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Le filtrage de contenus par un réseau social est contraire au droit communautaire
La Cour de justice de l’Union européenne s’était déjà exprimée contre le filtrage des fichiers P2P par les fournisseurs d’accès dans une affaire Scarlet/Sabam. Dans son dernier arrêt du 16 février 2012 qui concerne le filtrage préventif par un réseau social, la Cour reprend le raisonnement qu’elle avait adopté dans sa précédente décision du 24 novembre 2011. Elle conclut qu’« en adoptant l’injonction obligeant le prestataire de services d’hébergement à mettre en place le système de filtrage litigieux, la juridiction nationale concernée ne respecterait pas l’exigence d’assurer un juste équilibre entre le droit de propriété intellectuelle, d’une part, et la liberté d’entreprise, le droit à la protection des données à caractère personnel et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations, d’autre part ».
Après s’être attaqué aux fournisseurs d’accès donnant lieu à l’arrêt de la CJUE du 24 novembre 2011, la société d’auteur belge Sabam avait intenté une action contre la plateforme de réseau social Netlog. Ce prestataire met à la disposition des internautes un espace personnel appelé « profil » sur lequel ces derniers peuvent mettre à la disposition de tiers des œuvres musicales ou audiovisuelles inscrites dans le répertoire de la Sabam, sans que celle-ci l’ait autorisée. En conséquence, elle a demandé au tribunal de Bruxelles d’enjoindre Netlog de cesser cette mise à disposition illicite, ce qui, selon Netlog, reviendrait à lui imposer une obligation générale de surveillance. Le tribunal a préféré posé une question préjudicielle à la CJUE afin qu’elle se prononce sur la compatibilité de cette demande avec quatre directives européennes.
La Cour lui a répondu négativement sur les quatre points. D’abord, elle considère que ladite injonction « imposerait au prestataire de services d’hébergement une surveillance générale qui est interdite par l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2000/31 ». Elle estime par ailleurs qu’elle « entraînerait une atteinte caractérisée à la liberté d’entreprise du prestataire de services d’hébergement puisqu’elle l’obligerait à mettre en place un système informatique complexe, coûteux, permanent et à ses seuls frais, ce qui serait d’ailleurs contraire aux conditions prévues à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/48, qui exige que les mesures pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle ne soient pas inutilement complexes ou coûteuses ». Par ailleurs, le système de filtrage envisagé serait, selon la Cour, contraire à la directive de 1995 relative à la protection des données personnelles car il « impliquerait, d’une part, l’identification, l’analyse systématique et le traitement des informations relatives aux profils créés sur le réseau social par les utilisateurs de ce dernier, les informations relatives à ces profils étant des données protégées à caractère personnel, car elles permettent, en principe, l’identification desdits utilisateurs ». Enfin, il « risquerait de porter atteinte à la liberté d’information, puisque ce système risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d’entraîner le blocage de communications à contenu licite. »