandant et après avoir détruit quelques matériels mobiliers de la société Colombe Mines, notamment des ordinateurs et scanners et d’autres appareils de grande valeur.
Son mandat est donc révoqué de fait.
Il n’avait plus aucune qualité ni titre pour agir au nom de la société.
Louis S. a été désigné mandataire par acte notarié du 19 juin 2000.
Le requérant, ès qualités de mandataire, a eu la désagréable surprise de découvrir près de deux ans après sa parution sur un site internet que Bruno P., avec le concours de Serge-René Q., fait une publicité pour la recherche d’un financement en utilisant frauduleusement et sans leur accord, le nom de la société Colombe Mines et de son actionnaire unique.
Une partie de cette publicité est ainsi libellée :
« http//perso.club-internet.fr/P./centrafrique/menus » avec le titre :
« Contact Centrafrique. Les Concessions Diamantifère et Aurifère du Président de la République Centrafricaine. Business Plan ».
Il est indiqué que la société Diaminor, dont Bruno P. sera gérant, sera créée en joint-venture avec la société Colombe Mines, afin de lancer une campagne d’exploration et d’exploitation du diamant sur le permis de Gadzi ainsi que sur le permis aurifère de Bogoin.
Gadzi et Bogoin sont effectivement des sites situés en République Centrafricaine pour lesquels la société Colombe Mines a obtenu des permis de recherche et d’exploitation.
Cependant, il n’y a jamais eu d’accord écrit ou verbal entre la société Colombe Mines et Bruno P. directement ou par l’intermédiaire de Serge-René Q. sur la création en joint-venture de la société Diaminor, et sur la participation de la société Colombe Mines au capital de cette société à hauteur de 50 %.
Cette publicité, destinée à la recherche d’un financement très important de 4 500 000 $ US, est d’autant préjudiciable à la société Colombe Mines à son actionnaire que Serge-René Q. s’affuble de la qualité de conseiller personnel de l’actionnaire.
Les noms de la société Colombe Mines et de son actionnaire unique vont manifestement être utilisés pour commettre une escroquerie à l’échelle internationale.
Cette même publicité qui, par ailleurs, doit recevoir une qualification pénale, cause des troubles manifestement illicites dont le juge des référés doit ordonner la cessation immédiate.
Louis S., en sa qualité de mandataire gestionnaire de la société Colombe Mines, est bien fondé à demander à ce qu’il soit ordonné à Bruno P. et à Serge-René Q., sous astreinte de 100 000 F par jour de retard, le retrait de la publicité paraissant sur le site internet sous la rubrique indiquée ci-dessus.
Il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant les frais dont il a fait l’avance pour assurer sa défense.
Il lui sera alloué la somme de 100 000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par conclusions déposées à l’audience, Bruno P. a conclu à l’irrecevabilité et au malfondé des demandes présentées à son encontre. Il a demandé au juge des référés de constater qu’il ne faisait aucune difficulté pour effacer le site internet critiqué.
A titre reconventionnel, il s’est porté demandeur de la condamnation de la société Colombe Mines à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 6 000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
A l’appui de ses prétentions, Bruno P. a fait valoir qu’à la demande de Serge-René Q., précédent gérant de la société Colombe Mines, il avait réalisé un site internet dans la perspective de la création d’une société qui devait s’appeler Diaminor et dans le but de se procurer les concours financiers d’éventuels investisseurs. Celui-ci n’avait jamais été référencé sur les moteurs de recherche et n’était pas destiné au grand public. Serge-René Q. lui avait bien justifié de sa qualité de gérant et des pouvoirs que lui avait accordés Ange-Félix Patasse, président de la République Centrafricaine, propriétaire de l’entreprise. Il avait également justifié des permis de recherche or et diamant accordé par le président de la République et l’avait assuré de la confiance du chef de l’Etat dont il était le conseiller personnel. Le site internet avait été créé le 30 mars 2000 et ce n’est qu’en mars 2001 que Bruno P. a appris que l’opération envisagée était compromise. Le défendeur a déclaré être prêt à supprimer le site internet critiqué par Louis S..
