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CJUE : le droit de la contrefaçon s’applique aux violations de licences logicielles
« La violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d’auteur de ce programme, relève de la notion d’« atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national », a considéré la Cour de justice de l’UE dans un arrêt rendu le 18 décembre 2019. Il fait suite à une question préjudicielle posée par la cour d’appel de Paris dans une décision du 16 octobre 2018. Celle-ci demandait à la Cour si la violation des termes d’un contrat de licence de logiciel constitue une contrefaçon ou si elle obéit à un régime juridique distinct, comme le régime de la responsabilité contractuelle de droit commun. Depuis un arrêt du 10 mai 2016 dans l’affaire Afpa/Oracle, une tendance jurisprudentielle se dessinait en effet de considérer que l’inexécution contractuelle ne relève pas de la responsabilité délictuelle et donc que l’action en contrefaçon doit être écartée.
La CJUE a donc répondu sans ambiguïté, s’appuyant sur la directive du 29 avril 2004 relative au respect de droits de propriété intellectuelle et sur l’article 4 de la directive du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur. La Cour constate que la directive de 2009 ne fait pas dépendre la protection du titulaire des droits d’un logiciel de la question de savoir si l’atteinte alléguée relève ou non de la violation de la licence. Le considérant 15 indique que la transformation du code constitue une atteinte aux exclusifs de l’auteur, sans précision quant à l’origine, contractuelle ou autre, de cette atteinte. Par ailleurs, la Cour estime que la directive de 2004 couvre aussi les atteintes résultant d’un manquement à une clause contractuelle d’une licence de logiciel et que le titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette directive, d’autant qu’elle ne prescrit pas l’application d’un régime de responsabilité particulier en cas d’atteinte de ces droits. La Cour rappelle par ailleurs que la juridiction de renvoi avait indiqué qu’« aucune disposition du droit national relative à la contrefaçon ne dispose expressément que cette dernière peut être invoquée uniquement dans le cas où les parties ne sont pas liées par un contrat. Elle relève également que la contrefaçon se définit, dans son acception la plus large, comme étant une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, notamment une violation de l’un des droits d’auteur d’un programme d’ordinateur. ».
L’éditeur de logiciels IT Développement avait consenti à Free Mobile une licence et un contrat de maintenance d’un logiciel qui permet d’organiser et de suivre l’évolution du déploiement de l’ensemble des antennes de radiotéléphonie par ses équipes et ses partenaires extérieurs. IT Développement qui avait estimé que Free mobile avait apporté au logiciel des modifications, alors que la licence l’interdisait, a fait procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux d’un sous-traitant de Free Mobile. Suite à cette opération, IT Développement avait cité son co-contractant en contrefaçon de son logiciel et avait demandé une indemnisation du préjudice subi. Par un jugement du 6 janvier 2017, le TGI de Paris avait jugé irrecevable ses prétentions fondées sur la responsabilité délictuelle.