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Jurisprudence : Diffamation

vendredi 18 novembre 2016
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Tribunal de grande instance de Nice, ch. corr., jugement du 6 octobre 2016

Monsieur A., Ville de X. / M. B.

absence de faits précis - diffamation publique envers un dépositaire de l'autorité publique - élus - relaxe - réseaux sociaux - video

Prévenu du chef de diffamation envers un fonctionnaire, un dépositaire de l’autorité publique ou un citoyen charge d’un service public par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique faits commis les 1er juillet 2014 et 4 juillet 2014 à X.

DEBATS

A l’appel de la cause, la présidente a constaté la présence et l’identité de M. B. et a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.

La présidente a informé le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

Le prévenu a accepté de répondre aux questions.

La présidente a instruit l’affaire, interrogé le prévenu présent sur les faits et reçu ses déclarations.

A. M. et la Ville de X. se sont constitués parties civiles par l’intermédiaire de leur conseil qui a été entendu en sa plaidoirie.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Maître PARIENTE Sarah, conseil de M. B. a été entendu en sa plaidoirie.
Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Puis à l’issue des débats tenus à l’audience du 8 septembre 2016, le tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé le 6 octobre 2016 à 13:30.

A cette date, vidant son délibéré conformément à la loi, le Président a donné lecture de la décision, en vertu de l’article 485 du code de procédure pénale,

Le tribunal a délibéré et statué conformément à la loi en ces termes :

Le prévenu a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance de Monsieur
CHEMAMA Alain, juge d’instruction, rendue le 11 juillet 2016.

M. B. a été cité par le procureur de la République par acte d’huissier de justice délivré à étude le 19 août 2016.

M. B. a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Il est prévenu d’avoir à X., dans le département des Alpes-Maritimes, et en tout cas sur le territoire national, les 1er et 4 juillet 2014, et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, commis le délit de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public permanent ou temporaire, en l’espèce monsieur M. A, pris en sa qualité de maire de la commune de X., par des écrits distribués dans les lieux publics, ou par tout moyen de communication au public par voie électronique, porté des allégations, ou imputations d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération de monsieur M. A, maire de X., dépositaire de l’autorité publique et citoyen chargé d’un mandat public permanent ou temporaire, en l’espèce pour avoir tenu les propos suivants:

-dans un article intitulé « la satire d’un rappeur antibois contre M. A » publié le 4 juillet 2014 dans Nice-Matin en page 24 comportant les passages diffamatoires suivants :

« j’ai aucun diplôme comme M. A, M. A/Mais je vais devenir maire comme M. A, M. A ». « Vote pour moi, besoin d’hélicoptères, de vols en première classe/j’suis devenu accro depuis ma première liasse».

-sur le site internet « Youtube.fr » le 1er juillet 2014 dans un morceau intitulé « M. A » comportant les passages diffamatoires suivants :

« Zin, j’ai aucun diplôme comme M. A, M. A, AAA­
M. A
Mais j’vais devenir maire comme M. A, M. A, M. -M. A
Rolex, quinze mille, pétasse moi c’est M. A.
Costard, vingt mille, pétasse moi c’est M. Chauffeur, berline, pétasse moi c’est M. A.
La crise ? Ah, pétasse moi c’est M. A.
C’est de l’hydra que je roule .
Comme A. les petits de chez moi pilotent les deux roues
(…)
Sapes de proxénète, pé pé pé-pétasse donne-moi l’enveloppe
Oui j’prends des chèques, oui j’prends de l’or, mais c’est mes affaires,
reste en dehors
J’ai des goûts de luxe, j’aime les belles femmes toutes nues et le langage soutenu
J’ai des connaissances, haut placées
Teste et on parlera de toi au passé
J’aime tellement la France, je lui mets dans le rectum
J’pars en vacances en Rep’ Dom’
Attiré que par les belles sommes, rien à foutre de personne Sans pitié, sans vergogne, jusqu’à la mort comme Nelson J’vais tout faire pour ne pas finir comme Max B à Trenton
J’suis mon propre boss, j’fais mes propres lois comme dans une ville sans policier
J’ai ma propre dream team, on est tous en costard, on est six, on vaut si cher!
Mafia russe, mafia corse, mafia hongroise
J’ai du taff à proposer dans la rue à tous les malfrats qu’on croise
Ne te met pas dans ma ligne de mire ou sur ma liste noire
Et fais attention à ce que tu risques de croire ou toi créateur tu vas vite le voir
Vote pour moi, vote pour moi, vote pour moi
J’peux pas être raciste tous mes gardes du corps ont des Glocks tout noirs
J’ai dis vote pour moi, pétasse, con de ta mère, vote pour moi Vote pour moi, besoin d’hélicoptères, de vols en première classe J’suis devenu accro depuis ma première liasse
Zin, j’ai aucun diplôme comme M. A, M. A, AAA­ M. A
Mais j’vais devenir maire comme M. A, M. A., AAA ».

