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mardi 13 juin 2017
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Numérisation des œuvres orphelines : le Conseil d’Etat invalide ReLire

 

Par une décision du 7 juin 2017, le Conseil d‘Etat a remis en cause le dispositif ReLire (Registre des livres indisponibles en réédition électronique), considérant que les dispositions du décret d’application de la loi sur la numérisation des oeuvres indisponibles sont dépourvues de base légale. En annulant les articles R. 134-5 à R. 134-10 du code de la propriété intellectuelle, c’est le principe même de la gestion collective des œuvres orphelines qu’il remet en cause mais pas la base de données qui avait été créée par ce même décret. La cour suprême suit ainsi l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 novembre 2016, qui répondait à la question préjudicielle qu’elle avait posée sur ce décret.
La loi du 1er mars 2012 et son décret d’application du 27 février 2013 encadrent la numérisation des œuvres indisponibles du XXe siècle, sans solliciter a priori le consentement des auteurs, qui est considéré acquis six mois après leur inscription de la base de données ReLire, si l’ayant droit ne s’y est pas opposé. Par un arrêt du 16 novembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne avait remis en cause le mécanisme français permettant la diffusion numérique des livres indisponibles dans le commerce, sur autorisation de la société de gestion collective Sofia. Pour la Cour, les article 2 et 3 de la directive du 22 mai 2001 « s’opposent à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, confie à une société agréée de perception et de répartition de droits d’auteurs l’exercice du droit d’autoriser la reproduction et la communication au public, sous une forme numérique, de livres dits « indisponibles », à savoir des livres publiés en France avant le 1er janvier 2001 et ne faisant plus l’objet ni d’une diffusion commerciale ni d’une publication sous une forme imprimée ou numérique, tout en permettant aux auteurs ou ayants droit de ces livres de s’opposer ou de mettre fin à cet exercice dans les conditions que cette réglementation définit. ».
La CJUE avait ainsi pointé l’absence d’information effective et individualisée des auteurs de l’inscription dans ReLire, préalablement au déclenchement du délai d’opposition et l’imposition pour les auteurs souhaitant exercer leur droit de retrait de démontrer être seuls titulaires des droits de reproduction. Le Conseil d’Etat en conclut que « dès lors toutefois que l’économie générale du dispositif est fondée sur un équilibre entre le principe d’un consentement implicite des auteurs et l’organisation de droits de retrait et d’opposition, l’ensemble des dispositions relatives à la valorisation des livres indisponibles doit être regardé comme un ensemble indivisible contraire aux exigences du droit de l’Union européenne. ». En conséquence, il estime que les articles R. 134-5 à R. 135-10 sont dépourvus de base légale.
Restait à régler le sort des contrats qui avaient déjà été conclus par la société de gestion collective Sofia. Cette dernière avait invoqué le fait que l’annulation du décret créerait une incertitude juridique, notamment quant aux droits acquis compte tenu des licences signées avec les éditeurs. Le Conseil d’Etat considère que « d’une part, la disparition rétroactive des dispositions des articles R. 134-5 à R. 134-10 du code de la propriété intellectuelle créées par le décret attaqué ne produit pas par elle­ même d’effets propres de nature à remettre en cause la validité des contrats signés sous leur empire, de nature à justifier une limitation dans le temps des effets de leur annulation. D’autre part et en tout état de cause une telle limitation contreviendrait aux exigences attachées à la primauté et à l’effectivité du droit de l’Union européenne en l’absence de nécessité impérieuse justifiant son usage, compte tenu des circonstances spécifiques de l’affaire. ».

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