Jurisprudence : E-commerce
Tribunal de commerce de Versailles, ordonnance de référé du 19 novembre 2014
POPFAX et M. Vladimir P. / Orange
concurrence déloyale - disproportion - huissier - missions - ordonnance - requête - rétractation - saisie
Décision contradictoire et en premier ressort.
FAITS ET PROCEDURE
La SARL POPFAX, créée en 2002 et dont M. Vladimir P. est gérant, a pour activité la mise en place et la commercialisation de solutions de service de fax par internet.
POPFAX a envoyé des messages publicitaires par télécopie les 11 avril, 23 mai, 3 juin et 4 juin 2013.
La SA ORANGE, opérateur historique des télécommunications, a estimé que la teneur desdits messages serait constitutive d’un acte de concurrence déloyale résultant d’un dénigrement de ses produits et services.
ORANGE a obtenu de M. le Président du Tribunal de commerce de VERSAILLES, au motif d’établir l’ampleur de la diffusion des messages litigieux, une ordonnance sur requête en date du 16 juillet 2013 en vertu de laquelle elle a été autorisée à faire pratiquer des opérations de saisies informatiques au sein de POPFAX. Il était prévu que les fichiers informatiques ainsi saisis seraient séquestrés entre les mains de l’huissier instrumentaire, jusqu’à ce qu’il en soit décidé autrement.
Par jugement avant dire droit du 10 octobre 2014, le Tribunal de céans, saisi du litige au fond a ordonné la communication des produits de la saisie.
POPFAX et M. P. ont introduit la présente instance aux fins de voir ordonner la rétractation de l’ordonnance du 16 juillet 2013.
C’est dans ces conditions que la SARL POPFAX et M. Vladimir P. ont assigné le
17 octobre 20141a SA ORANGE nous demandant de:
Vu les articles 9, 145 et suivants, 496, 699, 700, 872, 873 du CPC,
Vu les articles 1315 et 1382 du Code civil,
Ordonner la rétractation de l’ordonnance rendue le 16 juillet 2013 par le Président du Tribunal de commerce de VERSAILLES ;
Condamner la SA ORANGE à verser une somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du CPC ;
Condamner la SA ORANGE aux dépens.
Par conclusions en réplique 1 déposées pour l’audience du 5 novembre 2014 la SA ORANGE nous demande de :
Vu les articles 32-1 et 145 et suivants du CPC,
Vu l’ordonnance en date du 16 juillet 2014,
Vu les éléments développés et les pièces annexées,
Dire la SARL POPFAX et M. Vladimir P. mal fondés en l’ensemble de leurs
demandes, fins et prétentions ;
En conséquence,
Confirmer en tous points l’ordonnance en date du 16 juillet 2013 par M. le Président du Tribunal de commerce de VERSAILLES ;
Confirmer en tous points le jugement avant dire droit en date du 10 octobre 2014 rendu par le Tribunal de commerce de VERSAILLES ;
Condamner in solidum la SARL POPFAX et M. Vladimir P. à verser à la SA
ORANGE la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l’article 32-1 du CPC ;
Condamner in solidum la SARL POPFAX et M. Vladimir P. à verser à la SA
ORANGE la somme de 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du CPC ;
Condamner in solidum la SARL POP FAX et M. Vladimir P. aux dépens.
Par conclusions récapitulatives déposées pour l’audience du 5 novembre 2014 la SARL POPFAX et M. Vladimir P. nous demandent :
Vu les articles 9, 145 et suivants, 496, 699, 700, 872, 873 du CPC,
Vu les articles 1315 et 1382 du Code civil,
Ordonner la rétractation de l’ordonnance rendue le 16 juillet 2013 par le Président du Tribunal de commerce de VERSAILLES ;
Subsidiairement, restreindre l’étendue des mesures prescrites à ce qui est strictement et exclusivement nécessaire à la SA ORANGE pour mesurer la diffusion des deux tracts litigieux entre le 11 avril 2013 et le 4 juin 2013 ;
Condamner la SA ORANGE à verser une somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du CPC ;
Condamner la SA ORANGE aux dépens.
