Jurisprudence : Vie privée
Tribunal de grande instance de Paris 17ème chambre, 1ère section Jugement du 2 décembre 2002
Sandra Lopes Monteiro/Media International Masculin (MIM)
droit à l'image - vie privée
Les faits et procédure
Vu l’assignation délivrée le 4 juillet 2001 par Sandra Lopes Monteiro contre la Sarl Média International Masculin (MIM), prise en la personne de son gérant, Charles L., directeur de publication du mensuel « Amina », pour avoir, sur le fondement des articles 9 et 1382 du code civil, porté atteinte à son droit à l’image et commis le délit de contrefaçon, en publiant sa photographie :
– en couverture du numéro 365 du mois de septembre 2000 du magazine « Amina »,
– sur un poster affiché dans l’enceinte du stand « Amina », dans le cadre du 1er Salon France Outre-Mer qui s’est tenu à Paris les 17, 18 et19 novembre 2000 ;
– sur le site internet de la revue, disponible à l’adresse suivante : www.amina-blackworld.com ;
Vu les demandes de Sandra Lopes Monteiro, figurant dans ses conclusions signifiées le 12 mai 2002, tendant à voir prononcer, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation de la société MIM :
– au paiement de la somme de 15 245 € à titre de dommages-intérêts, en réparation de ses préjudices moral et financier à raison de la seule atteinte à son droit à l’image ;
– au versement d’une indemnité de 2287 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc, afin de pouvoir renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée le 22 août 2002 dans le cadre de cette procédure ;
– à la publication du dispositif de la décision à intervenir dans le journal « Amina », dans le mois suivant la signification du jugement, et ce, sous astreinte de 1525 € par mois de retard ;
– à la restitution de trois clichés photographiques lui appartenant, sous astreinte de 100 € par jour, à compter de la date de la signification du jugement ;
Vu les écritures en défense demandant au tribunal de :
– débouter Sandra Lopes Monteiro, au motif que celle-ci aurait tacitement autorisé la reproduction et la publication de sa photographie dans le journal « Amina », en remettant au directeur de la société MIM trois clichés la représentant, et en se rendant, après parution de la revue, dans les bureaux de la société éditrice, où lui a été proposée la somme de 2000 F correspondant au montant habituellement versé pour ce type de prestation, somme que la demanderesse a toutefois refusée, la considérant insuffisante ;
– constater que la société MIM s’engage à régler la somme de 305 € pour la publication de la photographie de Sandra Lopes Monteiro parue dans le numéro du magazine « Amina » du mois de septembre 2000 et à lui restituer les deux clichés remis par celle-ci ;
– condamner la demanderesse au paiement d’une indemnité de 2300 € au titre de l’article 700 du ncpc ;
Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 24 juin 2002 ;
La discussion
Sur l’atteinte au droit à l’image
Toute personne dispose, sur son image, d’un droit exclusif, partie intégrante de sa personnalité, qui lui permet de déterminer l’usage qui peut en être fait, en choisissant notamment le support qu’elle estime adapter à sa diffusion, et de s’opposer à sa reproduction sans une autorisation expresse et spéciale, donnant lieu à une interprétation étroite.
Il appartient, en outre, à celui qui fait publier le portrait d’une personne, de rapporter la preuve de l’assentiment dûment donné par celle-ci en vue de la publication de son image dans des conditions déterminées.
En l’espèce, en se bornant à affirmer, sans aucun justificatif, que Sandra Lopes Monteiro aurait librement remis au directeur de la société MIM plusieurs clichés la représentant en vue de la reproduction de l’un d’entre eux sur une couverture du magazine « Amina », la défenderesse ne rapporte la preuve, ni du consentement de la demanderesse à la publication de ses traits, ni des modalités envisagées pour la diffusion de son portrait.
Il s’ensuit que la reproduction de la photographie de Sandra Lopes Monteiro sans l’accord de cette dernière, d’une part, dans le magazine « Amina », d’autre part sur le poster reprenant la couverture de ce journal et affiché lors de la manifestation du Salon France Outre-Mer des 17, 18 et 19 novembre 2000, et enfin sur le site internet de cet organe de presse, constitue une violation du droit à l’image protégé par l’article 9 du code civil.
Sur le préjudice
Sandra Lopes Monteiro invoque la perte des gains qu’elle aurait obtenus en sa qualité de mannequin débutant, ainsi que les difficultés familiales rencontrées du fait de diffusion litigieuse.
S’il est incontestable que la demanderesse a subi un manque à gagner financier qui est résulté de la publication incriminée, celle-ci, qui ne démontre pas exercer le métier de mannequin, ne saurait invoquer l’application des tarifs pratiqués au sein de cette profession.
Quant au préjudice moral subi par Sandra Lopes Monteiro à raison de l’exploitation de son portrait sans son accord exprès, il convient, pour l’apprécier, de relever qu’en confiant à l’éditeur de la revue « Amina » des photographies lui appartenant, l’intéressée a, ce faisant, pris un risque quant aux possibles conséquences d’une éventuelle diffusion de ces clichés.
Au vu de ces éléments, le montant de dommages-intérêts à allouer à Sandra Lopes Monteiro sera fixé à la somme de 3000 €, toutes causes de préjudices confondues.
La mesure de publication sollicitée ne s’avère pas opportune et sera rejetée.
Il y a lieu d’ordonner à la société MIM de :
– cesser l’exploitation de l’image de Sandra Lopes Monteiro sans le consentement de celle-ci,
– restituer à Sandra Lopes Monteiro les deux photographies la représentant et qui figurent au dossier de la défenderesse, étant précisé que la demanderesse ne démontre pas que la société MIM détiendrait un troisième cliché lui appartenant.
L’exécution provisoire, qui n’est pas incompatible avec la nature de l’affaire et permettra une indemnisation rapide, sera prononcée.
Il convient, enfin, de rejeter la demande fondée sur l’article 700 du ncpc.
La décision
Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
. Condamne la société MIM à payer à Sandra Lopes Monteiro la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts ;
. Ordonne à la société MIM de :
– cesser toute exploitation de l’image de Sandra Lopes Monteiro sans le consentement de celle-ci ;
– restituer à Sandra Lopes Monteiro les deux photographies la représentant et qui figurent au dossier de la défenderesse ;
. Dit n’y avoir lieu à publication ;
. Rejette la demande formée par Sandra Lopes Monteiro sur le fondement de l’article 700 du ncpc ;
. Prononce l’exécution provisoire de la présente décision ;
. Condamne la société MIM aux dépens.
Le tribunal : Mmes Sauteraud et Dubreuil (vice président), Mme Depardon (juge)
Avocats : Me Anquez, Me Koehler-Magne
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