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Jurisprudence : Jurisprudences

vendredi 14 février 2020
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Tribunal de première instance de Nouméa, ordonnance de référé du 7 février 2020

Mme X. / Mme Y. représentante légale de l'association Z.

action des parents - action visant à protéger la vie privée des enfants - enfant - photos - réseaux sociaux

Par assignation en date du 10 janvier 2020, Madame X. a fait assigner Madame Y., en sa qualité de représentante légale de l’association « Z.», devant le président du tribunal de première instance de Nouméa statuant en référé aux fins de voir constater qu’en publiant sur la page Facebook de l’association des photos de Z. , elle a porté atteinte à la vie privée de ce dernier, et d’obtenir sa condamnation à lui verser une provision de 1 000 000 francs CFP à valoir sur la réparation du préjudice causé à son fils au titre de l’atteinte au droit à l’image et une provision de 1000 000 francs CFP au titre de l’atteinte à la vie privée.

Elle demande aussi qu’il soit enjoint à l’association « Z.» de cesser, dans un délai de trois jours à compter de la décision à intervenir, toute publication de vidéos ou photos dans lesquelles apparaît Z. sur quelque support que ce soit, et ce sous astreinte de 100 000 francs CFP par jour de retard. Elle sollicite la publication de la décision à intervenir sur la première page Facebook de l’association «Z.» pour une durée d’un mois.

Elle réclame la somme de 350 000 francs CFP en application de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.

Elle expose que son fils a été victime d’une attaque de requin le 25 mai 2019 alors qu’il se trouvait avec son père, qu’une association dénommée « Z. » a été constituée le 8 juin 2019, avec pour objet notamment de « protéger les intérêts de Z. ; apporter une aide financière pour l’achat d’équipement médical »; que cette association a publié sur sa page Facebook dès septembre 2019 de nombreuses photos de Z. sur son lit d’hôpital en Australie ou sur une chaise roulante.

Elle estime que ces publications de photos prises dans un lieu privé portent atteinte à la vie privée de son fils, et que les photos prises dans des lieux publics portent atteinte à son droit à l’image.

En réponse à cette assignation, Madame Y. soulève l’irrecevabilité de l’action au motif que Madame X. a saisi la juridiction sans en aviser le père de l’enfant, qui est co-titulaire de l’autorité parentale. Elle observe qu’une action en justice n’est pas un acte usuel au sens de l’article 372 -2 du Code civil, et qu’il appartenait à la demanderesse d’obtenir l’accord de l’autre parent ou du juge des tutelles avant d’engager la présente instance.

Sur le fond, elle rappelle le contexte familial dans lequel se situe le litige, et précise que le juge des tutelles a désigné l’association pour la gestion des tutelles en Nouvelle-Calédonie en qualité d’administrateur ad hoc pour recevoir les fonds collectés en faveur de Z. Elle ajoute que Madame X. a ouvert, sans l’accord du père, une page Facebook intitulée « Soutien à notre petit Z.» sur laquelle à publié diverse photos de ce dernier sur son lit d’hôpital, qui ont été reprises par divers médias. Elle relève qu’aucune demande de retrait des photos n’a jamais été adressée à l’Association, que, dès la délivrance de l’assignation, les photos ont été retirées de la page Facebook ; que les photos ont été publiées avec l’autorisation du père et aussi l’accord de l’enfant, qui a 11 ans, est capable de discernement. Elle ajoute que les photos aujourd’hui critiquées avaient déjà été publiées par la mère dans différents médias.

Estimant que l’atteinte au droit à l’image et la violation de la vie privée ne sont pas constituées, elle sollicite le rejet des demandes de provision à valoir sur les dommages-intérêts. Elle relève que la demande de cessation de publication est sans objet car les photos ont été retirées de la page Facebook.

Elle indique que ces moyens financiers ne lui permettent pas de faire face à la demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle­ Calédonie.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est expressément référé aux conclusions qu’elles ont soutenues oralement à l’audience.


DISCUSSION

– Sur la recevabilité

En application du jugement rendu par le juge aux affaires familiales le 8 décembre 2015 ; Mme X. et M. Z. exercent en commun l’autorité parentale sur leur fils Z.

Or, en application de l’article 389-4 du Code civil, l’action visant à protéger la vie privée des mineurs doit être exercée par les deux parents ou être autorisée par le juge des tutelles car elle tend à la protection des droits de la personnalité – même si elle conduit à allocation de dommages-intérêts – et revêt donc un caractère extrapatrimonial.

Mme X. n’a donc pas qualité pour exercer seule une action tendant à protéger la vie privée de son fils mineur.

Son action sera déclarée irrecevable pour défaut de qualité à agir sans qu’il y ait lieu d’examiner le fond de sa demande.

Elle n’apparaît pas pour autant abusive de sorte que Mme Y. en sa qualité de représentante de l’association « Z. » sera déboutée de sa demande de ce chef.

– Sur les dépens

Mme X., qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens.


DÉCISION

Nous, président du tribunal de première instance de Nouméa, statuant en référé, publiquement par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Dès à présent, par provision, tous droits et moyens des parties étant réservés au principal,

– Déclarons irrecevable l’action intentée par Mme X., en qualité d’administratrice légale de son fils Z.,

– Rejetons la demande pour procédure abusive formée par Mme Y.,

– Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision,

– Condamnons Mme X. aux dépens.

 

Le Tribunal : Eric L’Helgoualc’h (président), Cathy Pakeso (greffier)

Avocats : Selarl T. Pelletier & Consultants, Me Barbara Cauchois

Source : Legalis.net

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.