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
Sur la demande de rétractation de l’ordonnance
Attendu que POPFAX nous demande d’ordonner la rétractation de l’ordonnance rendue le 16 juillet 2013 par le Président du Tribunal de commerce de VERSAILLES aux motifs que la mesure n’est fondée ni dans son principe, ni dans son ampleur ;
Que pour sa part, ORANGE affirme qu’elle a justement limité les saisies aux seuls fichiers contenant les destinataires des documents litigieux ainsi qu’à la base de données «DIRIGEANT OU CHEF DE SERVICE», elle-même mentionnée dans le tract du 11 avril 2013 ; qu’elle nous demande de confirmer l’ordonnance et d’ordonner la communication des pièces saisies ;
Attendu qu’ORANGE a estimé que la teneur des messages serait constitutive d’un acte de concurrence déloyale résultant d’un dénigrement de ses produits et services ; que les griefs formulés par concernent les termes utilisés par POPFAX sur deux supports (tracts) distincts envoyés par télécopie, l’un le 11 avril 2013 et l’autre les 23 mai, 3 juin et 4 juin 2013 ;
qu’ORANGE a obtenu l’ordonnance au motif d’établir l’ampleur de la diffusion des messages litigieux ( « à ce jour, ORANGE ignore toujours le nombre de destinataires des télécopies litigieuses ») ;
Attendu que l’huissier de justice s’est vu confier la mission suivante :
« ( … ) recueillir ( … ) tous documents permettant de déterminer les actes de concurrence déloyale perpétrés par la société POPFAX à l’encontre d’ORANGE. » ;
Et comme pouvoir de se faire notamment communiquer :
• « L’ensemble de la documentation publicitaire et/ou promotionnelle désignant les produits ou services d’ORANGE ou se rapportant à sa stratégie commerciale, et notamment les éléments concernant son service de fax/télécopie,
• L’ensemble des documents et données à caractère professionnel faisant mention des mots-clés suivants : ORANGE, FRANCE TELECOM, CONTRAT
PROFESSIONNELS SERVICES,
• L’ensemble des contacts (personnes physiques ou morales) auxquels ces documents ont été adressés et/ou diffusés par quelques moyens que ce soit, et notamment l’ensemble des personnes composant la base de données libellée DIRIGEANT ou CHEF DE SERVICE» ;
Mais attendu qu’à l’évidence les chefs d’investigations ne se limitent pas aux deux tracts litigieux émis par POPFAX en avril, mai et juin 2013, ainsi qu’il a été demandé dans la requête ; que la mission confiée à l’huissier lui confère un pouvoir quasi-discrétionnaire pour apprécier la pertinence des éléments recherchés puisqu’il lui a été confié le soin de « recueillir ( … ) tous documents permettant de déterminer les actes de concurrence déloyale perpétrés par la société POPFAX à l’encontre d’ORANGE. » ; qu’ORANGE a inséré dans sa
requête l’adverbe « notamment», autorisant à l’huissier instrumentaire une recherche sans aucune limite quant à son objet ; qu’aucune limite temporelle au périmètre de la recherche n’est exigée, alors que l’objet de la requête porte sur les tracts émis entre avril et juin 2013 ;
Attendu qu’il ne s’agit nullement de mesurer l’ampleur de diffusion de tracts ou de communications commerciales ciblées ; que l’objet de ces chefs de mission autorisent ORANGE à recueillir tous les éléments d’intelligence économique et de surveillance de marché, réunis par un concurrent en toute licéité pour s’adapter à la situation de concurrence ;
Que l’autorisation accordée à ORANGE dans les termes de sa demande ne respecte pas le principe de proportionnalité ; qu’elle excède largement, et sans limite, ce qui serait strictement suffisant à la preuve recherchée ;
Attendu qu’en conséquence, nous rétracterons J’ordonnance rendue Je 16 juillet 2013 par M. Je Président du Tribunal de commerce de VERSAILLES ;
Sur la demande de dommages et intérêts d’ORANGE
Attendu qu’ORANGE nous demande de condamner in solidum POPFAX et M. P. à lui verser la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l’article 32-1 du CPC au motif de manoeuvre dilatoire de la part de ces derniers du fait de la contestation tardive de l’ordonnance ;
Mais attendu que c’est à bon droit que les demandeurs nous ont saisi aux fins de rétractation de l’ordonnance, qu’il sera par ailleurs rappelé qu’il n’est pas prévu de délai pour formuler une telle demande ; que nous débouterons ORANGE de sa demande de dommages et intérêts ;
Attendu qu’ORANGE a contraint POPFAX à engager des frais irrépétibles qu’il serait inéquitable de lui laisser supporter en totalité, que nous fixerons à 1 500 € la somme qu’ORANGE devra verser à POPFAX au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ;
Attendu que les dépens seront mis à la charge d’ORANGE et que nous statuerons dans les termes ci-après.
DECISION
AU PRINCIPAL
Renvoyons les parties à se pourvoir.
Cependant, dès à présent et par provision,
Rétractons l’ordonnance rendue le 16 juillet 2013 par M. le Président du Tribunal de commerce de VERSAILLES.
Déboutons la SA ORANGE de sa demande de dommages et intérêts.
Condamnons la SA ORANGE à payer à la SARL POPFAX la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du CPC.
Condamnons la SA ORANGE à payer les dépens taxés à la somme de 67,23 euros.
Rappelons que l’exécution provisoire est de droit.
Le tribunal : M. André Desrayaud (président), Me Frédérique Chamaillard (greffier)
Avocats : Me Stéphane Coulaux, Me Emmanuel Eslami
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