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9 mois de prison ferme pour un montage raciste sur Facebook
Dans son jugement du 15 juillet 2014, le tribunal correctionnel de Cayenne (Guyane) n’a pas hésité à prononcer une peine de prison ferme pour la diffusion de contenus à caractère raciste sur Facebook, ce qui est rare en matière de délits de presse. La sévérité du jugement s’explique en partie par les particularités de l’espèce et par le fait que l’affaire a été jugée en Guyane. Pour les peines, le tribunal a en effet pris en compte le fait que la page Facebook consultable partout dans le monde, l’était aussi dans ce département d’outre-mer. Et il a expliqué qu’« attendu qu’en particulier dans un territoire comme la Guyane ayant été marqué par l’esclavage, caractérisé par l’assimilation par le code noir des “nègres” à des biens meubles ou à du bétail, il est évident que ce type d’insinuation « justifiée” par une homochromie de la peau, ne peut que raviver la souffrance des descendants d’esclaves, et donc générer un préjudice important ».
Il avait été reproché à une candidate Front national à l’élection municipale d’une commune des Ardennes d’avoir diffusé sur sa page Facebook un montage sur lequel figuraient les photographies d’un jeune singe et celle de la ministre de la Justice, avec les légendes « à 18 mois » et « maintenant ». Elle avait ensuite commenté ce contenu dans l’émission de France 2, « Envoyé spécial ». L’association Mouvement Walwari a saisi la justice et s’est constituée partie civile. La candidate en question et le Front national ont été poursuivis pour injures à caractère racial et provocation à la haine raciale et condamnés sur ces fondements.
En ce qui concerne la titulaire du compte Facebook, le tribunal a estimé que « le fait d’assimiler une personne humaine, quelle qu’elle soit, à un animal, constitue une injure, faite à l’humanité entière ; qu’en outre, le fait, confirmé par les propos tenus à la télévision, que cette injure concerne une personne de race noire, supposée arboricole, constitue de toute évidence une injure à caractère racial, mais aussi une provocation à la haine raciale, cette caricature n’étant que le paroxysme des réflexions racistes faites notamment dans le cadre du débat sur le “mariage pour tous” à l’encontre de Mme Taubira ». L’élément intentionnel de l’infraction consistait, selon le tribunal, en la volonté de la prévenue d’avilir la personne visée, en incitant à la haine ou à la discrimination contre toutes les personnes de couleur noire. Cette atteinte jugée « frontale à la dignité de l’homme » a donc été sévèrement sanctionnée. Car en plus de la prison ferme, le tribunal correctionnel a prononcé une peine de privation du droit d’éligibilité pendant cinq ans.
Le Front national a également été condamné, malgré l’abstention du procureur à requérir une condamnation du parti car il estimait que les éléments constitutifs de l’infraction n’étaient pas réunis. Tout en reconnaissant qu’il n’était pas l’auteur matériel de l’infraction, le tribunal a néanmoins estimé que le Front national avait participé par instigation et fourniture de moyens. Il a ajouté que si la prévenue n’avait pas été une candidate du Front national, le montage n’aurait pas eu un tel retentissement. Quant à l’élément intentionnel, il est constitué « d’une volonté exprimée de s’en prendre aux étrangers, et plus généralement aux hommes de race ou d’origines différentes ». Il est condamné à 30 000 € d’amende, auxquels s’ajoutent 50 000 € de dommages-intérêts (solidairement avec la prévenue) à verser au Mouvement Walwari.
Les prévenus ont fait appel de la décision.