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Jurisprudence : Marques

jeudi 02 juillet 2009
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Cour d’appel d’Aix en Provence 2ème chambre Arrêt du 8 février 2007

Marie-Paule K., Pascal P. / Floradream

marques

FAITS ET PROCEDURE

Le 12 octobre 1998 la société Floradream, dont le siège est à Valbonne, a créé sur internet le nom de domaine « azurvilla.com ».

Le 5 mai 1999 Madame Marie-Paule K. a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés pour une activité de transactions immobilières située à Mougins et avec comme enseigne « 06 Azur Villa – MPK Immobilier ».

Le 29 août 2001 Monsieur Pascal P. a créé sur internet le nom de domaine « www.azurvilla.net ».

Le 5 avril 2002 la société Floradream a déposé à l’Institut National de la Propriété Industrielle la marque « Azurvilla » sous le numéro 02-3 157836.

La société Floradream a le 21 octobre 2002 assigné Madame K. et Monsieur P. devant le Tribunal de Grande Instance de Grasse.

Par ordonnance du 12 février 2003 le Juge des Référés de cette juridiction a dit sans objet la demande de la première en interdiction par les seconds de l’utilisation de l’enseigne et de la marque « Azurvilla », au motif que le signe « Azurvilla » a été supprimé le 24 juin 2002 du site web de ceux-ci.

Madame K. a été radiée le 2 juillet 2003 du Registre du Commerce et des Sociétés.

Une ordonnance rendue le 16 avril 2004 par le Juge de la Mise en Etat du Tribunal de Grande Instance de Grasse a débouté la société Floradream qui demandait l’interdiction par Madame K. et Monsieur P. de l’usage, de la représentation et de la reproduction de la marque « Azurvilla », aux motifs d’une part que le seconds ont changé leur logo « Azurvilla » en « Villa Azur », et d’autre part que l’enregistrement de leur nom de domaine « Azurvilla » (29 août 2001) est antérieur au dépôt par la première de la marque « Azurvilla » (5 avril 2002).

Enfin le Tribunal de Grande Instance de Grasse, par un jugement du 18 février 2005, a :
* interdit à Monsieur P. et Madame K. l’usage, la représentation et la reproduction de la marque « Azurvilla », sous astreinte de 500 € par jour de retard et 1000 € par infraction constatée, passé le délai de quinze jours après la signification du jugement ;
* ordonné la publication du dispositif du jugement dans le quotidien Nice Matin aux frais solidaires de Monsieur P. et Madame K., sans que ladite condamnation puisse excéder 1000 € H.T. ;
* condamné in solidum Monsieur P. et Madame K. à verser à la société Floradream les sommes de :
– 10 000 € à titre de dommages et intérêts,
– 1200 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Madame Marie-Paule K. et Monsieur Pascal P. ont interjeté appel. Concluant le 8 décembre 2006 ils soutiennent :
– que la première a été condamnée pour un comportement futur, ce qui est tout à fait infondé ;
– que l’enregistrement d’un nom de domaine sur internet prévaut sur le dépôt postérieur d’une marque du même nom ; qu’il n’existe aucune antériorité entre les noms de domaine ; que la société Floradream n’a pas jugé nécessaire de déposer la marque « Azurvilla » au moment de l’enregistrement de son site du même nom, était dans un premier temps spécialisée dans la conservation des fleurs, et n’a exercé d’activité immobilière qu’après avoir déposé cette marque ; qu’il existait au 30 janvier 2004 plus de 1200 sites internet employant le terme « Azurvilla » ; que l’enregistrement d’un site internet ne confère aucune exclusivité ; que la marque « Azurvilla » n’est pas notoire car elle n’a aucune originalité ;
– que Monsieur P. a sur son site web remplacé le sigle « Azurvilla » par « Villa Azur », tandis qu’il est tout à fait normal que ce site porte toujours la dénomination « Azurvilla » puisque son adresse est « www.azurvilla.net » ;
– que la société Floradream ne démontre en aucune façon le préjudice qu’elle prétend avoir subi, tandis que Monsieur P. ne tire aucun profit de l’exploitation du nom de domaine puisqu’il est bénéficiaire de l’Aide Juridictionnelle ;
– que l’action introduite par cette société est hautement abusive, a eu pour conséquence un détournement des capacités fonctionnelles de Monsieur P., et a provoqué un changement d’attitude des agences immobilières avec lesquelles l’intéressé travaille en collaboration.