Passages diffamatoires reproduits in extenso dans la pièce n° 2 annexée à la plainte avec constitution de partie civile pages 128 à 130, faits prévus par ART.31 AL.1, ART.23 AL.l, ART.29 AL.1, ART.42 LOI DU 29/07/1881. ART.93-3 LOI 82-652 DU 29/07/1982. et réprimés par ART.31 AL.1, ART.30 LOI DU 29/07/1881.
FAITS ET PROCEDURE

Par ordonnance du 11 juillet 2016 rendue dans le cadre d’une information judiciaire ouverte sur dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile formée le 22 juillet
2014, le magistrat instructeur près le tribunal de grande instance de Nice a renvoyé M. B. devant le tribunal correctionnel pour répondre de faits de diffamation commis les 1er et 4 juillet 2014 à 1’égard de Monsieur M. A, maire de X., les propos incriminés étant les paroles d’une chanson de rap reprises tant sur le site Youtube que dans un article du quotidien X. Matin.

L’affaire a été examinée lors de l’audience qui s’est tenue le 8 septembre 2016 et son délibéré fixé au 6 octobre 2016.

Sur les conclusions de nullités:

A l’issue du rappel des faits et des premières questions posées par le tribunal, M. B., son conseil a excipé de nullités.

Dès lors et compte-tenu de ce que ces demandes n’ont pas été faites avant tout débat au fond, le tribunal les a déclarées irrecevables.

 

Sur l’action publique

Aux termes des dispositions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou qu corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ».

Pour constituer une diffamation, l’allégation ou l’imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime, doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire, le juge devant prendre en considération non seulement les circonstances relevées dans l’ordonnance de renvoi, mais aussi les éléments extrinsèques de nature à donner à l’expression incriminée son véritable sens et à caractériser l’infraction poursuivie. Il appartient au mis en cause de prouver sa bonne foi par la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression ainsi que le sérieux de l’enquête.

En l’espèce, il est acquis aux débats que dans les propos retenus dans la prévention, le nom de M. A y est évoqué à douze reprises tandis que son prénom apparaît également à plusieurs reprises.

En revanche, il n’est pas démontré que les propos incriminés qui sont les paroles d’une chanson mise en ligne le 1er juillet 2014 par M. B. , auteur et chanteur de rap qui se produit régulièrement dans des concerts, ces paroles ayant été reprises dans un article de journal, aient mis en cause l’honneur et la considération du maire de X. pour des faits précis : les 44 lignes de la chanson ne faisant que des sous-entendus imprécis, les phrases semblant plutôt concerner celui qui les chante ou les prononce. Aucun reproche précis n’est fait à M. A tant à sa personne que dans ses actions dans le cadre de ses mandats électifs. Seules les deux premières et les deux dernières phrases font état d’un fait précis, à savoir que M. A n’est pas diplômé, ce qui n’est pas contestable et ce dont se targue à juste titre l’ancien maire de X. , ce qui ne caractérise pas une atteinte à son honneur et à sa considération.

Les paroles de la chanson visées dans la prévention relèvent de la liberté d’expression de tout auteur.

Dès lors, le tribunal entrera en voie de relaxe.

 

Sur l’action civile

La constitution de partie civile de M. A. et de la Ville de X.
Accueillies et leurs demandes seront rejetées compte-tenu de la relaxe prononcée.

 

DECISION

Par ces motifs

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et contradictoirement à l’égard de M. B., M. A et la Ville de X,
SUR L’ACTION PUBLIQUE:

Relaxe M. B. des fins de la poursuite ;

SUR L’ACTION CIVILE :

Reçoit la constitution de partie civile d’ M. A et de la Ville de X.,
Déboute M. A et la Ville de X. de leurs demandes.

Le tribunal : Annie BERGOUGNOUS, première vice-présidente, Solange LEBAJLE, vice-présidente, Monique MICHEL, juge de proximité,

Avocats : Eric BORGHINI, Sarah PARIENTE

 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.