Jurisprudence : Marques
Tribunal de commerce de Grenoble Jugement du 2 décembre 2002
Sarl Odyssée Interactive / Sa L'Ile des Médias
compétence territoriale - marque - nom de domaine
Les faits
La société L’Odyssée Interactive Jeux Video.com a déposé :
– Le 18 février 1997, auprès du NSI (Network Solutions Inc.) le nom de domaine « jeuxvideo.com » lui permettant d’éditer un magazine sur un site internet.
– Le 21 juin 2000, auprès de l’Inpi (Institut national de la propriété industrielle) la marque jeuxvideo.com (n° 003 037 109).
Le 15 mai 1997 la société Creanet a acquis le nom de domaine « jeux-video.com » qu’elle a par la suite cédé à la société L’Ile des Médias, concurrente de la société L’Odyssée Interactive.
Le 24 avril 2001 par courrier recommandé la société L’Odyssée Interactive Jeux Video.com met en demeure la société L’Ile des Médias de cesser d’utiliser le nom de domaine qu’elle exploite sur internet.
A la requête de la société L’Odyssée Interactive Jeux Video.com, par ordonnance du 2 octobre 2001, le Tribunal de céans autorise l’assignation à jour fixe (12 octobre 2001) de la société L’Ile des Médias.
La procédure
Le 10 octobre 2001, par acte d’huissier, la société L’Odyssée Interactive Jeux Video.com assigne la société L’Ile des Médias à comparaître devant le Tribunal de céans pour :
– Dire et juger que la société L’Ile des Médias a sciemment enregistré un nom de domaine similaire et identique au sien, et commis de ce fait un acte de concurrence déloyale et de parasitisme.
– Ordonner le retrait immédiat du nom de domaine « jeux-video.com » et le transférer à son profit.
– Lui interdire sous astreinte, la dénomination « jeuxvideo » sous quelque forme que ce soit dans la zone internet « .com ».
– La condamner à lui communiquer la liste des internautes qui se sont connectés sur le site « jeux-video.com » et retirer cette liste de sa base de données.
– Faire figurer une bannière « jeuxvideo.com » sur le site de société L’Ile des Médias pendant une durée de 6 mois, sous astreinte de 1524,49 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement.
– La condamner à lui payer les sommes de :
· 60 979,61 euros en réparation de son préjudice.
· 4573,47 euros sur le fondement de l’article 700 du ncpc
– La voir condamner aux entiers dépens.
Par conclusion en réponse, la société L’Ile des Médias demande au Tribunal de :
A titre principal :
– Se déclarer incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Paris.
A titre subsidiaire :
– Dire et juger que l’exploit introductif d’instance qui lui a été délivré, est nul car dépourvu de tout renseignement quant à la nature juridique de la société en demande.
A titre encore plus subsidiaire :
– Déclarer irrecevable la demande présentée à son encontre, laquelle n’est pas titulaire des droits attachés au nom de domaine « jeux-video.com », appartenant à la société Overgame.
A titre infiniment subsidiaire :
– Donner injonction à la société L’Odyssée Interactive Jeux Video.com, sous astreinte de 76,22 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, de produire aux débats :
· les données médiamétrie sur lesquelles elle se fonde,
· le calcul comme la ventilation du préjudice dont elle demande réparation.
En tout état de cause :
– La condamner à lui payer la somme de 4573,47 euros au titre de l’article 700 du ncpc, ainsi qu’à tous les dépens de la procédure.
Les moyens
La société L’Odyssée Interactive Jeux Video.com fait valoir :
Que son action est menée sur le fondement de l’article 1382 du code civil, c’est à dire sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
Que selon une jurisprudence constante « le lieu du fait dommageable s’entend aussi bien de celui où l’événement à l’origine du dommage s’est produit, que celui où la victime a subi le dommage ». Dès lors le préjudice du parasitisme pouvant être subi aussi à Grenoble, le Tribunal de commerce est parfaitement compétent.
Que le rapport de l’Agence pour la Protection des Programmes a identifié dans son constat la société L’Ile des Médias comme gestionnaire du nom de domaine et DNS Master.