Les appelants demandent à la Cour de réformer le jugement et de :
– donner acte à Monsieur P. qu’il exploite seul le sigle sur internet « Azurvilla » ;
– constater que Madame K., qui s’est radiée du Registre du Commerce et des
Sociétés le 2 juillet 2003, et la mettre purement et simplement hors de cause ;
– débouter la société Floradream ;
– constater que cette dernière n’a aucun droit sur le nom « Azurvilla » ;
– condamner la société Floradream :
* à payer à Monsieur P. la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts en vertu des articles 1382 et 1383 du Code Civil ;
* au paiement d’une somme de 5000 € pour frais irrépétibles en vertu de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 10 mars 2006 la société Floradream répond :
– que du fait du dépôt de la marque « Azurvilla » le nom et le sigle « Azurvilla » ont un caractère distinctif propre et sont notoirement connus ; que l’agence MPK Immobilier, exploitée en nom personnel par Madame K. ainsi que par Monsieur P., utilise cette marque par le biais de différents sites internet tels que « azurvilla.net », « azurvilla.org », « azurvilla.levillage.org » et « riviera.sun.online.fr », et sur lesquels apparaissent les enseignes « Azurvilla » ou « 06 Azurvilla » ou encore « 06 Azurvilla MPK Immobilier » ; que ses adversaires ont sciemment trompé le Juge des Référés en indiquant avoir supprimé sur leur site internet l’usage de la marque d’elle-même, car un Huissier de Justice a constaté le 30 janvier 2004 qu’ils utilisaient toujours « 06 Azur Villa » et « www.azurvilla.net » ;
– que les appelants ne respectent pas le jugement, car elle a constaté le 23 janvier 2006 que Monsieur P. utilise toujours « azurvilla.net » ; que Madame K. a été condamnée pour un comportement fautif passé et présent, dont rien, et encore moins une radiation du Registre du Commerce et des Sociétés, ne laisse de penser qu’il pourrait cesser ;
– que son nom de domaine « Azurvilla » a été enregistré sur internet antérieurement à celui de ses adversaires ; que l’existence de nombreux sites du même nom à travers le monde ne lui porte pas forcément préjudice, ce qui en revanche est le cas pour l’agence MPK Immobilier exerçant dans le même secteur qu’elle-même ; et que le montant des pertes résultant de la captation de clientèle, tel qu’apprécié par le Premier Juge, est loin de réparer le dommage causé.

L’intimée demande à la Cour de confirmer le jugement, et y ajoutant de condamner les appelants au paiement :
– in solidum d’une somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts ;
– d’une somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2006.

DISCUSSION

Un nom de domaine désignant un site internet constitue une antériorité au sens de l’article L. 711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle. Il en résulte que le fait que Monsieur P. ait créé le nom de domaine « www.azurvilla.net » sur internet le 29 août 2001, soit 7 mois avant le dépôt le 5 avril 2002 par la société Floradream de la marque « Azurvilla », exclut toute atteinte à cette dernière. Le jugement sera par suite réformé pour avoir interdit à Monsieur P. et Madame K. l’usage, la représentation et la reproduction de la marque « Azurvilla ».

Le logo initial de l’agence immobilière des appelants, qui était « Azurvilla », est effectivement devenu « Villa Azur » comme l’a constaté le Juge de la Mise en Etat du Tribunal de Grande Instance de Grasse dans son ordonnance du 16 avril 2004.

Cependant cette agence continue à mentionner le site internet « www.azurvilla.net ».
Le nom de domaine « azurvilla.com » de la société Floradream créé le 12 octobre 1998 bénéficie d’une antériorité chronologique sur celui « www.azurvilla.net » créé par Monsieur P. le 29 août 2001. Ces deux noms sont quasi-identiques, et leurs auteurs exercent dans le même secteur d’activité (agence immobilière) et à quelques kilomètres de distance l’un de l’autre. Il en résulte un risque certain de confusion dans l’esprit d’un client d’attention moyenne, ce qui constitue un acte de concurrence déloyale qui a été justement sanctionné par le Tribunal de Grande Instance, notamment quant au montant des dommages et intérêts alloués à la société Floradream. Mais le fait que Madame K. ait été radiée le 2 juillet 2003 du Registre du Commerce et des Sociétés conduira la Cour à diminuer de moitié le montant de sa condamnation.

Enfin l’équité ne permet pas de rejeter la demande faite par l’intimée au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

DECISION

La Cour, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire et prononcé par mise à disposition au Greffe.

. Remplace dans le jugement du 18 février 2005 l’interdiction de la marque « Azurvilla » par l’interdiction du nom de domaine « www.azurvilla.net ».

. Confirme le surplus du jugement, mais en réduisant la condamnation de Madame Marie-Paule K. au titre des dommages et intérêts à la somme de 5000 €.

. Condamne en outre Monsieur Pascal P. et Madame Marie-Paule K. à payer à la société Floradream une indemnité de 4000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

. Rejette toutes autres demandes.

. Condamne Monsieur Pascal P. et Madame Marie-Paule K. aux entiers dépens,

La cour : M. Robert Simon (président), MM. Baudouin Fohlen et André Jacquot (conseillers)

Avocats : Me Jean Saffores, Me François Lastelle

Voir décision de Cour de cassation

 
 

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