Jurisprudence : Responsabilité
Juridiction de proximité 2ème arrondissement de Paris Jugement du 30 avril 2013
Léonard S. / Free
assignation - fournisseur d'accès - inexecution - procédure - signature - signature électronique - téléphonie - tiers - validité
FAITS ET PROCÉDURE
Par déclaration au greffe du 11 décembre 2012 reçue le 21 décembre 2012, M. S. Léonard a fait convoquer devant la juridiction de proximité la société Free aux fins de l’entendre condamnée à lui payer :
– la somme de 539,70 € en principal ;
– la somme de 100 € à titre de dommages-intérêts ;
A l’appui de ses demandes, il expose être abonné de l’opérateur Free depuis août 2011 et avoir constaté de graves ralentissements sur les sites Youtube.com et l’APP Store d’Apple.
Il observe que ces problèmes surviennent en particulier le soir et le week-end et n’accepte pas d’être la « victime » de la concurrence entre Free et Google.
Il produit aux débats des articles qui démontrent que de nombreux internautes subissent les mêmes agissements et demande donc réparation du préjudice qui lui a été causé.
Il limite sa demande à la période de septembre 2011 à novembre 2012, ayant constaté une amélioration depuis cette dernière date.
Il chiffre sa demande sur la base du forfait mensuel de 35,98 € (hors options) soit pour 15 mois 539,78 €.
A l’audience des plaidoiries, il oppose à l’exception de nullité soulevée par la défenderesse qu’il a personnellement rempli la déclaration au greffe publiée sur le site demander en justice.com, y a apposé la signature électronique et l’a renvoyée par l’intermédiaire du même site.
Il ajoute que cette signature est bien certifiée par un certificateur agréé par le Ministère de la Justice. Il conclut donc au rejet de l’exception de nullité de la demande.
Il forme enfin une demande complémentaire en paiement de la somme de 100 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Free invoque, in limine litis, une exception de nullité de la saisine.
Elle observe que la déclaration au greffe datée du 11 décembre 2012 n’a pas été signée par le demandeur, comme il le reconnaît lui-même dans ses conclusions.
Aux termes de l’article 58 du code de procédure civile, l’acte de saisine du tribunal est nul et la procédure l’est aussi.
Elle remarque que la signature électronique qui figure sur le document, apposé en réalité par la société demander en justice.com, comme sur d’autres demandes faites par son intermédiaire, n’est accompagnée d’aucun procédé de certification et de contrôle possible pour son destinataire.
Enfin, elle ajoute que la société émettrice n’a pas qualité pour représenter le demandeur et que son activité est d’ailleurs susceptible d’être pénalement poursuivie.
Elle maintient donc que la demande est entachée de nullité et que M. S. doit être débouté de ses demandes.
Sur le fond, elle conclut également au débouté, considérant que le demandeur n’apporte pas la preuve qu’il a été personnellement victime des faits invoqués.
Elle observe que les ralentissements dont il se plaint, et qui ne sont pas établis, peuvent venir aussi bien de son matériel ou du réseau.
Elle ajoute que M S. ne lui a jamais adressé de mise en demeure.
La société Free forme enfin une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 800 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
DISCUSSION
Sur l’exception de nullité de la demande
L’article 1er du code de procédure civile dispose :
« Seules les parties introduisent l’instance, hors les cas où la loi en dispose autrement ».
L’article 58 du même code dispose :
« La requête ou la déclaration est l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
« Elle contient à peine de nullité
« 1° Pour les personnes physiques l’indication des nom, prénoms, profession domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur,
« …
« Elle est datée et signée.
L’article 114 dispose :
« Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public ».
Il est constant que la déclaration au greffe introduisant l’instance n’a pas été signée de la main de M S. mais au moyen d’une signature électronique.
Le document n’étant accompagné, lors de son envoi, d’aucune certification, ni d’aucun élément permettant le contrôle de la signature par son destinataire.
Le certificat communiqué en cours de procédure a en effet été adressé au site demander en justice.com et non au tribunal.
De l’aveu même du demandeur à l’audience, ce n’est pas lui qui a adressé la déclaration au greffe mais la société demander en justice.com.
Celle-ci n’est pas habilitée, au sens de l’article 828 du code de procédure civile, pour représenter les parties et déposer des demandes en leur nom.
Il apparaît dès lors que la formalité imposée par l’article 58 du code de procédure civile n’a pas été remplie et que l’acte introductif d’instance, déposé par un tiers non habilité, en infraction des dispositions de l’article 1er, doit être déclaré nul.
Sur la demande reconventionnelle
Il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la société Free doit être déboutée de sa demande reconventionnelle sur ce fondement.
DÉCISION
La juridiction de proximité, statuant par jugement prononcé par mise à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort ;
Vu les articles 1er, 58 et 114 du code de procédure civile ;
. Déclare nulle et de nul effet la déclaration au greffe datée du 11 décembre 2012 et reçue le 21 décembre 2012 ;
. Dit n’y avoir lieu à examiner la demande au fond ;
. Déboute la société Free de sa demande reconventionnelle fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
. Condamne M. S. aux dépens.
Le tribunal : Mme Claudie Vuillemin (juge de proximité)
Avocat : Me Laurent Douchin
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