Que l’action en concurrence déloyale permet de sanctionner les agissements qui créent une confusion dans l’esprit des consommateurs en imitant ou en copiant les produits, les idées.
Que ce qui est reproché à la société L’Ile des Médias, c’est d’avoir acheté ou enregistré un nom de domaine dont elle ne pouvait ignorer qu’il était similaire à celui de son principal concurrent.
Que c’est d’une manière détournée que la société L’Ile des Médias fait une utilisation du nom de domaine de sa concurrente bien qu’il soit admis que ce dernier soit désormais un actif important d’une société sur lequel elle communique et investit.
La société L’Ile des Médias rétorque :
Que la société L’Odyssée Interactive Jeux Video.com relève qu’elle est titulaire de la marque « jeuxvideo.com » déposée le 21 juin 2000 auprès de l’Inpi.
Que l’appropriation du terme générique comme descriptif « jeux-video » doit donc être apprécié d’abord sous l’angle du droit des marques puis sous celui de la concurrence déloyale et/ou du parasitisme. En conséquence, le Tribunal de commerce de Grenoble ne peut que se déclarer incompétent sur le fondement de l’article L 716-3 du code de la propriété intellectuelle, au profit du Tribunal de grande instance de Paris.
Que l’assignation qui lui a été délivrée est nulle, en vertu des dispositions de l’article 117 du ncpc, car elle ne précise ni la forme de la société en demande, ni la qualité de l’organe qui la représente de sorte qu’elle n’a aucune certitude quant à l’identité exacte de son adversaire.
Que la demande présentée à son encontre est irrecevable, sur le fondement des dispositions de l’article 122 du ncpc, car elle n’est pas titulaire des droits attachés au nom de domaine « jeux-video.com ».
La discussion
Attendu que la société L’Odyssée Interactive Jeux Video.com dénonce des actes de concurrence déloyale et/ou de parasitisme à son encontre, au travers du nom de domaine « jeuxvideo.com ».
Qu’elle relève en même temps dans son courrier du 24 avril 2001 qu’elle est titulaire de la marque « jeuxvideo.com » déposée le 21 juin 2000 auprès de l’Inpi.
Qu’elle sollicite une interdiction d’utilisation de la dénomination « jeuxvideo » par la défenderesse.
Le Tribunal se déclarera incompétent « ratione materiae » en application des dispositions de l’article L 716-3 du code de la propriété intellectuelle.
Attendu que suivant les dispositions de l’article 42 du ncpc, la juridiction territorialement compétente est celle du lieu où demeure le défendeur, en l’occurrence la société L’Ile des Médias dont le siège social est situé à Paris.
En conséquence, le Tribunal renverra les parties devant le Tribunal de grande instance de Paris.
En conséquence, il ne sera pas statué sur les autres demandes de forme et de fond, et il sera laissé à la charge des parties les frais de justice qu’elles ont engagés, les demandes au titre de l’article 700 du ncpc seront donc rejetées.
Par contre, la société L’Odyssée Interactive Jeux Video.com qui succombe sera condamnée aux dépens de la procédure.
La décision
Le Tribunal statuant en audience publique conformément à la loi par un jugement contradictoire rendu en premier ressort :
. Se déclare incompétent « ratione materiae » et renvoi les parties devant le Tribunal de grande instance de Paris.
En conséquence :
. Ne statut pas sur les autres demandes de forme et de fond,
. Rejette les demandes au titre de l’article 700 du ncpc,
. Condamne la société L’Odyssée Interactive Jeux Video.com aux entiers dépens de la procédure comprenant notamment ceux liquidés conformément à l’article 701 du ncpc.
Le Tribunal : M. Bernard (président), Mrs Bousquet et Doolaeghe (juges)
Avocats : Me Janot, Me Manseur-Rive
Notre présentation de la décision
En complément
Maître Janot est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Maître Manseur Rive est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Le magistrat Bernard est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Le magistrat Bousquet est également intervenu(e) dans les 2 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Doolaeghe est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.