Discussion et motifs
Attendu qu’aux termes de l’article 809 du nouveau code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance statuant en référé peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Attendu, en l’espèce, que Louis S., mandataire de la société Colombe Mines dont le siège est en République Centrafricaine et dont le propriétaire est Ange-Félix Patasse, président de la République, se plaint du contenu du site internet accessible à l’adresse URL
« http://perso.club-internet.fr/P./centrafrique/menus.htm »qui ferait une publicité illicite aux fins de recenser des investisseurs pour des recherches d’or et de diamant au nom de la société Colombe Mines, et ce alors que ladite publicité s’effectue sans l’accord du mandataire et du propriétaire de ladite société ;
Attendu que Bruno P. n’a pas nié être le propriétaire du site internet incriminé qu’il a réalisé en mars 2000 à la demande de Serge-René Q., gérant de la société Colombe Mines qui lui avait produit des justifications de sa qualité de gérant et des permis de recherche or et diamant accordé par le président de la République à cette société ;
Que Bruno P. a protesté de sa bonne foi et s’est engagé à procéder à la suppression du site internet critiqué par Louis S. ;
Attendu que le juge des référés a pu prendre connaissance personnelle à l’audience du contenu du site internet réalisé par Bruno P. ;
Qu’il n’est pas douteux que le contenu du site laisse croire que ses concepteurs sont mandatés par le président de la République Centrafricaine pour rechercher des investisseurs désireux de financer l’exploitation de ses mines de diamant personnelles ;
Attendu qu’il n’est pas allégué que Bruno P. ait refusé avant toute assignation en justice de supprimer le site
Attendu que Louis S., demandeur, ne conteste pas qu’à la date de la création du site, Serge-René Q. était effectivement gérant de la société Colombe Mines et conseiller personnel du président de la République Centrafricaine ;
Que, d’ailleurs, il indique dans ses écritures que le départ de Serge-René Q. de la République Centrafricaine est intervenu courant 2001 de manière précipitée et après destruction de matériels mobiliers de la société Colombe Mines ;
Attendu que Serge-René Q. ne comparaît pas, ce qui ne permet pas au tribunal d’avoir une complète perception des faits ;
Attendu, cependant, que la mauvaise foi de Bruno P. qui s’engage à supprimer sans délai le site critiqué n’est pas démontrée ;
Qu’il y a lieu de donner acte de cet engagement, de l’inviter à justifier au demandeur de la suppression du site dans les huit jours du prononcé de l’ordonnance et de dire qu’à défaut il sera redevable d’une astreinte de 10 000 F par jour de retard ;
Attendu que la demande reconventionnelle en dommages-intérêts présentée par Bruno P. à l’encontre de Louis S. ès qualités ne relève pas de la compétence du juge des référés et qu’il appartiendra à Bruno P. à se pourvoir ainsi qu’il aviser ;
Attendu qu’il n’apparaît pas que Bruno P. ait contraint Louis S. à une action en justice par un refus qu’il aurait opposé à une demande légitime ;
Attendu qu’il n’est pas inéquitable de ce fait de laisser à la charge de Louis S. les frais irrépétibles exposés pour son action en justice ;
Que Louis S. sera débouté de sa demande d’indemnité au titre de l’action 700 du nouveau code de procédure civile.
La décision
Le tribunal, statuant publique, par ordonnance réputée contradictoire en premier ressort et en matière de référé :
. au principal, renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront ;
. au provisoire, vu l’article 809 du nouveau code de procédure civile, donne acte à Bruno P. de son engagement de supprimer le site internet visible à l’adresse URL http://perso.club-internet.fr/P./centrafrique/menus.htm ;
. dit que cette suppression devra intervenir dans les 24 heures de la signification de la présente ordonnance et que Bruno P. devra en justifier auprès de Louis S. par tous moyens dans un délai de 8 jours ;
. condamne à défaut Bruno P. au paiement d’une astreinte de 10 000 F (1 524,49 euros) par jour de retard à l’expiration du délai de 24 heures susmentionné ;
. se déclare incompétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts présentée à titre reconventionnel par Bruno P. ;
. dit qu’il n’y a pas lieu, en l’espèce, à faire application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
. condamne Serge-René Q. et Bruno P. aux dépens du présent référé.
Le tribunal : M. Gérard Gaucher (président).
Avocats : Me Nganatouwa Goungaye Wanfivo (avocat au barreau de Bangui), Me N’Diaye (avocat au barreau de Mâcon), Me Fabien Sagnes (avocat au barreau de Mâcon).
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